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Quand l’Europe entend imposer son libre-échange au Sud

L’Humanité (Paris) | le 28-9-07

Quand l’Europe entend imposer son libre-échange au Sud

Commerce . Mobilisation contre le projet substituant les relations préférentielles de l’UE avec les pays ACP en accords libre-échangistes.

Remobiliser dans la dernière ligne droite. À trois mois de la date officielle de fin des négociations entre l’Union européenne et 77 pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) sur les Accords de partenariat économique (APE), deux cents organisations ont participé hier à une journée mondiale contre ce nouveau cadre de relations commerciales.

L’objectif est d’obtenir de l’UE un délai de discussion supplémentaire afin d’améliorer le contenu de ces accords qui, dans l’état actuel, risquent d’avoir des conséquences dramatiques pour les pays les plus pauvres. L’UE en effet est pressée. Depuis quelques mois, elle accroît la pression sur les pays ACP, qu’elle menace de priver d’accès à son marché s’ils ne signent pas au 31 décembre. Elle souligne que les APE sont destinés à mettre en conformité avec les règles de l’OMC des relations UE-ACP jusque-là régies par des accords tarifaires préférentiels qui exonéraient, sans contrepartie, les produits ACP de droits de douanes.

Pour justifier son empressement, Bruxelles, qui a obtenu une dérogation pour maintenir ce régime préférentiel jusqu’à fin décembre, argue qu’au-delà de cette date, elle risque de faire l’objet de plainte à l’OMC. Un argument récusé par les ONG qui estiment que l’UE a à sa disposition des régimes transitoires qu’elle pourrait adopter pour prolonger les discussions.

L’enjeu est de taille pour les pays ACP. La suppression des droits de douanes exigée par les APE va faire perdre des ressources budgétaires à des États déjà très dépendants de l’extérieur. Faute de taxes, les produits locaux vont de plus se trouver en concurrence avec des productions européennes moins chères et plus compétitives. Comment, par exemple, les filières de lait africaines, handicapées par le manque d’infrastructures, vont-elles faire face à l’arrivée du lait européen subventionné et à prix cassé ? Pour contrebalancer ces effets négatifs, l’UE propose d’exclure de l’accord certains produits dits « sensibles ». Mais elle exige qu’ils ne représentent pas plus de 20 % des échanges...

L’idéologie du développement par le commerce est à la base des APE. Nombre d’observateurs soulignent pourtant que pour produire et exporter, l’exonération de droits de douanes ne suffit pas : il faut investir, notamment dans les infrastructures et dans le savoir-faire. Consciente du problème, l’UE propose, en échange des ACP, d’aider les économies ACP à devenir plus compétitives, mais avec un budget qui pour le moment n’excède pas 1 milliard d’euros et semble surtout symbolique. Pour autant, « il ne s’agit pas d’exonérer les gouvernements des pays ACP », rappelle Olivier Blemangin de la CGT. Les pays ACP seraient moins mal-en-point si l’argent parti dans les comptes de leurs dirigeants avait servi à développer leurs pays.

Camille Bauer


 source: L’Humanité