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Le référendum « Stop huile de palme » a abouti

Le Temps | 19 juin 2020

Le référendum « Stop huile de palme » a abouti

Le peuple fixera le sort de l’accord entre la Suisse et l’Indonésie. La récolte de signatures a connu un vif succès car les Suisses sont sensibles à la déforestation nécessaire pour produire cette huile. Mais les ONG partiront en campagne divisées.

par Ram Etwareea

Le peuple aura le dernier mot. Le référendum contre l’accord de libre-échange Suisse-Indonésie a abouti. Les 60 000 signatures seront déposées à la Chancellerie fédérale lundi. Le vote populaire aura vraisemblablement lieu en octobre ou en mars prochains. Une première. Aucun des quelque 40 accords de libre-échange déjà en vigueur en Suisse n’a été soumis aux urnes. « La campagne face à la Confédération et à Economiesuisse s’annonce d’ores et déjà féroce », anticipe Mathias Stalder, secrétaire d’Uniterre, l’association paysanne, cheville ouvrière de l’initiative.

L’accord a été signé en 2018 après huit ans de discussions. Pour la Suisse, l’Indonésie – 260 millions de consommateurs – constitue un marché prometteur. Mais pour les organisations suisses de l’environnement et des droits humains, un accord allait ouvrir la voie à l’importation massive d’huile de palme produite dans des conditions écologiques et sociales jugées inacceptables. Une Plateforme huile de palme a milité notamment pour que cette denrée soit exclue de l’accord. En vain.

Uniterre monte aux barricades

C’est face à ce refus qu’Uniterre est montée aux barricades. L’association a lancé le référendum « Stop huile de palme » le 27 janvier, mais a été confrontée à deux obstacles pour la collecte de signatures. En premier, le confinement lié au Covid-19 a limité les mouvements. Ensuite, l’association paysanne s’est retrouvée presque seule.

« De nombreuses organisations partenaires ont fait faux bond, accuse Mathias Stalder. Il est vrai que certaines d’entre elles collaborent de plus en plus avec le secteur privé. » La campagne a tout de même été un succès parce que, selon lui, les consommateurs suisses sont sensibilisés aux problèmes de déforestation que représente la production d’huile de palme en Indonésie.

En réalité, de nombreuses associations suisses apprécient que l’Indonésie ait admis une clause de durabilité dans l’accord. « Nous en sommes satisfaits, déclare Barbara Pfenniger, responsable alimentation à la Fédération suisse des consommateurs (FRC). Le contingent fixé pour l’importation de l’huile de palme est aussi appréciable. » Et d’ajouter : « La FRC ne veut pas que ce produit, sous prétexte qu’il est moins cher, se retrouve caché dans toutes les denrées industrielles sur le marché suisse. »

Un désert « vert » de 17 millions d’hectares

Pour Public Eye, l’association suisse qui traque notamment les abus des multinationales dans le monde, l’accord négocié par Berne est acceptable. « Il fixe des critères environnementaux pour la production de l’huile de palme destinée au marché suisse, se réjouit Thomas Braunschweig, chargé de la politique commerciale. Nous attendons de tels engagements depuis dix ans. »

Alliance Sud abonde dans le même sens. « Le fait de lier pour la première fois les concessions douanières à la durabilité est une revendication de longue date des ONG et nous ne voulons pas mettre ce succès en péril », défend la responsable romande Isolda Agazzi. Elle reconnaît toutefois que l’accord ne prévoit pas de mécanisme pour la mise en œuvre des dispositions sur la durabilité. « Cela signifie que des questions importantes restent sans réponse, poursuit-elle. Nous comprenons donc que certaines organisations ne soient pas satisfaites et qu’elles aient lancé le référendum. »

Pour Greenpeace Suisse, l’accord est aussi problématique, mais à l’appel de Greenpeace Indonésie, elle ne se joindra pas au référendum.


 source: Le Temps