bilaterals.org logo
bilaterals.org logo
   

Accord de pêche Maroc-UE : Le protocole de la honte

Plan de Paix au Sahara Occidental | lundi, décembre 02, 2013

Accord de pêche Maroc-UE : Le protocole de la honte

Dossier : Elles constituent 60 % des exportations du royaume chérifien - Quand le Makhzen pille les richesses du Saharaµi

Derrière les gesticulations politiques, des milliards de dollars…

Violations — Dernière colonie d’Afrique, le Sahara occidental, voit ses richesses naturelles pillées et contribuer, selon des études récentes, à hauteur de 60% des exportations du royaume chérifien.

Carte de production du groupe maroco-français Azura.

L’agriculture à Dakhla

Au cours des dernières années, le Maroc a déplacé des milliers de colons pour travailler dans les plantations de fruits et légumes des territoires sahraouis occupés. L’agriculture a, en effet, connu un essor lors de ces dernières années dans la région de Dakhla, dans le sud-ouest. Officiellement, le Maroc catégorise les activités agricoles par «développement des provinces du sud». Toutefois, force est de constater que ce «développement» est réalisé sans la participation du peuple sahraoui et qu’elle ne lui apporte absolument rien. Ainsi, un rapport du Centre régional d’investissement (CRI) de Dakhla estime à 1 million d’acres la zone dédiée à la production agricole dans le pays. À ce jour, plus de 529,5 ha sont exploités en six larges zones irriguées d’environ 1,434 hectare, situées dans un rayon de 70 kilomètres autour de la ville de Dakhla. Cinq de ces zones sont équipées de serres et de systèmes d’irrigation qui produisent une bonne qualité des cultures hors sol . Tomates, concombres et melons produits sur des terres occupées, arrivent sur les marchés européens, nord-américains et de l’ex URSS. Jusqu’à 6 000 personnes sont employées dans le secteur de la tomate dans la région (Dakhla). La plupart des employés sont d’origine marocaine. La culture agricole au milieu d’un désert exige une technologie avancée. Pourtant, dans la région de Dakhla, les plantes sont cultivées sous serre, hors sol et nourries avec des solutions d’éléments nutritifs. Pour l’irrigation, l’eau est tirée de 300 à 600 mètres de profondeur, d’une importante nappe souterraine d’eau fossile non renouvelable. En décembre 2008, le magazine marocain Tel Quel a révélé que le roi du Maroc était propriétaire d’entreprises dans le secteur de la tomate au Sahara occidental occupé. L’un des grands producteurs actifs dans la zone contestée est la société française, Azura, dont les produits sont disponibles dans toute l’Europe.

La pêche, premier secteur économique marocain

La pêche maritime marocaine capture en moyenne 1 million de tonnes de poissons par an. Le développement rapide, que la pêche a connu ces dernières années, et qui place le Maroc comme le premier secteur porteur de ce pays, repose essentiellement sur le pillage et l’exploitation des côtes et des zones hauturières sahraouies. Et si les experts ne disposent que de peu de chiffres pour l’étayer, pour eux les différents bilans du secteur parlent d’eux-mêmes. Ainsi, rien que pour la période comprise entre 1985-2000, les prises ont plus que doublé, passant de 346 000 tonnes à 765 000 tonnes.

Produits sahraouis étiquetés «marocains»

Boycott — Plusieurs acteurs économiques de par le monde n’ont pas manqué depuis plusieurs années déjà de marquer leur distance quant à des produits provenant du Sahara occidental étiquetés comme «marocains».

Les derniers en date sont quatre grandes chaînes alimentaires suédoises qui ont déclaré au début de cette année qu’elles ne voulaient plus importer ni vendre des produits provenant du territoire occupé, faussement étiquetés comme produits «marocains ». Les quatre principales chaînes suédoises d’alimentation Axfood, Coop, ICA et Bergendahls/ City Gross ont signé une lettre d’intention avec le réseau suédois de soutien au Sahara occidental, Väst sahara Aktionen, décrivant leurs positions vis-à-vis des importations du Sahara occidental.
«Les importations en provenance du Sahara Occidental ont gagné en visibilité en Suède en 2010», explique Sören Lindh de Väst sahara Aktionen. À l’époque, un documentaire diffusé à la télévision nationale suédoise a révélé que bon nombre des populaires comprimés d’oméga 3 contenaient de l’huile de poisson originaire du Sahara occidental occupé.

En conséquence, la plupart des produits ont été interdits par les magasins et les supermarchés de santé suédois, jusqu’à ce qu’il soit assuré que les produits ne contiennent pas d’huile de poisson provenant de ce territoire occupé. Mais ce n’est pas seulement les produits oméga-3 qui sont tachés par l’occupation. D’autres produits, qui sont susceptibles d’avoir leurs origines au Sahara occidental, ont été trouvés dans les magasins suédois, étiquetés comme provenant du Maroc, emballés aux Pays-Bas ou en France.

