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Fronde japonaise contre le libre-échange

De Tokyo aux zones rurales, les défilés anti-TPP s’organisent par crainte que les produits agricoles américains ou australiens à bas coûts ne viennent détruire un secteur peu touché par le productivisme et relativement protégé de la concurrence.

L’Humanité 16.05.2013

Fronde japonaise contre le libre-échange

Les réactions s’intensifient contre le partenariat transpacifique voulu par Washington qui prévoit la levée des barrières douanières dans les secteurs de la santé, de l’agriculture et des services.

L ’offensive des États-Unis pour imposer le libre-échange se joue des préférences géographiques. Sur le modèle des négociations en cours pour la conclusion d’un accord avec l’Union européenne, Washington tente de sceller un partenariat transpacifique (TPP) avec neuf pays dont Brunei, le Chili, la Nouvelle-Zélande, Singapour, l’Australie, le Vietnam, la Malaisie et le Pérou. Au Japon, l’idée d’intégrer cette vaste zone économique suscite la méfiance. Revenu au pouvoir en décembre, le premier ministre Shinzo Abe a précipité son pays dans la concurrence au prétexte de relancer l’exportation des produits des grands groupes nippons et la croissance. Agriculture, biens manufacturiers et santé tombent ainsi sous le coup de la suppression des barrières douanières d’ici à 2015. Les pourparlers menés par l’ancien gouvernement de Yoshihiko Noda visent, selon ses propres termes, à faciliter « l’ouverture du Japon sur le monde » quand les libéraux présentent les difficultés économiques de l’archipel comme le résultat du protectionnisme. Les librairies japonaises regorgent d’ouvrages critiques consacrés au TPP, et les manifestations d’opposants à cet accord prennent de l’ampleur dans un pays à l’agriculture déjà largement dévastée par la catastrophe de Fukushima et la contamination radioactive. De Tokyo aux zones rurales, les défilés anti-TPP s’organisent par crainte que les produits agricoles américains ou australiens à bas coûts ne viennent détruire un secteur peu touché par le productivisme et relativement protégé de la concurrence. Consécutivement, la chute des prix agricoles et des revenus paysans s’additionnerait à une autosuffisance alimentaire déjà basse qui passerait de 39 % à 13 %. Toujours dans le domaine agricole, le risque est fort de voir les semences OGM envahir le territoire. Dans le secteur des biens et services, certains industriels de la troisième économie du monde redoutent la concurrence des produits à bas coûts en provenance du Vietnam. Les salariés, quant à eux, voient d’un mauvais œil le risque de dumping social suscité par la concurrence pour une société déjà largement touchée par la précarité.

Quand la santé trinque Le système universel de santé japonais, reconnu pour sa qualité, ne serait pas épargné par le partenariat transpacifique qui entend supprimer les barrières douanières d’ici à 2015. « Quand les compagnies d’assurance américaines feront leur entrée sur notre marché, ils se concentreront sur les secteurs profitables (…) tels que le traitement du cancer et d’autres pans de la médecine spécialisée dans l’unique but de faire du profit ; les pauvres resteront à l’écart de ce système onéreux qui détruira le régime actuel », plaide Nobuhiko Suto, du Parti démocrate.

Lina Sankari


 source: L’Humanité