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ALE Maroc-Canada : L’investissement au prix du déficit commercial

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L’Économiste | 2012/07/23

ALE Canada
L’investissement au prix du déficit commercial

 Très peu d’avantages commerciaux visibles
 Presque le même schéma que l’accord avec les Etats-Unis

S’il signe cet ALE avec le Canada, le Maroc deviendra le premier pays africain à entrer en libre échange avec ce pays et étoffera sa liste, déjà importante, d’accords commerciaux préférentiels

Les accords de libre échange signés par le Maroc se multiplient et le pays ne semble pas vouloir se limiter à la liste actuelle des ALE. Après l’Union européenne, les pays arabes, les Etats-Unis, la Turquie… voici le Canada. 13e importateur mondial, le Canada fait partie auprès des Etats-Unis et du Mexique de l’Alena, l’une des zones de libre-échange les plus dynamiques au monde. Théoriquement, il existe des marges importantes pour les produits marocains, notamment les agrumes, frais ou séchés, les articles textiles, les chaussures, et les articles en cuir qui constituent l’essentiel de nos exportations vers ce pays. Mais il ne faut pas se voiler la face : «Si le Maroc signe cet accord, c’est d’abord pour courtiser les investisseurs étrangers», affirme Jawad El Kerdoudi, président de l’Institut Marocain des Relations Internationales.

Il suffit de jeter un coup d’œil à nos échanges avec le Canada pour se rendre compte que celles-ci demeurent très limités et surtout, très peu diversifiés. L’accord en cours de négociation va vers un scénario semblable à celui qui lie le Maroc aux Etats-Unis: Peu de gains sur le plan commercial mais gros enjeux sur les investissements. Les investisseurs canadiens sont sollicités par le monde et il n’est point de doute qu’une présence en Afrique subsaharienne est inévitable.

Le Maroc constituera, si cet accord est signé, le point d’entrée du Canada vers ces pays. Il pourrait ainsi bénéficier de la présence de grands acteurs internationaux dans des domaines techniques tels les nouvelles technologies de l’Information, l’électronique, l’électrique et l’hydro électrique, des filières où le Canada possède une expertise reconnue.

L’accord avec le Canada devrait instituer et réaffirmer, au même titre que celui avec les Etats-Unis, quelques règles de sécurité. «Il s’agira de garanties de rapatriement des bénéfices, d’indemnisation sans discrimination en cas d’expropriation, de suppression de la double imposition et de la possibilité du recours à l’arbitrage en cas de litige » », pronostique le président de l’Institut Marocain des Relations Internationales.

Autre sujet très sensible chez les anglo-saxons, la propriété intellectuelle et commerciale. Ce point aura certainement une place prépondérante dans les dispositions de l’accord. En revanche, si l’on voit les choses d’un point de vue purement commercial, et compte tenu de l’asymétrie de nos deux économies, le Canada en profitera certainement plus que le Maroc. Selon les derniers chiffres du commerce extérieur, le déficit de nos échanges avec le Canada est de 2,5 milliards de DH en 2011.

Notre offre exportable vers le Canada se résume aux agrumes. Elle a atteint l’équivalent de 236 millions de DH en exportations à fin 2011. Selon les professionnels, la situation ne risque pas de s’améliorer avec l’entrée en vigueur de l’accord avec le Canada. Même notre produit phare ne pourra pas équilibrer la balance. «La capacité du marché est limité aux petits fruits, principalement la clémentine, et le marché est aujourd’hui saturé », souligne Moulay M’hamed Loultiti, président de Maroc-Citrus.

Sur ce plan, le Maroc ne peut pas encore concurrencer les autres variétés d’agrumes sur le marché canadien, notamment l’orange de la Californie qui a le quasi monopole. D’autant plus que la longueur des distances suppose un traitement particulier pour les produits agricoles. «Le temps de transit étant trop long, il faut abandonner tout espoir de voir des produits aussi fragiles que la tomate marocaine vendus sur le marché canadien », souligne Loultiti.

Par contre, il n’est pas exclu de voir le blé dur canadien (le Canada étant le 1er fournisseur en blé dur dans le monde) gagner de nouvelles positions sur le marché marocain. Pour Ahmed Ouayach, président de la Comader, « il n’y a pas de quoi s’inquiéter car il existe un besoin important localement ». En revanche, la prudence est de mise pour les autres produits agricoles. « Les modalités de traitement des autres produits agricoles devront être traités avec la plus haute attention par les négociateurs marocains. Notamment en ce qui concerne les systèmes de protection et les quotas concédés », prévient Ouayach.

Il est à souligner à cet égard, que le Maroc s’inscrit dans une approche de «liste positive» assortie d’une clause de rendez-vous alors que le Canada propose que tous les produits agricoles soient soumis, dès l’entrée en vigueur de l’accord, à un schéma de démantèlement tarifaire progressif.

L’industrie pharmaceutique tremble

Les industriels pharmaceutiques sont également inquiétés par le futur accord, le médicament étant la quatrième plus grosse importation du Maroc en provenance du Canada. «Des positions ouvertes concernant les produits pharmaceutiques admis à l’importation ne nous arrangent pas et constitueraient un risque important pour l’industrie nationale», affirme Abdelghani Guermaii, président de l’Association Marocaine de l’Industrie Pharmaceutique (AMIP). Les laboratoires sont pourtant conscients que pour certaines classes thérapeutiques, elles pourront bénéficier de l’expertise canadienne.

Ayoub NAÏM


 source: L’Economiste