bilaterals.org logo
bilaterals.org logo
   

En Colombie, le secteur agricole s’inquiète de l’accord de libre-échange avec l’Europe

Les producteurs de produits laitiers sont particulièrement inquiets. (Source : Mike’s Bogotá Blog)

Le Monde | 1 août 2013

En Colombie, le secteur agricole s’inquiète de l’accord de libre-échange avec l’Europe

Marie Delcas

L’ouverture du marché colombien, effective au 31 juillet, sera progressive. Des secteurs sensibles, comme le riz, le maïs, l’aviculture, en sont exclus

Les exportateurs colombiens se frottent les mains. Les investisseurs européens également. Les barrières commerciales entre l’Europe et la lointaine Colombie sont officiellement tombées. L’accord de libre-échange entre Bruxelles et le pays andin de 47 millions d’habitants est entré en vigueur mercredi 31 juillet. L’optimisme n’est toutefois pas général.

C’est le 14e accord commercial que signe la Colombie, quatrième économie du continent sud-américain. Et c’est le plus important après le traité de libre-échange (TLC en espagnol) avec les Etats-Unis, en vigueur depuis deux ans.

Grande productrice de cocaïne et de guérillas, la Colombie a fait de l’amélioration de son image sur la scène mondiale une cause nationale. "Dans le cadre du Système généralisé de préférences, la Colombie bénéficiait déjà d’un accès privilégié au marché européen, rappelle l’économiste Mauricio Perez. Et l’économie colombienne est beaucoup plus ouverte qu’il y a dix ans. L’impact économique du traité avec l’Union européenne sera donc relativement faible."

Mais la politique pèse lourd. Les négociations auront duré six ans. Elles avaient commencé, de "bloc à bloc", entre l’Union européenne (UE) et la Communauté andine des Nations. Mais la très à gauche Bolivie et le non moins anti-impérialiste Equateur ont fait la fine bouche. Bruxelles a préféré faire affaire avec les bons — et stables — élèves péruvien et colombien.

L’UE absorbe près de 14 % des exportations de la Colombie. En 2011, les exportations du pays andin ont atteint 8,9 milliards de dollars (6,7 milliards d’euros), les importations 7,2 milliards. La structure du commerce reste terriblement traditionnelle : la Colombie importe des biens d’équipement et exporte des matières premières. Le pétrole et ses dérivés représentent plus de 70 % du total des exportations vers l’Europe.

Les pessimistes s’interrogent : comment le secteur agricole colombien pourra-t-il supporter la concurrence des produits européens subventionnés ? Une fois n’est pas coutume, la gauche radicale et les grands éleveurs de bétail se retrouvent sur le banc des mécontents. Les producteurs de produits laitiers sont particulièrement inquiets.

"Le TLC avec l’UE va forcer l’agriculture colombienne à se moderniser, et c’est tant mieux ", affirme un haut fonctionnaire du ministère de l’agriculture, en rappelant que l’élevage, particulièrement extensif et inefficace (une vache dispose en moyenne de 1,3 hectare) occupe les meilleures terres du pays. D’aucuns craignent que les paysans les plus démunis ne payent eux aussi la facture.

"Le TLC avec l’UE est le meilleur, ou du moins le moins mauvais de tous les accords signés, considère le juriste Eric Tremolada. A la différence des Américains, les Européens ont accepté de prendre en compte l’asymétrie des économies en présence."

L’ouverture du marché colombien se fera donc progressivement en matière agricole. Certains secteurs sensibles, comme le riz, le maïs, l’aviculture ont été exclus des négociations.

A l’heure d’affronter la concurrence des produits étrangers, la précarité des infrastructures reste un défi pour la Colombie. Faire voyager un conteneur de Bogota jusqu’au port de Buenaventura, sur la côte pacifique, coûte plus cher que de l’envoyer de Buenaventura à Shanghaï. La géographie n’est pas la seule coupable : la corruption a sa large part de responsabilité à l’heure d’expliquer l’état du réseau routier.

Seules les dispositions commerciales du traité entre Bruxelles et Bogota sont applicables dans un premier temps. Le texte, qui instaure un dialogue politique et des mécanismes de coopération, doit être ratifié par les 27 Etats membres avant d’entrer pleinement en vigueur.

L’UE vante les vertus de cet "accord d’association" qui, au-delà du libre-échange, parle démocratie, droits de l’Homme et environnement. "Mais les mécanismes de pression sont pratiquement inexistants", souligne M. Tremolada. Selon lui, les dispositions politiques ont été introduites pour calmer ceux qui, en Europe, s’inquiètent de voir Bruxelles s’engager avec un pays qui, en matière de respect des droits de l’homme, a encore ses preuves à faire.


 source: Le Monde