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Le Maroc accepte un accord controversé

Le Maroc accepte un accord controversé

ALCS MAROC

« Cet accord contient le degré de protection de la propriété intellectuelle le plus élevé, jamais obtenu dans un accord de libre échange avec un pays en voie de développement ! ».
Voilà comment le président Bush décrit dans un message adressé au congrès américain l’accord de libre échange conclu entre le Maroc et les Etats-Unis le 2 mars dernier, et adopté par le Congrès le 21 juillet. Le Maroc, a donc accepté ce qu’aucun pays n’avait encore jamais accepté : l’inacceptable !

Ni la mobilisation d’une quarantaine d’ONG marocaines regroupées en coalition, ni celle des plus grandes ONG internationales oeuvrant pour l’accès aux médicaments, ni même les mises en garde répétées de Joseph Stiglitz prix Nobel en économie et ancien conseiller de Bill Clinton, américain de surcroît, n’ont réussi à infléchir la position des négociateurs marocains face à leurs homologues américains intransigeants sur les questions liées à la propriété intellectuelle. Forts d’une armée de lobbyistes superpuissants financés à coups de millions de dollars par les grands laboratoires pharmaceutiques américains, décidés plus que jamais à en finir avec la concurrence des médicaments génériques, même au prix de la vie de millions de personnes dans le monde !

Le Maroc a donc accepté l’inacceptable et cela constitue un antécédent grave. Au-delà des conséquences futures sur l’accès des marocain(e)s à des médicaments à un prix abordable, les pays en voie de développement risqueront de nous reprocher d’avoir cédé sur un dossier sur lequel nous nous sommes battus ensemble depuis maintenant plus de 4 ans.

En effet, le Maroc, avait jusque là fait front commun avec les pays du Sud pour défendre les acquis de la déclaration de Doha au sein de l’OMC. Il a défendu cette position avec ardeur alors qu’il était chef du groupe africain au sein de cette organisation au moment où les débats sur la question étaient les plus passionnés.

Que le Maroc cède aujourd’hui, et la porte est ouverte aux Américains pour faire plier d’autres pays en cours de négociation actuellement.
Amérique latine, Afrique du sud, Thaïlande ... La liste des pays s’allonge de jour en jour.

Pourtant la société civile marocaine et la presse nationale ont fait un travail remarquable. Ils ont informé le grand public et les députés sur les enjeux d’un tel accord. Interpellé les responsables le long des négociations. Sollicité le soutien des ONG les plus influentes qui travaillent dans le domaine de la santé et des droits humains. Jamais, dans l’histoire de notre pays, un accord bilatéral avec un pays tiers n’a suscité
autant de littérature ni alimenté autant de controverses. S’il faut y voir une maturité de la société civile et de la presse nationale. Ce n’est pas le cas de la classe politique, qui, à part quelques questions posées par des députés isolés, a brillé par son silence tout au long du débat passionné des derniers mois. Le gouvernement, quand à lui, a préféré prendre la société civile pour ennemi en réprimant par la violence le sit in du 28 janvier, alors qu’il pouvait la considérer comme un allié pouvant l’aider à renforcer son pouvoir de négociation face à l’équipe négociatrice américaine. Se contentant de minimiser l’impact de l’accord présenté comme un accord win-win dans lequel il est normal de faire des concessions de part et d’autres. Mais comment un pays comme le notre pourrait-il faire des concessions sur le secteur de la santé, alors que moins de 16% des marocains bénéficient d’une assurance maladie ?

Dans son message adressé à la communauté internationale lors de la Conférence internationale sur le sida à Bangkok, le président Chirac a enfin pris position en qualifiant la politique de libre échange de l’administration américaine actuelle de « chantage immoral ». "Nous ne souhaitons pas que ces pays aient les mains liées par ces accords bilatéraux", a rajouté Mireille Guigaz, ambassadrice pour le SIDA, pour commenter les propos de son président. Nous rappelons que les activistes français avaient sommé leur président de réagir à l’accord avec le Maroc, dès le mois de janvier, en vain.

Cette prise de position française sur la question vient, certes, un peu tard pour nous. Mais elle a le mérite d’initier un débat mondial sur la question et de mettre l’administration américaine, déjà fragilisée par la guerre en Irak et les élections présidentielle prochaines, dans l’embarras. Nous espérons que d’autres chefs d’état emboîteront le pas au président français. Que cela pourrait servir la cause des pays en cours de négociation.

ALCS MAROC


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