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APE - Le négociateur européen liste les blocages à un accord

Le Quotidien | 25-07-2009

NEGOCIATIONS - Le négociateur européen liste les blocages à un accord

Peter Thompson, négociateur de la Commission européenne pour les Accords de partenariat économique, a tenu hier, à Dakar, un point de presse pour donner son sentiment sur l’évolution du processus des négociations. Son optimisme de façade n’a pas resisté quand il lui a fallu montrer la difficulté de surmonter les points de désaccord.

Les perspectives d’un Ape ne se rapprochent pas de l’Afrique de l’Ouest

Par Mohamed GUEYE

L’Afrique de l’Ouest ne signera probablement pas en octobre prochain, l’Accord de partenariat économique (Ape) qui devrait instaurer une zone de libre échange entre la région et l’Union européenne. Hier, devant la presse nationale et quelques représentants des média internationaux, le négociateur européen en chef, M. Peter Thompson, a listé les cinq questions majeures qui restent en suspens, et qui ne semblent pas pouvoir être réglées dans une plus ou moins brève échéance.

M. Thompson a reconnu que la question du taux d’acces aux marchés n’est toujours pas résolue. Même s’il s’est gardé de donner de mesure chiffrée, on sait que la région ouest-africaine n’avait pas fait montre de dispositions pour aller au-delà de 65% de libéralisation, tandis que l’Europe, qui avait négocié 80% d’ouverture dans ses Ape intérimaires avec la Côte d’Ivoire et le Ghana, ne voulait pas accorder moins à l’ensemble de la région. D’autant plus qu’il a toujours été compris que si la Cedeao parvenait à conclure un Ape avec l’Union européenne, les accords dit «intérimaires», négociés par les deux pays, devenaient caducs.

Cinq divergences majeures
L’autre point de divergence porte sur la clause dite de la Nation la plus favorisée (Npf). Sur ce point, M. Thompson a indiqué que ses interlocuteurs, les commissaires Daramy de la Cedeao et Dabiré, de l’Uemoa, et lui, se sont accordés pour examiner la question au cas par cas, «et voir chacun des partenaires majeurs, et ce qu’ils sont susceptibles d’offrir, pour voir s’il y en a un qui peut faire une offre meilleure que celle de l’Europe». Comme on le sait, cette clause Npf imposerait, si elle venait à être adoptée dans l’Ape, que la région ouest-africaine offre à l’Europe les mêmes avantages et faveurs qu’elle serait tentée d’accorder à l’un quelconque de ses partenaires commerciaux majeurs. Or, les négociateurs de l’Afrique de l’Ouest, à la suite des études réalisées par la Plateforme de la société civile ouest-africaine pour les Ape, estiment que l’Europe veut enfermer les pays de la région dans un carcan pour rester le partenaire privilégié et dominant, au moment où les relations commerciales avec d’autres pays émergents, d’Asie du Sud-Est et d’Amérique latine prennent de plus en plus d’importance dans les échanges de l’Afrique de l’Ouest. Et les négociateurs européens ne voient pas l’intérêt de conclure un Ape qui ne comprendrait pas cette clause.

Peter Thompson a parlé d’un autre point d’achoppement des négociations, qui est celui de la «Clause de non exécution». Cette dernière, héritée de l’Accord de Cotonou, prévoit que l’on peut sanctionner sur le plan commercial, un pays coupable d’avoir commis des infractions sur les droits de l’Homme. Les pays d’Afrique ont toujours estimé que les deux questions n’avaient rien à voir l’une avec l’autre. Pour les négociateurs africains, l’Accord de Cotonou règle des questions politiques, tandis que les problèmes commerciaux trouvent leurs solutions dans l’Ape, et on ne devrait pas mélanger les deux. Les Européens pour leur part, dans l’option de se garder des marges, ne veulent pas reculer sur cette question. Tout comme ils veulent dans l’option d’une ouverture des marchés, voir disparaître toutes les barrières tarifaires, y compris le Prélèvement communautaire de solidarité. C’est cette part des taxes qui va directement au financement des institutions communautaires sous-régionales, l’Uemoa et la Ce­deao. Le prélèvement communautaire de solidarité a permis d’en finir avec les problèmes des créances impayées dues par les Etats, qui ne parvenaient plus à financer leurs propres institutions d’intégration.

Adoption d’un Tec Cedeao
Or, sous prétexte de supprimer tous les droits de douane, la Commission européenne a demandé que ces prélèvements cessent. Faute de trouver un moyen aussi efficace et un instrument aussi utile de financement de ces institutions, les négociateurs de l’Afrique de l’Ouest ont bloqué des quatre fers.

De passage à Dakar, en venant d’Abuja, où il venait de rencontrer ses homo­logues africains, Peter Thomp­son a malgré tout voulu laisser à la presse africaine un sentiment d’optimisme quant à l’issue des négociations sur les Ape. Pour lui, malgré la complexité des questions en débats, les partenaires devraient finir par trouver des solutions pour arriver à une signature au mois d’octobre. Déjà, parmi les signes positifs, permettant de croire à une signature proche, il a noté l’adoption très prochainement, d’un Tarif extérieur commun (Tec) pour la Cedeao. En permettant de mettre vraiement en place un marché commun ouest-africain, ce Tec devrait accélérer, à ses yeux, la signature d’un Ape entre la région et l’Europe, d’ici le mois d’octobre prochain.

Son optimisme de façade n’a pas empêché que le négociateur européen dégage en touche sur des questions assez embarrassantes pour lui. Ainsi, il n’a pu donner d’indication précise sur le financement éventuel d’un Pro­gram­me d’Ape pour le développement (Paped). Sur ce sujet, il a relancé la mê­me rengaine européenne, d’un financement à travers le Fonds européenne de développement (Fed), qui ne dispose pas de plus de 600 millions d’euros pour tous les pays, quand les chiffres africains parlent d’un besoin de 9,5 milliards d’euros sur cinq ans. Peter Thompson n’a pas non plus apporté de réponse satisfaisante sur le degré de libéralisation, ainsi que sur la date de mise en œuvre. Néanmoins, il a affirmé garder le sentiment, après les négociations, d’aller vers un accord qui encourage l’investissement, crée des emplois, et n’a pas des impacts négatifs trop lourds.


 source: Le Quotidien