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Victoire judiciaire palestinienne

Le Soir | Vendredi 26 février 2010

Victoire judiciaire palestinienne

LOOS,BAUDOUIN ; AFP

La Cour de justice européenne établit une jurisprudence

Ce jeudi 25 février sera sans doute marqué d’une pierre blanche par tous les militants propalestiniens. La Cour européenne de justice (CEJ) s’est en effet prononcée à Luxembourg dans un dossier sensible très attendu, celui du statut à réserver au sein de l’Union européenne aux marchandises israéliennes produites dans les colonies situées dans les territoires occupés. Et la CEJ a suivi l’avis de l’avocat général en statuant que ces produits-là ne peuvent bénéficier du régime douanier préférentiel accordé par l’Union européenne à Israël en vertu de l’accord d’association qui lie les deux parties.

Cet arrêt est appelé à faire jurisprudence. Il y avait longtemps que ce dossier dit de la « règle d’origine » empoisonnait les relations commerciales entre l’Europe et Israël. Les 27 reconnaissent comme frontières de l’Etat hébreu celles des divers cessez-le-feu de 1949, ils l’ont encore rappelé dans leur déclaration du 8 décembre. Israël, de son côté, n’a pas annexé les territoires palestiniens à l’exception de Jérusalem-Est. Mais les exportateurs israéliens de productions provenant des colonies juives établies depuis 1967 dans les territoires occupés cherchaient à bénéficier des tarifs douaniers européens préférentiels réservés depuis dix ans aux produits estampillés « made in Israel ». Pour contourner le problème, ces exportateurs prenaient souvent une adresse en Israël, pour dissimuler la réalité de leur existence dans une colonie illégale aux yeux du droit international.

Par exemple, Yaakov Ellis, le PDG de la société israélienne de cosmétique Ahava, qui fabrique des produits dans les colonies de Mitzpe Shalem et Kaliya, avait déclaré à la BBC le 8 novembre 2008 que sa société n’était pas concernée par cette question de règles d’origine puisque les bureaux d’Ahava se situaient près de Tel-Aviv, en Israël même.

Le cas traité par la CEJ avait été soulevé par une société allemande, Brita GmbH, qui contestait le refus des autorités douanières allemandes d’appliquer le régime préférentiel accordé aux marchandises israéliennes au motif qu’elles étaient produites en territoires occupés, en l’occurrence il s’agissait d’un contrat d’un montant de 19.155 euros pour des gazéificateurs d’eau ainsi que des accessoires et des sirops fabriqués par un fournisseur israélien, Soda-Club, dont le site de production est implanté à Maale Adumin, la plus grande colonie israélienne – près de 40.000 habitants – à l’Est de Jérusalem, en Cisjordanie occupée.

Consulté par un tribunal de Hambourg, la Cour de Luxembourg a émis un arrêt qui a le mérite d’être clair : « Les produits originaires de Cisjordanie ne relèvent pas du champ d’application territorial de l’accord » entre l’UE et Israël « et ne sauraient donc bénéficier du régime préférentiel instauré », ont dit les juges à Luxembourg. Qui estiment par ailleurs que les autorités israéliennes ont « manqué à leur obligation » de fournir des renseignements ad hoc pour que les douanes allemandes soient en mesure de déterminer l’origine réelle des produits comme elles l’avaient demandé.

Lors de sa visite à Bruxelles mardi, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas avait insisté auprès des Européens pour qu’ils prennent la mesure du problème et même pour qu’ils boycottent les produits des colonies israéliennes.

Selon l’ONG israélienne Gush Shalom (« bloc de la paix »), il existerait 276 entreprises israéliennes, depuis la petite PME jusqu’à la multinationale, dans les colonies situées en territoires occupés. Il est en revanche plus difficile de dire quel pourcentage des exportations israéliennes vers l’Europe – pour quelque 12 milliards d’euros par an – est affecté par la décision de la Cour de Luxembourg, les chiffres variant beaucoup selon les sources. (avec afp).
Olmert et Abbas furent si près du but...

