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L’accord sur les investissements UE-Chine est-il à la hauteur de ses ambitions ?

Les Echos | 15 avril 2021

L’accord sur les investissements UE-Chine est-il à la hauteur de ses ambitions ?

par Grine Lahreche, avocat associé, et Agathe Olivier, avocate, Hoche Avocats.

À l’heure où, selon les statistiques européennes, entre 2000 et 2020, les investissements directs cumulés de l’UE en Chine ont atteint 181 milliards de dollars tandis que les investissements chinois ont atteint, sur la même période, un montant cumulé de 138 milliards de dollars au sein de l’UE, la Chine et l’UE ont conclu, le 30 décembre 2020, un accord global sur les investissements.

Cet accord, publié par la Commission européenne le 22 janvier 2021, tend notamment à améliorer les conditions d’accès à ces marchés respectifs, mais également à rééquilibrer l’asymétrie qui peut exister entre eux. Bien que la conclusion et le contenu de l’accord paraissent porteurs d’espoirs, ceux-ci peuvent générer quelques inquiétudes. Autrement dit, cet accord est-il véritablement à la hauteur de ses ambitions affichées ?

Ouverture au marché chinois et levée des restrictions

Consacrée désormais premier partenaire commercial de l’UE à la faveur d’une augmentation constante de ses exportations, la Chine a surpassé les États-Unis. Compte tenu de cette situation et conscient des potentialités offertes par le marché chinois, l’accord – en vertu du principe de réciprocité – a souhaité obtenir la levée de certaines restrictions en vue de favoriser différentes opportunités d’investissement (levée des restrictions relatives aux coentreprises dans le secteur automobile ou dans le secteur de la santé, levée des exigences relatives aux plafonds de participation de capital étranger et allégement des listes négatives – listes d’industries dans lesquelles l’investissement étranger est interdit ou restreint).

Par la réitération de ces mesures, l’accord vient en réalité consacrer un mouvement plus global d’ouverture que la Chine avait progressivement accordé aux investisseurs européens ces vingt dernières années.

Subventions publiques et concurrence

À travers le recours aux subventions publiques, les États souhaitent soutenir leurs industries émergentes. Certaines peuvent échapper à tout contrôle – notamment celles émanant de pays tiers – et entrainent un différentiel de compétitivité et une distorsion de concurrence sur le marché intérieur.

Afin de lutter contre cet état de fait, l’accord instaure un mécanisme de transparence des subventions pour neuf secteurs de services (services aux entreprises, services de communication, services de construction et d’ingénieries connexes, services de distribution, services environnementaux, services financiers, services de santé financés par le secteur privé, services liés au tourisme et aux voyages, et services de transport). Dès 2001, le protocole d’accession de la Chine à l’OMC comportait des engagements relatifs à la transparence des subventions. Obligation a été faite de les notifier à l’OMC. Pékin ne se soumettant pas à cette obligation, un des problèmes récurrents vient de la difficulté à les documenter.

L’accord entre l’UE et la Chine n’innove donc pas en imposant seulement des obligations d’information dépourvues de mécanismes contraignants. Au total, le tableau est sévère : des ambitions affichées, mais une réciprocité sujette à caution.

Développement durable et droit du travail

La Chine a pris deux engagements fondamentaux relatifs à la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le climat et la poursuite d’efforts soutenus en vue de la ratification des conventions de l’OIT relatives à l’abolition du travail forcé. On peut légitimement douter de la portée de ses engagements.

En effet, ceux-ci sont formulés en termes de best efforts, aucun délai de ratification n’a été fixé et l’accord exclut ces dispositions des procédures normales de règlement des différends. Seuls des mécanismes amiables de consultations ou de panels d’experts ont été instaurés. Un renvoi en somme au bilatéralisme des relations entre États.

Enfin, certaines actualités contrarient la portée de ces engagements. D’une part, la Chine recourt massivement au charbon notamment dans le cadre de ses efforts de relance économique suite à la pandémie liée au Covid-19 et, d’autre part, les engagements en faveur de l’abolition du travail forcé ont été pris en parallèle de la résolution adoptée par le Parlement européen condamnant le système chinois de travail mis en place contre les minorités ouïgoure, kazakhe et kirghize.
Mécanisme de règlement des différends et bilatéralisme

L’accord prévoit un mécanisme de résolution de tout différend relatif à l’interprétation et l’application de ses dispositions à travers la mise en place de procédures amiables et d’arbitrage. Ce mécanisme n’est cependant pas applicable à certaines sections de l’accord, dont celles relatives au développement durable. Par ailleurs, la Chine a toujours fait part de sa réticence à se soumettre aux procédures juridiques internationales. Ainsi, l’absence de mécanisme coercitif devrait à nouveau favoriser le bilatéralisme et non une logique entre deux grands ensembles. Affaire à suivre donc !


 source: Les Echos