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Aleca : L’heure de rectifier le tir !

African Manager | 24 juin 2020

Aleca : L’heure de rectifier le tir !

Eclipsé par la pandémie du coronavirus comme d’’ailleurs bien des dossiers brûlants, celui de l’ALECA (Accord de libre échange complet et approfondi) entre la Tunisie et l’Union européenne, commence à refaire surface à l’approche de la reprise des négociations, manifestement dans une logique post-Covid19. Cela doit signifier qu’elles redémarreront sur de nouvelles bases, comme le préconise le Président de l’Initiative méditerranéenne pour le développement « Mediterranean Development Initiative » (MDI), Ghazi Ben Ahmed.

Les négociateurs tunisiens ont mis à profit ce moratoire pour avancer dans les études, affûter leur re stratégie offensive et défensive et surtout évaluer la mise à niveau nécessaire pour restructurer le secteur agricole, et finaliser la loi sur les coopératives, absolument nécessaire pour aider les petits agriculteurs à devenir plus productifs et compétitifs, a déclaré Ben Ahmed dans une interview à l’agence TAP. Il a expliqué qu’il s’agira de négocier les nouvelles barrières non tarifaires comme les normes et les standards de qualité. Ces normes sanitaires, phytosanitaires, écologiques et environnementales rigoureuses pour tous, qui s’imposeraient face aux marchés, seront parmi les chapitres les plus importants car elles se durciront pour refléter une orientation des préférences collectives européennes vers davantage de sécurité ou de précaution (précautionnisme), et s’ajouteront aux tarifs douaniers. Un véritable défi pour les entreprises et leurs fournisseurs.

Il est primordial de rectifier le tir, sur la forme et sur le fond, a-t-il dit.. Sur la forme, la Tunisie propose « APTE » au lieu de l’ALECA, soit Accord de partenariat pour la transition économique au lieu d’Accord de libre échange complet et approfondi. Ceci reflète mieux la volonté de se donner les moyens (l’aptitude) de relever les défis de plus en plus complexes et les opportunités nouvelles aux niveaux régional et global. Sur le fond, l’APTE devrait signifier le partage d’une vision audacieuse de long terme, cumuler les avantages comparatifs pour coproduire et relocaliser une partie des chaînes de valeur en Tunisie, s’y préparer convenablement et entreprendre les réformes nécessaires pour aller (à notre rythme) vers une économie de marché.

La Tunisie, un backup régional

De l’avis unanime, cette crise sanitaire offre de nouvelles opportunités pour la Tunisie qui pourrait servir de backup régional pour une plus grande résilience des firmes européennes et autres, appelées à relocaliser dans la proximité. La mondialisation sera sous pression pour se régionaliser, et le potentiel est énorme pour la région. L’enjeu sera alors pour la Tunisie d’être apte à répondre à toute dynamique européenne tournée vers la réorganisation régionale du modèle de production et d’approvisionnement. Ce qui suppose pour le gouvernement tunisien de revenir à la table des négociations avec l’UE.

« Le véritable risque est que nous soyons incapables de bénéficier d’un accès libre au marché européen des produits agricoles et des services faute de capacité adéquates, d’infrastructures et de moyens logistiques efficaces. Pour cela, nous avons suggéré d’associer un partenaire tiers, la Chine, dans le cadre de la route de la soie, pour renforcer nos capacités et améliorer notre compétitivité », a plaidé le président de MDI, soulignant la nécessité de « mettre en œuvre un certain nombre de réformes, et notamment, moderniser le port de Rades et organiser conjointement avec l’UGTT sa privatisation partielle ». La Centrale ouvrière a une responsabilité historique et un rôle clé, a-t-il insisté.

Evoquant les polémiques, parfois très virulentes, soulevées par le projet d’adhésion de la Tunisie à l’Aleca, il a rappelé que depuis le 13 octobre 2015, date du lancement des négociations, les progrès ont été limités entre tergiversations, atermoiements et questionnements sur l’aptitude de la Tunisie à pouvoir faire face à la concurrence des entreprises européennes, ou son aptitude à pouvoir bénéficier d’un accès sans entraves au marché européen, notamment des services en l’absence d’accord sur la mobilité.

Appréhension et doutes

Cela a fortement influencé l’opinion publique qui a ressenti, légitimement, beaucoup d’appréhension et de scepticisme dans les efforts tunisiens et européens pour parvenir à un accord équitable, entre défaillance de communication et de pédagogie d’une part, et diabolisation de l’ALECA à des fins politiciennes, d’autre part.

La société civile a souvent cherché à faire le parallèle entre l’ALECA et l’Accord d’Association de 1995 entre la Tunisie et l’UE. Plusieurs ONGs ont dénigré l’Accord de 1995.
Une étude d’impact est en cours et devrait nous éclairer plus. Toutefois, s’il y a une critique à formuler, nous devons d’abord l’adresser à nous-mêmes, car si la Tunisie a su tirer parti des préférences accordées par l’UE, son industrie n’a pas su se diversifier, et profiter pleinement de l’accès au marché de l’UE et encore moins, augmenter la valeur ajoutée produite localement.

Ce constat a été exacerbé par les inégalités régionales croissantes et un taux de chômage élevé parmi les jeunes et les diplômés du supérieur, et a mis en relief les limites du modèle économique tunisien actuel. D’où les craintes actuelles que nous ne soyons pas en mesure de bénéficier d’un accès amélioré au marché européen de l’agriculture et des services. Raison de plus pour mieux se préparer et mettre à niveau notre économie, a-t-il conclu.


 source: African Manager