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Le TTIP bientôt au service des usuriers vautours américains

Europe Solidaire | 29 août 2015

Le TTIP bientôt au service des usuriers vautours américains

Jean Paul Baquiast

Ceux qui contestent mollement l’adhésion prochaine quasi certaine de la France au TTIP (traité transatlantique de libre-échange), et à plus forte raison ceux qui sont indifférents au problème, feraient bien de réfléchir concrètement à ce que cela signifiera au regard des protections encore apportées par les législations européennes à l’égard des usuriers vautours.

Il s’agit d’un exemple parmi d’autres, mais tout à fait significatif. Un article du Monde diplomatique de Juillet (journal dont nous ne cesserons jamais de conseiller la lecture) décrit la situation qui est faite aux classes moyennes et pauvres en Amérique par le pouvoir absolu des établissements de crédits sur l’économie de service et de consommation, au détriment des emprunteurs.

Le journal rappelle qu’aux Etats-Unis, il est pratiquement impossible de se passer de crédits, pour quelque type d’acquisition ou de service que ce soit. Ceci parce que n’y existent pas, comme en Europe, de prestations quasi gratuites en matière de santé et d’éducation. Egalement parce que n’y existent pas d’organismes mutualistes et coopératifs permettant d’accéder à des prix abordables à d’innombrables services, y compris dans le domaine du crédit. Parce que enfin n’y existent pas de réglementations imposant aux banques de faciliter l’accès au crédit pour les plus faibles économiquement, et leur interdisant les pratiques usuraires.

On appelle pratiques usuraires celles consistant à prêter à des taux élevés, sans exiger de l’emprunteur les garanties ordinairement demandées par le secteur bancaire. Dans l’histoire l’usure avait toujours été condamnée au plan moral, mais cela n’empêchait pas les usuriers de proliférer, profitant de la misère des pauvres. Le débiteur, généralement incapable de rembourser, se voit obligé de contracter de nouveaux prêts relais à des taux plus élevés encore. Finalement, se trouvant le plus souvent en défaut de paiement, ses biens sont saisis en proportion de la dette. Aux Etats-Unis, les banques sont libres de pratiquer tous les taux qu’elles veulent, y compris à des niveaux usuraires. Quand les banques ne prêtent pas, des milliers de préteurs « sauvages » prennent leur relai. Ils sont nommés des « prédatory lenders ». Leurs profits auraient en 2014 atteint la somme à peine croyable de 48 milliards de dollars.

Les classes moyennes supérieures peuvent supporter des prestations payantes à des prix élevés, car elles font sans trop de difficulté appel à des crédits, d’ailleurs moins coûteux pour elles que pour les pauvres, notamment parce qu’étendus parfois plusieurs décennies. Mais il leur faut souvent des années pour s’acquitter de leurs dettes, que ce soit dans l’éducation supérieure et la santé, sans mentionner l’immobilier. Ce n’est pas le cas dans les classes pauvres. D’une part les consommateurs pauvres payent souvent leurs acquisitions plus cher que ne le font les riches, mais ils empruntent à des tarifs plus élevés, les établissements de crédit voulant ainsi se garantir contre d’éventuelles défaillances.

Le TTIP

Mais en quoi ceci peut-il concerner la nécessité pour les européens de lutter contre le TTIP puisqu’ils disposent de services et de crédits bien plus favorables qu’aux Etats-Unis? Pour une raison très simple. La libéralisation imposée par ce dernier, renforcée par l’appel à des tribunaux d’arbitrages indépendants des Etats, aura deux conséquences immédiates. D’une part les services, comme en matière de santé et d’éducation, hérités de l’Etat providence, se trouveront obligés de cesser leurs activités, au prétexte qu’ils imposeront des détournements de concurrence aux dépens des prestataires privés mondialisés dominant aux Etats-Unis. Dans le domaine de l’enseignement supérieur par exemple, les étudiants ne trouveront plus d’universités travaillant à des tarifs réduits. Ils seront obligés de s’adresser à des filiales des universités américaines dont on connait les prix exorbitants. Même les services d’éducation en ligne, les MOOCS, ne pas pourront être gratuits, car ils concurrenceraient ceux « offerts » par les universités américaines.

Les européens, qu’ils appartiennent à des classes favorisées ou non, devront donc tout acheter à crédit, comme le font les américains. Mais à leur tour, toutes les structures mutualistes ou coopératives existant encore en Europe dans le domaine bancaire se verront interdites d’exercer. Les européens devront s’adresser aux grandes banques américaines. Celles-ci, disposant de réseaux mondiaux, pourront par ailleurs facilement éliminer ce qui resterait de banques européennes indépendants.

Sans dramatiser excessivement, on peut conjecturer que se multiplieront les suicides de débiteurs incapables de rembourser les emprunts usuraires qu’ils auront été obligés de faire, comme c’est le cas aux Etats-Unis, paradis du consommateur comme nul n’en ignore.


 Fuente: Europe Solidaire