Se peut-il que le conflit du Proche-Orient fût passé très près d’une issue heureuse à la fin de 2008 ? Cette information, incongrue pour tout observateur de la région rompu au pessimisme qu’impose l’actualité, peut être tirée des confidences faites au Soir par Saëb Erakat, le principal négociateur de l’Autorité palestinienne, qui était à Bruxelles avec son président, Mahmoud Abbas ces derniers jours.

Depuis plusieurs mois, le Premier ministre israélien en place en 2008, Ehoud Olmert, s’en va répétant qu’il avait fait, vers septembre de cette année-là, des offres détaillées aux Palestiniens de l’Autorité palestinienne, qui n’ont jamais répondu.

« Il est exact que l’offre israélienne était significative, raconte Saëb Erakat, il faut l’admettre. Voici les chiffres : Olmert demandait que nous cédions à Israël 6,5 % de la Cisjordanie (où se trouvent les plus grandes colonies, NDLR) en échange de quoi il nous proposait 5,8 % de terres équivalentes en Israël, la différence étant constituée par l’assurance d’un passage sûr garanti entre la Cisjordanie et la bande de Gaza. Au départ, la position palestinienne consistait à réclamer 100 % de la Cisjordanie et Jérusalem-Est, soit tout ce qui avait été occupé par Israël en 1967, 22 % de la Palestine originelle. »

Erakat s’érige toutefois contre la fin de la version d’Olmert : « Soutenir que nous n’avons pas répondu n’est pas correct. Ce qui s’est passé, c’est qu’Abbas a fini par répondre en proposant une autre carte, qui prévoyait un échange de terres entre Cisjordanie et Israël qui n’impliquait seulement que 1,9 % de la Cisjordanie ».

Bush s’implique !

Là où la story devient plus passionnante encore, c’est quand le Palestinien explique le rôle inattendu des Américains, durant les dernières semaines de l’administration de George W. Bush. Celui-ci, visiblement, eût aimé quitter le pouvoir sur un succès diplomatique plutôt que de ne laisser qu’une image de va-t-en-guerre.

« George Bush a été mis au courant de l’existence des deux cartes, l’israélienne et la nôtre. Il a réagi en invitant les responsables des deux camps début janvier à Washington, il se disait qu’il y avait moyen d’aboutir à un compromis, à une carte commune. Abbas, qui était allé voir le président américain en décembre pour lui expliquer sa position (et il avait été critiqué chez nous pour ce voyage qu’on croyait de courtoise car il avait tenu secret l’avancement des pourparlers), m’avait confié la mission de représenter l’Autorité palestinienne en janvier à ce rendez-vous. Amos Gilad devait être l’envoyé israélien. Hélas ! vous le savez, les Israéliens ont attaqué la bande de Gaza le 27 décembre, ce qui fait capoter tout le projet. »

Le négociateur palestinien n’en dira pas beaucoup plus. « N’entrons pas dans le détail de ce qui était prévu (pour Jérusalem ou les réfugiés, par exemple, NDLR), mais il faut comprendre que si nous étions parvenus à cet accord sur les frontières, cela veut dire qu’on eût conclu une grosse partie du travail, concernant l’eau, les colons, Jérusalem, par exemple… Tout cela explique en tout cas pourquoi nous tenons tant à reprendre les négociations là où nous les avions abandonnées à l’époque, et non tout reprendre à zéro comme l’exige le gouvernement de Netanyahou »…

Une source diplomatique palestinienne autorisée ajoute qu’Olmert et Abbas étaient aussi proches d’un accord sur le volet « sécurité » à l’époque : « L’Etat palestinien, nous dit cette source, ne devait plus comporter le moindre soldat ou policier israélien, mais bien une présence tierce à ce niveau, que les Américains voulaient assurer, mais pour laquelle nous voyions tout aussi bien les Européens. Hélas ! l’attaque contre Gaza préparée de longue date montra une fois encore que les Israéliens ont deux attitudes : ils parlent de paix mais font la guerre ».


 source: Le Soir