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Les marchés publics canadiens seront ouverts à la concurrence européenne

Le Québec a obtenu qu’Hydro-Québec bénéficie d’une exception générale pour des biens et services jugés stratégiques, comme l’informatique et certains éléments d’ingénierie. Photo: Jacques Nadeau

Le Devoir | 19 août 2014

Les marchés publics canadiens seront ouverts à la concurrence européenne

Hydro-Québec figure parmi les exceptions contenues aux annexes

Éric Desrosiers

Les textes de l’accord Canada-Europe diffusés dans les médias confirment que les provinces, les villes et les autres organismes du secteur public devront ouvrir leurs appels d’offres aux entreprises européennes.

Après la fuite, en milieu de semaine dernière, dans la presse allemande, d’un texte principal de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG), on attendait d’en voir les réserves et exceptions contenues dans des annexes pour avoir une meilleure idée de la portée exacte des négociations officiellement terminées depuis le début du mois. Ces documents n’ont pas tardé à être diffusés à leur tour, vendredi, et semblent confirmer ce qu’en avaient dit jusqu’à présent les gouvernements.

Au coeur des demandes de l’Europe, l’ouverture du marché des contrats publics devra bel et bien s’étendre, au-dessus de certains seuils, aux ministères provinciaux, aux agences gouvernementales, aux sociétés d’État, aux municipalités ainsi qu’aux réseaux de la santé, de l’éducation et des services sociaux.

Le Québec a obtenu qu’Hydro-Québec bénéficie d’une exception générale pour des biens et services jugés stratégiques, comme l’informatique et certains éléments d’ingénierie. La société d’État conservera aussi le pouvoir, lors de la construction de nouvelles infrastructures, d’exiger dans ses appels d’offres qu’une partie de la sous-traitance soit réservée à des entreprises locales.

Une exception similaire a aussi été prévue dans le cas de l’achat de véhicules de transport en commun. Jusqu’à 25 % de la valeur des nouveaux autobus, métro ou trains pourront être réservés d’office à des entreprises basées au Canada à moins que les pouvoirs publics choisissent eux-mêmes de réduire ce seuil. Dans tous les cas, ces pouvoirs publics ne pourront pas traiter différemment les entreprises canadiennes ou européennes qui respecteraient les conditions de l’appel d’offres.

Approche négative

Basé, en matière de service et d’investissement, sur la logique de la liste négative, l’AECG — comme l’Accord de libre-échange nord-américain bien avant lui — part du principe que tout est sujet au libre-échange à moins de mention contraire dans les annexes. C’est notamment à cet endroit que le gouvernement fédéral annonce, d’entrée de jeu, qu’au Canada les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’aide sociale ou encore des garderies relèvent du secteur public, que la propriété étrangère des institutions financières canadiennes est strictement limitée ou encore que les pouvoirs publics au Canada se réservent le droit de fixer les règles en matière de collecte, de traitement et de distribution d’eau.

Le gouvernement du Québec a protégé de la même façon, par exemple, ses monopoles en matière de développement hydroélectrique (Hydro-Québec), de jeu (Loto-Québec) et de boissons alcooliques (Société des alcools du Québec), ainsi que ses règles particulières sur la protection du territoire agricole et l’assurance automobile.

Autre sujet très délicat, la culture fait d’abord l’objet, en préambule, d’une déclaration d’appui à la convention sur la diversité culturelle de l’UNESCO. Des passages soustrayant cet enjeu des dispositions générales de l’entente ont aussi été placés dans les chapitres jugés nécessaires.

Le Canada et l’Europe ont d’abord annoncé, en octobre, la conclusion d’une entente de principe, après plus de quatre ans de négociations, puis d’une entente sur un texte complet, il y a deux semaines. Il reste encore à traduire ce texte juridique, en 25 langues, avant de le soumettre à la ratification des élus des deux côtés de l’Atlantique, ce qui pourrait prendre encore deux ans. Au Canada, il resterait encore à Ottawa et aux provinces à s’entendre notamment sur la façon de dédommager les producteurs canadiens pour l’impact de l’entrée de quotas supplémentaires de fromage européen ainsi que les provinces pour l’impact sur leurs dépenses en santé de l’allongement de la période de protection des brevets des compagnies pharmaceutiques.

Le vrai accord

Considéré comme le projet de traité commercial le plus ambitieux entrepris par le Canada, l’AECG porte sur un vaste ensemble d’enjeux, dont le commerce des biens et services, la coopération réglementaire, la protection des investisseurs et la mobilité de la main-d’oeuvre.

Jusqu’à présent, Québec et Ottawa se sont refusés à confirmer que les textes ayant fait l’objet de fuite étaient bien ceux de l’entente qui ferait près de 1500 pages. Des sources gouvernementales confirment toutefois que les documents, qui circulent depuis la semaine dernière, sont les bons.

À Ottawa, l’opposition néodémocrate disait encore, lundi, attendre que le gouvernement Harper rende l’entente publique pour se prononcer sur son contenu.

Du côté des mouvements altermondialistes, on dit avoir besoin d’encore un peu de temps pour digérer tous ces textes. Mais on y dénonce déjà le recours, comme dans l’ALENA, à un mécanisme de règlement des différends permettant aux compagnies privées s’estimant lésées de poursuivre un État devant un tribunal formé de trois experts.


 Fuente: Le Devoir