Les quatre chaînes ont publié la déclaration d’intention suivante : «Nous estimons qu’il est incompatible avec nos engagements éthiques d’acheter et de revendre des matières premières et des produits du Sahara occidental occupé. Cette position est conforme au droit international, et nous voulons rendre notre position claire pour nos consommateurs, détaillants, acheteurs et autres intermédiaires dans notre chaîne d’approvisionnement. Une indication formelle de l’origine, comme «produit au Sahara occidental», permettrait d’identifier positivement les marchandises non désirées, et fait encore défaut aujourd’hui. Cela nous impose une attention et des vérifications supplémentaires pour identifier et éviter les produits en provenance du Sahara occidental tout au long de la chaîne d’approvisionnement. «L’engagement des chaînes alimentaires fournit une base pour une coopération constructive pour limiter et prévenir le trafic de produits sahraouis en violation du droit international», déclare Lindh. Il ajoutait : «L’initiative sera bien accueillie par le peuple sahraoui qui possède les ressources de la terre, mais ne bénéficie pas de leur richesse.»

Les plus importants gisements de phosphate du monde

Les gisements de phosphate du Sahara occidental sont estimés comme les plus importantes du monde avec plus de 50 milliards de tonnes sur des réserves mondiales estimées à 65 milliards de tonnes. Saviez-vous que le plus long tapis roulant du monde se trouve au Sahara occidental ? Des grandes mines de phosphate de Boukraa, les phosphates du Sahara occidental sont transportés sur une distance de plus de 100 kilomètres, jusqu’au port d’El Ayoun, la capitale du Sahara occidental. De là, les cargos transportent les phosphates vers divers pays, où ils sont utilisés dans la production d’engrais.

Pour ce minerai qu’exploite une entreprise marocaine (OCP), c’est à peu près le même scénario que pour les autres ressources, selon l’enquête de Raf Custers. «L’exportation prime, la transformation sur place passe bien après, alors que le phosphate est nécessaire au pays même et qu’une industrie de transformation sur place pourrait procurer des emplois et des revenus», note Raf Custers. Au Sahara occidental, les Sahraouis «n’osent pas parler ouvertement.

La police marocaine fait le guet partout», ajoute-t-il, citant le témoignage d’un Sahraoui selon lequel «nous n’existons plus, tout devient marocain. Les Sahraouis qui travaillaient à Boukraa, dans la mine de phosphate, ont été remplacés en grande partie par des colons marocains». Dénonçant l’octroi par la puissance occupante de larges concessions aux entreprises étrangères dans l’exploitation des richesses naturelles du Sahara occidental, l’auteur relève par ailleurs que l’entreprise marocaine chargée de l’exploitation du phosphate de ce territoire non autonome n’a pas pour objectif le développement de ce territoire. «Car, encore une fois, l’économie marocaine est adaptée au marché mondial, et non aux besoins intérieurs», ajoute-t-il. «Le Maroc occupe le Sahara occidental depuis des décennies et administre le pays comme une province du Grand Maroc», souligne-t-il, avant de préciser que «la frontière entre le Maroc et le Sahara occidental a été effacée, jusque sur les cartes terrestres marocaines».

Le protocole de la honte

Le 18 de ce mois, un nouveau protocole de pêche a été signé entre le royaume du Maroc et le président du Comité des représentants permanents des Etats membres de l’Union européenne (UE). Un accord qualifié d’«éminemment» politique, inspiré des Accords de Madrid de 1975, par le ministre d’Etat chargé de l’Organisation dans le gouvernement de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), Bachir Mustapha Essayed. Tout en soulignant que l’occupant marocain «se livre à un forcing incroyable avec l’aide de la France et de l’Espagne» pour amener le Parlement européen (PE) à adopter ce protocole, il a soutenu que «ces accords constituent une infraction flagrante de la légalité et du droit international, ainsi que des statuts de l’UE». Un accord d’autant plus «honteux» que «depuis l’occupation marocaine du Sahara occidental, les Sahraouis vivent des aides internationales». «Le rôle de la France et de l’Espagne dans la conclusion de ces accords est considéré comme un viol de la légalité internationale», a-t-il affirmé. Un viol d’autant plus flagrant que les accords qui lient plusieurs pays, dont les Etats-Unis et les pays d’Europe du Nord, excluent le Sahara occidental. Pour l’heure, 94 parlementaires de plusieurs pays et groupes politiques européens se sont prononcés sur cet accord le jugeant, «illégal»…

Info-Soir, 2 décembre 2013


 source: Info-Soir