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États-Unis-Chili

L’accord de libre-échange entre les États-Unis et le Chili est en vigueur depuis le 1er janvier 2004. Il s’agit du premier accord de libre-échange exhaustif entre les États-Unis et un gouvernement sud-américain.

L’accord entre les États-Unis et le Chili est un accord dont les effets sont sans précédent, imposant des engagements qui vont bien au-delà des dispositions de l’OMC et de l’ALÉNA. Il visait à créer un nouvel élan autour des négociations plutôt boiteuses de la ZLÉA et à aider les exportateurs américains à obtenir un meilleur accès à d’autres marchés dans la région.

Les dispositions concernant la propriété intellectuelle vont même bien au-delà de l’Accord sur les ADPIC (Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) de l’OMC, limitant sérieusement les conditions permettant l’utilisation de licences obligatoires sur les médicaments. Elles vont aussi jusqu’à prolonger de cinq ans le monopole des compagnies liés aux brevets, celui-ci atteignant 25 ans, menaçant ainsi l’accès aux médicaments abordables, notamment ceux contre le VIH/SIDA. L’accord de libre-échange crée aussi un précédent en appliquant le principe du « premier arrivé, premier servi » aux marques de commerce et aux indications géographiques appliquées aux produits.

Cela veut dire que le premier en lice pour une marque de commerce se voit octroyer le premier le droit d’utiliser le nom, l’expression ou l’indication géographique. Ce prédédent sera utilisé dans les forums tels que ceux de l’OMC pour s’opposer à l’approche de l’Union européenne, qui donne la priorité aux indications géographiques (comme parmesan, feta, roquefort, pilsner et bordeaux) avant les marques de commerce existantes. (L’ADPIC définit les indications géographiques comme étant les noms de lieu utilisés pour identifier l’origine, la qualité, la réputation, ou d’autres caractéristiques d’un produit.)

L’accord de libre-échange États-Unis-Chili impose de nouvelles limites inquiétantes sur le contrôle des capitaux. Dans une déclaration commune, l’Alliance chilienne pour un commerce juste et équitable (ACJR) et l’Alliance pour le commerce responsable (ART) ont déclaré :

« L’encaje du Chili, en vertu duquel les investisseurs étrangers ont déposé une portion de leurs investissements à la Banque centrale, a été un facteur clé dans la protection de l’économie chilienne contre la chute du peso au Mexique en 1995. Néanmoins, avec l’insistance de l’administration Bush, ce mécanisme a été éliminé. Le nouvel accord bilatéral empêcherait le gouvernement chilien de mettre en place de telles mesures sauf lorqu’une situation d’urgence a déjà commencé. Mais dans de telles circonstances limitées, les investisseurs étrangers auraient le droit de poursuivre le gouvernement afin d’obtenir des compensations un an après que les mesures aient été mises en place. Ce qui ajoute à la pression sur les législateurs pour qu’ils repoussent tout contrôle sur la fuite des capitaux jusqu’à ce qu’il soit trop tard. »

Les États-Unis ont réusssi à pousser le Chili à entreprendre le démantèlement de son programme de prix agricoles, ce que le Chili avait pu maintenir dans ses accords bilatéraux avec les États-Unis et le Canada. Cela vise à stabiliser les coûts d’importation de produits agricoles de base par des révisions tarifaires. En fonction des prix internationaux des denrées — le blé, la farine de blé, l’huile végétale et le sucre —, ces tarifs sont soit augmentés pour défendre le prix plancher ou diminués pour défendre le prix plafond.

L’Argentine, avec l’appuis des États-Unis, avait déposé une plainte auprès de l’OMC contre ce programme de régulation des prix, et une décision de l’OMC avait exigé du Chili qu’il modifie son programme afin qu’il respecte les obligations de l’organisation. Les États-Unis se battent contre le système de fixation des prix chiliens depuis quelque temps, le déclarant comme étant un système protectionniste. Mais les États-Unis n’ont par ailleurs aucun problème à octroyer d’énormes subventions (principalement aux grandes entreprises) à sa propre industrie agricole. L’élimination de ce programme force les petits fermiers chiliens, qui génèrent 60 % de la production agricole du pays, à entrer en concurrence avec le secteur fortement subventionné de l’agrobusiness américain.

Nicolas Garcia, fermier Chlien, a mentionné au Washington Times (17/06/03) « qu’il s’agit d’une situation dans laquelle le plus gros et le plus fort mange le plus petit. Nous ne pouvons tout simplement pas entrer en concurrence avec les subventions américaines ».

De plus, l’accord de libre-échange États-Unis-Chili formalise des engagements plus profonds envers les OTC (les obstacles techniques au commerce, qui couvrent les normes d’étiquetage des aliments) et les marchés publics. Il contient de vastes définitions de l’investissement de type « ALÉNA-plus » qui ouvrent toute grande la porte aux poursuites par des investisseurs mécontents.

En mai 2010, le Sénat chilien a ratifié la Convention de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) tel que le prévoit son ALE avec les ÉU. Ce geste a été fortement rejeté par de vastes pans de la société chilienne, ainsi que par le mouvement étudiant pour la défense de l’éducation publique.

dernière mise à jour : mai 2012

Photo : Luigi Bosca / CC BY-SA 3.0