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Droits de la personne en Colombie : le Canada montré du doigt

Le samedi 20 octobre 2007

Droits de la personne en Colombie : le Canada montré du doigt

Alexandre Sirois

La Presse

Le premier ministre canadien, Stephen Harper, a erré en offrant son « soutien inconditionnel » au président de la Colombie, Alvaro Uribe, et en donnant le feu vert à un accord de libre-échange avec ce pays.

C’est l’avis d’Alirio Uribe Muñoz, avocat colombien et défenseur des droits de la personne, qui a profité de son passage à Montréal cette semaine pour critiquer l’attitude du gouvernement canadien dans ce dossier.

« Nous pensons qu’il est important que le premier ministre Harper n’accorde pas de soutien inconditionnel en raison de la situation très préoccupante des droits de la personne » en Colombie, affirme M. Muñoz.

On se rappellera que, en juillet dernier, le premier ministre canadien s’était rendu en Colombie et avait fait l’éloge du controversé président colombien, avec qui il avait discuté d’un accord commercial. Son attitude avait soulevé l’ire des organismes de défense des droits de la personne du Canada.

Les inquiétudes de ces organismes étaient fondées, indique M. Muñoz. Cofondateur du Colectivo de Abogados José Alvear Restrepo, un regroupement de 14 avocats qui offre son soutien aux nombreuses victimes du conflit armé en Colombie, cet avocat de 47 ans est la preuve vivante que les autorités colombiennes manquent à leurs devoirs en matière de droits de la personne.

M. Muñoz est régulièrement, à l’instar des autres membres de son regroupement, la cible de menaces de mort, d’intimidation et de harcèlement. « De la part de paramilitaires et même de la police et de l’armée. Parce que nous avons plusieurs dossiers contre eux pour violations graves des droits de la personne », explique le juriste, invité au Québec par l’organisme Droits et Démocratie.

L’appui de M. Harper a été précieux pour M. Uribe. Ce dernier est la cible de critiques en Colombie parce que les États-Unis ont décidé de bloquer les pourparlers sur un traité de libre-échange avec son pays. Or, il peut néanmoins se targuer de négocier une entente du même type avec Ottawa, souligne M. Muñoz.

Le Canada servirait aussi de faire-valoir à M. Uribe dans le dossier du processus de démobilisation des paramilitaires, qui soulève la polémique en Colombie en raison de ses ratés notoires.

« Le premier ministre Harper a publiquement salué le succès du processus de démobilisation. Or, en tant qu’avocats qui participent à ce processus, nous pouvons témoigner qu’il ne s’agit pas d’un succès », dit le juriste.

Selon Amnistie internationale, les groupes paramilitaires ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité en Colombie. En dépit du processus de démobilisation, M. Muñoz affirme qu’ils « continuent d’être actifs et ont toujours des liens avec les autorités civiles et militaires ».

« Il y aurait encore 62 groupes paramilitaires qui contrôlent ou gèrent 23 des 31 départements du pays », précise-t-il.

Si accord de libre-échange il y a entre le Canada et la Colombie, Ottawa doit au moins s’assurer d’établir des mécanismes pour « s’assurer que les entreprises qui se prévalent des dispositions du traité respectent les droits de la personne », plaide l’avocat.

Un exemple parmi d’autres : en vertu d’un accord commercial, le Canada est susceptible d’importer bon nombre de produits agricoles. Si c’est le cas, il est « essentiel », selon M.Muñoz, que ces produits n’entrent pas au Canada « s’ils ont été cultivés sur des terres dont les propriétaires ont été expropriés violemment, par la guérilla ou les paramilitaires ».


 source: Cyberpresse.ca