Ces accords commerciaux qui ne changent rien pour l’Afrique

Afrique Expansion | 27 mars 2018

Ces accords commerciaux qui ne changent rien pour l’Afrique

Par Parfait N. NSIKI

L’AGOA avec les Etats-Unis, l’APE avec l’Union européenne ou l’APIE avec le Canada, les pays africains enchaînent les accords, mais l’impact sur le commerce international reste négligeable.

Le 4 août 2018, le Cameroun va engager la troisième étape du démantèlement tarifaire dans le cadre de l’Accord de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne. Le 4 août 2016 a eu lieu la première détaxe douanière à hauteur de 25% des importations en provenance de l’Union européenne pour les produits dits du premier groupe (biens d’équipements, intrants, etc.). Un an plus tard, la décote douanière des produits de ce groupe est montée à 50%, alors qu’au même moment entrait en vigueur le démantèlement tarifaire pour les produits dits du deuxième groupe (engins) à hauteur de 15%. D’ici à 2023, la plupart des marchandises issues de l’Union européenne ne paieront plus de douane aux frontières camerounaises. Au cours des négociations de cet APE, quelques produits fabriqués localement ont été préservés de la concurrence européenne.

L’APE met fin à une asymétrie commerciale

Présenté comme un instrument pour aider le pays, « cet accord a permis au Cameroun de bénéficier d’un accès libre et sans précédent au marché́ de l’UE pour ses produits d’exportation », assure l’UE. La vérité est qu’avec l’APE, l’UE corrige à son avantage une asymétrie commerciale qui accordait des préférences douanières unilatérales aux pays ACP depuis les Accords de Lomé dans les années 60.

Pour le Cameroun, les conséquences se calculent en termes de manque à gagner évalué à 2,6 milliards de FCFA de recettes douanières depuis la mise en œuvre de l’APE en août 2016. Raison pour laquelle les autres pays d’Afrique centrale n’ont pas donné suite à l’accord régional qui les associait tous, laissant le Cameroun faire cavalier seul au risque de faire imploser la zone douanière commune de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) et l’intégration sous-régionale.

Les sous-régions d’Afrique de l’Ouest, de l’Ouest et australe subissent les mêmes effets et tardent à voir les bienfaits de l’APE, car ce dernier n’a boosté ni l’industrie locale, ni les exportations africaines.

Des retombées qui se font attendre

L’African Growth and Opportunity Act (AGOA, loi sur la croissance et les opportunités de développement en Afrique) a des allures plus avenantes, mais ses effets sont tout aussi dérisoires pour le commerce international de l’Afrique. Cet instrument a été mis en place par l’administration Bill Clinton en 2000. Elle exempte de droits de douanes un ensemble de produits en provenance d’Afrique subsaharienne. Elle a été renouvelée, à sa date d’expiration en septembre 2015, par le président américain Barack Obama.

Officiellement au bénéfice de l’Afrique, cette loi vise à densifier les échanges Afrique-États-Unis qui demeurent faibles, à 50 milliards de dollars en 2016, soit seulement 10 milliards de plus qu’en 2000. En comparaison, le commerce entre l’Afrique et la Chine se situe à près de 150 milliards dans le même temps. De plus, les produits africains qui bénéficient le mieux de l’AGOA sont les hydrocarbures (à hauteur de 70% environ). Enfin, cette loi est aussi utilisée comme une arme diplomatique par les USA, car ses avantages profitent à seulement 39 pays sur 49 en Afrique, certains (comme la République démocratique du Congo, le Soudan, la Guinée Equatoriale ou la République centrafricaine) ayant été exclus pour « démocratie insuffisante ».

Tout au nord des Amériques, le Canada négocie des Accords sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) avec un certain nombre de pays d’Afrique. Il en existe déjà avec le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali, Madagascar, le Nigéria, le Sénégal, la Tanzanie et la Zambie. D’autres sont en cours. L’APIE n’est pas un accord commercial, mais une sorte de traité d’affaires pour permettre aux entreprises canadiennes de jouir des mêmes droits qu’une société locale et de ne pas être pénalisées parce qu’elles sont étrangères. L’intérêt pour le pays signataire est l’accueil d’investissements directs canadiens et l’espoir de création d’emplois. Les pays africains signataires restent en attente de significatives retombées d’un tel instrument qui apparaît davantage orienté vers la protection des investissements canadiens.

De fait, tous les accords commerciaux ou d’investissement ciblés que l’Afrique a conclus n’ont pas encore été décisifs pour son développement. Peut-être a-t-elle juste besoin d’avoir des conditions de concurrence loyale pour trouver sa place dans le business international.

source : Afrique Expansion

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