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Tafta : l’angoisse des élus locaux

Nouvel Economiste | le 01/06/2015

Tafta : l’angoisse des élus locaux

Le traité transatlantique provoque une mobilisation inédite des collectivités territoriales…

Par Olivier Clodong

Serpent de mer médiatique s’il en est, le traité transatlantique de commerce et d’investissement, le désormais célèbre « Tafta », négocié entre l’Union européenne et les Etats-Unis, fait des apparitions régulières dans l’actualité. Le dernier épisode en date est assez inattendu : le futur partenariat sème l’affolement dans les collectivités territoriales ! En cas de succès des négociations, de nouveaux risques judiciaires pourraient en effet peser sur les édiles des pays d’Europe. Entre colère et inquiétude, ceux-ci haussent le ton et exigent que leurs craintes soient prises en compte dans les discussions.

« Preuve, s’il en faut une, de la préoccupation croissance des élus locaux : le Sénat a voté à l’unanimité, en février 2015, une résolution offensive mettant en garde contre le projet de traité transatlantique, allant même jusqu’à en appeler à la Constitution française, qui consacre les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Et en parallèle, plus de 300 collectivités ont déjà symboliquement exprimé leur hostilité à l’encontre des négociations entre la Commission européenne et la Maison-Blanche » relate le journaliste Hugo Soutra dans la revue « La Gazette des communes ».

De quoi s’agit-il au juste ? Le Tafta, comme on le sait, a vocation à instaurer une zone de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis. Ses plus fervents défenseurs assurent qu’il sera à ce titre source de croissance et de création d’emplois pour le Vieux Continent. D’autres, à l’inverse, considèrent qu’une fois en vigueur, le Traité bouleversera notre société et nous obligera à rompre avec notre mode de vie actuel. Ainsi, de nombreux élus locaux pointent du doigt les possibles effets pervers du Traité :

 L’’instauration d’une justice privée (tribunaux d’arbitrage) qui permettra aux multinationales de « s’enrichir sur le dos des contribuables » en exigeant des milliards aux Etats ne respectant le « dogme néolibéral ».

 Le démantèlement des services publics, qui torpillera nos acquis sociaux en les uniformisant par le bas.

 L’abaissement des normes sanitaires, sociales et environnementales, qui menacera la sécurité des consommateurs.

 La concurrence déloyale, qui mettra au tapis les TPE et PME européennes, forces vives de nos communes, au profit des grands groupes mondialisés.

 Enfin et surtout, la dérégulation des marchés, qui permettra l’accès des entreprises américaines aux marchés publics (« les cantines scolaires ne se fourniront plus chez le producteur local mais auprès de groupes américains moins chers et peu soucieux de la qualité » déplore un élu de Seine-et-Marne).

« C’est plus particulièrement ce dernier point qui pose question aux élus : demain, les collectivités territoriales pourront-elles toujours choisir leurs délégataires de services publics en fonction du respect de clauses de durabilité (environnementales, sociales et, à travers elles, locales) ou seront-elles contraintes de recourir au prestataire le moins-disant ? » note Hugo Soutra.

« Les craintes que suscitent les négociations sont accentuées par les conditions dans lesquelles elles sont conduites, c’est-à-dire dans un relatif secret. Au regard de leurs incidences potentielles, elles revêtent pourtant un enjeu démocratique majeur, imposant une information régulière des collectivités territoriales et de leurs réseaux » réclame Philippe Laurent, le maire (UDI) de Sceaux, par ailleurs président du Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale (CSFPT).

« Les politiques pourront-ils encore, demain, faire des choix, qu’ils soient de gauche ou de droite, sans accentuer les risques judiciaires pesant déjà sur eux ? L’Union européenne est en train de balayer d’une main le cadre permettant aux collectivités territoriales de protéger leurs territoires, leurs entreprises locales et leurs citoyens » s’inquiète quant à lui l’ancien président de la Région Limousin, le socialiste Jean-Paul Denanot, qui siège désormais au Parlement européen.

Le serpent de mer Tafta pourrait bien connaître d’autres rebonds…

Par Olivier Clodong


 source: Le Nouvel Economiste