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Le Québec et l’Ontario font tomber les barrières au libre commerce

Le Devoir | 15 décembre 2015

Le Québec et l’Ontario font tomber les barrières au libre commerce

Éric Desrosiers

Le Québec n’attendra pas que les élus aient ratifié l’accord de libre-échange conclu entre le Canada et l’Europe pour aligner ses règles en matière de contrat public et réduire notamment son pouvoir d’exiger des retombées économiques locales.

Le Québec et l’Ontario ont convenu en septembre de modifier les règles de l’accord de commerce et de coopération qu’ils ont en commun (ACCQO), afin qu’elles soient alignées sur celles prévues dans l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne. « L’objectif est de s’assurer que les entreprises du Québec et de l’Ontario auront un accès aux marchés publics québécois et ontarien au moins aussi favorable que celui accordé aux entreprises européennes », expliquait, au mois de novembre, le secrétariat du Conseil du trésor dans un bulletin d’information. Il a toujours été clair que les différents accords canadiens sur le commerce intérieur devaient être remodelés afin de refléter les nouveaux engagements pris sur la scène internationale par le Canada, ont ajouté par courriel les porte-parole du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Exportation (MEIE), en réponse aux questions du Devoir.

Ces nouvelles règles doivent entrer en vigueur dans les deux provinces le 1er janvier pour les ministères et le 1er septembre pour les réseaux municipal, de l’éducation et de la santé et pour les sociétés d’État. Or les élus n’ont toujours pas entériné l’entente intervenue entre le Canada et l’Union européenne, il y a maintenant un an. En fait, on ne sait toujours pas quand les députés de la Chambre des communes à Ottawa pourront seulement commencer à se pencher sur l’AECG, afin de décider de son éventuelle ratification (ou de son rejet).

Comme ce genre d’entente est de compétence fédérale, les élus provinciaux ne sont théoriquement pas tenus de se prononcer. Mais, comme de nombreux éléments de l’AECG sont de leur ressort — dont justement les contrats publics aux niveaux provincial et inférieur — leur coopération est aussi considérée comme essentielle pour son entrée en vigueur. C’est pour cette raison que les Européens avaient exigé dès le départ que les provinces soient exceptionnellement aussi à la table des négociations.

Les élus peuvent attendre

Aux dernières nouvelles, le texte de l’AECG faisait encore l’objet de révisions juridiques et d’une traduction dans les 24 langues officielles de l’Union européenne. Au début de l’automne, le ministre de l’Économie et de l’Exportation, Jacques Daoust, disait ne pas attendre la version finale avant 18 mois.

La situation pourrait se compliquer encore avec les fortes résistances, notamment en Allemagne et en France, contre le mécanisme de règlement des différends de l’AECG, qui permet aux entreprises privées de poursuivre les États devant des tribunaux parallèles. De passage à Bruxelles, le négociateur en chef du Canada, Steve Verheul, a prévenu les Européens mercredi qu’une réouverture de l’entente pour y apporter des changements risquerait de tout compromettre.

L’affaire soulève beaucoup moins de résistance auprès des gouvernements fédéral et provinciaux au Canada. En entretien au Devoir le mois dernier, la nouvelle ministre fédérale du Commerce international, Chrystia Freeland, a répété que son gouvernement appuie sans réserve l’AECG. Le gouvernement Couillard a souvent dit la même chose au Québec.

Quant à la libéralisation des règles en matière de marché public, elle sera de toute manière « globalement bénéfique pour l’économie québécoise », a fait valoir le MEIE au Devoir. La seule entente avec l’Ontario favorisera déjà « l’ouverture de nouveaux marchés pour les entreprises québécoises », en plus d’encourager « une plus grande concurrence lors de l’octroi des contrats publics ».

Libéralisation des marchés publics

Parmi les principaux changements, on note que seront désormais ouverts à la concurrence les contrats de construction de même que d’achat de biens et de services de tous les organismes publics québécois, y compris ceux de plusieurs sociétés d’État, dont Hydro-Québec et la Caisse de dépôt et placement.

Complètement nouvelle pour les Européens et au coeur de leurs demandes lors des négociations de l’AECG, l’ouverture à la concurrence de ces marchés publics restera soumise aux mêmes seuils qu’auparavant dans le cas de l’Ontario — à raison, par exemple, de 25 000 $ pour l’achat de biens par les ministères, de 100 000 $ du côté des municipalités, de la santé et de l’éducation et de 500 000 $ pour les sociétés d’État. Mais, comme le montant des options de renouvellement entrera désormais dans le calcul, cela équivaudra à une réduction des seuils.

On renoncera également à des dispositions qui permettaient de restreindre les appels d’offres aux entreprises d’une région en particulier, notamment en matière d’architecture et d’ingénierie. On ne pourra plus non plus invoquer des circonstances exceptionnelles pour se soustraire à l’application des règles générales à des fins de développement économique et régional.

Dans l’AECG, le Québec a obtenu qu’Hydro-Québec bénéficie d’une exception pour des biens et services jugés stratégiques, comme l’informatique et certains éléments d’ingénierie. Un contenu québécois minimum de 25 % pourra aussi être exigé pour l’achat de véhicules de transport en commun.


 Fuente: Le Devoir