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Brexit. Pourquoi le Parlement européen ratifie seulement maintenant l’accord avec le Royaume-Uni

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Ouest France | 28 avril 2021

Brexit. Pourquoi le Parlement européen ratifie seulement maintenant l’accord avec le Royaume-Uni

par Fabien CAZENAVE

Le Brexit n’en finit jamais. Le Parlement européen a approuvé l’accord entre l’UE et le Royaume-Uni par un vote mardi (660 pour, 5 contre et 32 abstentions), dont les résultats ont été connus mercredi 28 avril 2021. Cet accord « post-Brexit » fixe les relations commerciales post-Brexit entre Royaume-Uni et Union européenne.

L’accord commercial trouvé à la dernière minute fin 2020 établit les termes de la future coopération entre Union européenne et Royaume-Uni sur le libre-échange sans quotas ni droits de douane, la pêche, l’énergie, la sécurité intérieure et des normes de concurrence dîtes « équitables ».

Le Premier ministre britannique Boris Johnson a salué ce vote mercredi comme « la dernière étape d’un long voyage ». Le chef du gouvernement britannique estime que cet accord « apporte de la stabilité à notre nouvelle relation avec l’UE en tant que partenaires commerciaux d’importance vitale, alliés proches et égaux souverains », a-t-il déclaré dans un communiqué.

Pourquoi la ratification a-t-elle lieu seulement maintenant ?

Normalement, pour qu’un tel accord soit valide, il faut qu’il ait été ratifié par les deux parlements avant son entrée en application. Afin de limiter au maximum les perturbations liées à ce divorce, l’accord conclu le 24 décembre 2020 s’applique, avec l’accord des parlements britannique et européen, provisoirement depuis le 1er janvier 2021. Mais ce provisoire doit s’arrêter le 30 avril.

Le rapporteur du texte au Parlement européen, le Luxembourgeois Christophe Hansen (CSV – PPE), explique à Ouest-France pourquoi : « cette application provisoire avait au début une validité allant jusqu’à fin février. Cela a été étendu jusqu’à fin avril parce qu’au Conseil [représentant les intérêts des États], plusieurs délégations, dont celle de la France, ont exigé que toutes les versions linguistiques soient disponibles avant de voter », rappelle-t-il.

« Autre raison, le Parlement européen voulait prendre le temps nécessaire pour analyser les textes. On parle d’un document plus de 1 200 pages, ce type d’analyse ne se fait pas entre deux réunions. Donc, effectivement, on voulait avoir le temps nécessaire pour voir en interne tous les textes et tous les détails. C’était important pour nous », explique Christophe Hansen.

Pourquoi il n’y a que le Parlement européen qui ratifie ?

Or, l’approbation du Parlement européen est nécessaire pour que l’accord entre en vigueur de façon permanente. S’il n’y a pas de ratification au niveau national, c’est surtout pour une question de rapidité explique l’eurodéputé Christophe Hansen : « avec une date d’application provisoire qui était au début prévue le 28 février, si effectivement on va demander à tous les parlements nationaux, et même régionaux dans certains de nos États membres, ce serait un processus beaucoup trop long. Cela poserait beaucoup de problèmes à la ratification et qui mettrait tout l’accord en danger », explique l’élu luxembourgeois du PPE.

La ratification des eurodéputés n’a pas posé de problème, car en cas de rejet, on se serait retrouvé dans le cas du « hard Brexit », un Brexit sans accord. Le Royaume-Uni deviendrait alors un État tiers à l’Union européenne avec un retour des frontières « à partir du 1er mai, mais ce serait quelque chose qui serait hautement irresponsable envers nos citoyens », estime le député européen du Luxembourg.

Lors d’un point presse organisé par le Bureau du Parlement européen en France quelques jours avant le vote, l’eurodéputé français François-Xavier Bellamy (Les Républicains) a estimé que « la menace sur la signature de l’accord commençait à devenir dangereuse. À force de suspendre cette ratification, on pourrait se retrouver devant le risque d’un no deal [soit une absence d’accord] qui aurait été catastrophique et créerait beaucoup d’incertitudes pour nos citoyens ». Un point de vue que ne partage pas entièrement son collègue Stéphane Séjournée (LREM – Renew Europe) : « oui, c’est vrai que la ratification va nous donner plus de lisibilité, mais je pense qu’on loupe peut-être notre rôle collectif et institutionnel en ne pesant pas plus pour avoir un vrai jeu politique en coordination avec la Commission. La résolution repositionne heureusement nos exigences. »

Pourquoi y a-t-il une résolution accompagnant cette ratification ?

Les eurodéputés ont en effet également adopté une résolution dans laquelle ils insistent sur « l’erreur historique » que représente le Brexit et sur la mise en œuvre totale, avec l’accord de retrait, de ce texte.

Pour ce faire, le Parlement européen compte bien jouer son rôle dans le contrôle de l’application pratique des accords. « On va mettre en place une assemblée interparlementaire avec des députés européens, mais aussi des députés britanniques, pour justement discuter des problèmes qui sont déjà visibles, mais aussi ceux qu’on découvrira dans le futur », assure Christophe Hansen. D’ores et déjà, les eurodéputés condamnent ainsi fortement les récentes actions unilatérales du Royaume-Uni qui remettent en cause l’accord de retrait. La Commission européenne a ainsi lancé le 15 mars 2021 deux procédures pour violation de l’accord de Brexit contre le Royaume-Uni, après l’annonce par Londres d’un report unilatéral de certains contrôles douaniers en Irlande du Nord.

« Il faut qu’on arrive à mettre en œuvre cet accord de manière loyale par nos amis britanniques », explique François-Xavier Bellamy. « On a beaucoup d’acteurs de la pêche qui n’arrivent pas à obtenir leur licence pour aller dans les eaux britanniques. Sur cette question comme sur d’autres, on est encore en rodage », constate l’eurodéputé.

Pour la socialiste Sylvie Guillaume (PS – S & D), cette résolution permet aussi à cette ratification de ne pas être « qu’un vote de consentement, de oui ou non. On aborde avec cette résolution quelques points fondamentaux, sur la concurrence équitable qui doit s’établir avec le Royaume-Uni, la réaction rapide nécessaire aux déséquilibres qui pourraient voir jour dans différents domaines ou les questions liées à la pêche. Nous demandons des preuves de bonne foi du Royaume-Uni et nous serons aussi extrêmement vigilants sur le protocole en Irlande du Nord », affirme-t-elle.


 source: Ouest France