Pourquoi l’Afrique doit dire non aux Accords de partenariat économique “Ape”

Le Soleil (Dakar) | 26 décembre 2007

Pourquoi l’Afrique doit dire non aux Accords de partenariat économique “Ape”

Marie BA Economiste

1-Historique

Les négociations des Ape ont été suscitées par l’expiration des accords précédemment conclus entre l’Union européenne (Ue) et les pays d’Afrique, des Caraïbes et Pacifique (Acp) .Depuis 1975, les relations politiques et économiques entre les deux blocs étaient régies par une série de Conventions de Lomé, couvrant chacune une période de 5 ans. Reconnaissant les différences économiques considérables entre l’Ue et les pays Acp, ces accords fournissaient des préférences commerciales et de l’aide aux pays Acp sans exiger d’eux la moindre réciprocité.

La dernière Convention de Lomé, qui arrivait à terme en 2000, a été remplacée par l’Accord de partenariat de Cotonou dont les objectifs principaux sont de réduire la pauvreté et de promouvoir le développement durable des pays Acp, ainsi que leur intégration progressive dans l’économie mondiale.

Dans le cadre de l’Accord de Cotonou, l’Ue et les Acp se sont entendus pour maintenir le système préférentiel de Lomé jusqu’à la fin 2007, puis de le remplacer par un nouvel Accord de partenariat qui soit compatible avec les dispositions de l’Organisation mondiale du commerce (Omc).

2-Les Ape

Le 31 décembre 2007 prendront fin les Accords de Cotonou qui, depuis sept ans, accordaient aux 46 Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (les Acp) un régime dérogatoire au principe de libre échange et des préférences commerciales unilatérales.

Mais le système de remplacement que propose l’Union européenne, les Accords de partenariat économique (Ape) affichent un triple objectif :

 faciliter l’accès des produits Acp aux marchés européens ;
 développer le commerce Sud/Sud ;
 soutenir le processus d’intégration régionale.

Selon l’Ue, les Ape permettront de relancer la dynamique de développement, en créant un environnement favorable à l’essor du secteur privé. Pour cette raison, les feuilles de route et les agendas régionaux d’intégration portent sur les investissements, les marchés publics et les politiques en faveur de la concurrence.

Les Ape proposent une libéralisation des échanges en trois étapes : d’abord au sein d’un groupement régional de pays, ensuite entre les différents marchés régionaux du Sud du monde et au final entre pays du Nord et du Sud .

Les pays devront adopter un régime douanier commun et éliminer les goulots d’étranglement qui entravent la libre circulation des marchandises.

En ce qui concerne la libéralisation des échanges Nord-Sud, l’Ue propose une approche pragmatique et flexible qui permettra à chaque région de négocier des mesures de sauvegarde pour les secteurs vulnérables.

L’Ue s’apprête à mettre en place un nouveau Fonds européen de développement. Il apportera un soutien financier au processus d’intégration, ainsi qu’à la mise en place des Ape.

3-Implications pour les pays africains

En l’absence de signature de ces nouveaux accords, ce serait le vide entre l’Union européenne et l’Afrique. Ces Ape, s’ils étaient signés entraîneraient les effets suivants :

 des pertes de recettes fiscales pour nos pays, or ces recettes constituent 35 à 70 % des budgets des Etats africains ;
 les agriculteurs et les producteurs de nombreux pays parmi les plus pauvres seront soumis à la concurrence directe et inégale des producteurs européens, plus efficaces qu’eux et hautement subventionnés. Autrement dit, démantèlement du système productif et disparition du tissu économique ;
 l’intégration régionale entre pays Acp sera sévèrement affectée (tout pays, qui signe les Ape avec l’Ue, s’exclut lui-même de sa Communauté économique régionale, qui est caractérisée par un Tarif extérieur commun) ;
 les gouvernements Acp vont perdre une part substantielle de leurs revenus, ainsi que nombre des instruments de politiques publiques dont ils ont besoin pour promouvoir leur développement économique et social. Autrement dit, cela suppose la suppression d’écoles, de dispensaires, d’hôpitaux, de routes, etc. ;
 on assisterait à une augmentation de la pauvreté.

4-Alternative aux Ape

Comme alternative aux Ape, le président de la République du Sénégal , Son Excellence Me Abdoulaye Wade, propose les Accords de partenariat pour le développement (Apd) articulés autour de 5 principes :

 accords entre régions géographiques : Afrique-Asie, Europe-Afrique, Afrique-Usa au lieu d’un accord mondial Omc trop global et donc trop réducteur ;
 constitution d’un espace mixte qui permettrait des investissements budgétaires de l’Europe en Afrique dans une optique keynésienne ;
 accords sur les produits homogènes : café, cacao, arachide, pêche, coton, produits miniers, manufacturés ;
 délocalisation industrielle vers l’Afrique ;
 Financement des infrastructures en Afrique.

Ces Ape soulèvent un tollé chez bon nombre de dirigeants africains qui refusent « une nouvelle forme de colonialisme ». Pour le Président sénégalais, Son Excellence Me Abdoulaye Wade, en première ligne dans cette révolte, cela revient à « consacrer et accentuer un déséquilibre ». L’analyse est juste, puisqu’il s’agit, au nom de « l’équilibre », d’abaisser les barrières entre les Etats se trouvant dans des situations totalement inégales.

Les négociations Ape se déroulent entre, d’un côté, les 25 pays membres de l’Ue, qui ont un Pnb combiné de 13.300 milliards de $ et de l’autre, six groupes de pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, dont 39 font partie des 50 Pays les moins avancés (Pma) au monde. Le groupe le plus grand, la région d’Afrique de l’Ouest, a un Pnb plus de 90 fois inférieur à celui de l’Ue.

Au regard de ces considérables inégalités et vu ce qui précède, l’Afrique doit dire non aux Ape.

Bebe-mka@hotmail.com

source : Le Soleil

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