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Libre échange avec l’Indonésie : un référendum nécessaire

Le Temps | 22 février 2020

Libre échange avec l’Indonésie : un référendum nécessaire

par Alberto Mocchi

Alberto Mocchi est président des Verts vaudois et membre du comité vaudois de la FRC.

Il y a un peu plus d’une année, le 16 décembre 2018, l’ancien Conseiller Fédéral Johann Schneider-Ammann, accompagné de ses homologues liechtensteinois, islandais et norvégien a signé à Jakarta un accord de libre-échange avec Enggartiasto Lukita, le ministre indonésien du Commerce. Cet accord ouvre le marché indonésien aux marchandises suisses, et tout particulièrement aux machines-outil ou aux produits pharmaceutiques et chimiques, et facilite grandement l’importation dans nos contrées d’huile de palme, dont notre industrie agro-alimentaire est toujours plus friande. La consommation de cette huile végétale a ainsi été multipliée par 8 dans notre pays en moins de 30 ans, passant de 3’500 tonnes en 1988 à 29’500 tonnes en 2017.

Cet accord, qui a été ratifié par les Chambres fédérales à la fin de la session d’hiver 2019, pose problème sous divers aspects.

D’un point de vue environnemental tout d’abord, car la production d’huile de palme se fait en Asie du Sud Est au détriment de la forêt pluviale. La surface de cette dernière a été réduite de plus de 70% en cinquante ans en Indonésie, et la déforestation se poursuit à un rythme soutenu. La carte ci-dessous, montrant l’évolution de la couverture forestière de l’île de Bornéo ( 4ème île du Monde par sa superficie, et divisée entre Indonésie, Malaisie et Sultanat du Bruneï) est ainsi extrêmement parlante.

Cette déforestation a des effets extrêmement néfastes sur la biodiversité puisque l’on assiste à la destruction de tout un écosystème et à une disparition programmée de certaines espèces, dont les orangs-outans. La population de ces grands singes a diminué de moitié à Bornéo en 20 ans, passant de 300’000 à environ 150’000.

En exploitant les zones forestières et en causant la déforestation, la production d’huile de palme a une autre conséquence sur l’environnement : une augmentation importante du gaz à effet de serre. À l’échelle globale, 15 à 20% des émissions de ces gaz sont induites par la déforestation, et c’est ce phénomène qui contribue grandement à faire figurer l’Indonésie dans le top 10 des plus gros émetteurs.

Des problèmes se posent également au niveau économique et social, puisque le modèle agricole du “tout à l’huile de palme” développé par l’Indonésie depuis des années a eu des conséquences désastreuses sur les populations autochtones. La production est en majeure partie en mains de grands groupes cultivant de manière extensive et concurrençant de manière déloyale les petits paysans, qui sont des milliers à quitter leurs terres pour aller s’entasser dans les bidonvilles aux abords des grandes métropoles. Leurs homologues suisses souffrent aussi de cette production, puisque l’huile de colza, graisse végétale d’excellente qualité produite chez nous, est bien plus chère que l’huile de palme, et se voit toujours plus souvent remplacée dans les recettes des produits alimentaires industriels.

Le commerce entre pays développés et pays en développement est quelque chose d’important, voire d’indispensable afin de mieux répartir les richesses et améliorer le niveau de vie de la population des pays du Sud. Il doit pour cela se construire sur des bases d’équité et de durabilité, ce qui n’est absolument pas le cas avec cet accord de libre échange. Derrière quelques phrases creuses évoquant la durabilité de la production et quelques mécanismes timides pour protéger la production indigène d’oléagineux, cet accord n’est avantageux que pour quelques grands groupes industriels.

Il est temps que la population suisse puisse s’exprimer sur quel type d’échanges elle souhaite avec les pays en développement. Pour cela, il suffit de signer et faire signer le référendum qui a été lancé par une vaste coalition de mouvements de protection de l’environnement et d’une agriculture paysanne. Les feuilles peuvent être téléchargées ici , et sont à renvoyer au plus vite, car le temps presse.


 source: Le Temps