L’accord entre l’Union Européenne et l’Inde menace l’accès aux traitements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient

IPC Mena | jeudi 11 avril 2013

L’accord entre l’Union Européenne et l’Inde menace l’accès aux traitements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient

CASABLANCA, le 11 AVRIL 2013 • Pour diffusion immédiate • SEMAINE MONDIALE D’ACTION 7-15 AVRIL 2013 •

La Coalition Internationale pour la préparation aux traitements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient (ITPC-MENA), le CSAT-MENA, l’Association marocaine de lutte contre le sida (ALCS-Maroc), le Réseau Marocain Pour le Droit a la santé (RMDS), L’Espace associatif (EA) et l’Association Marocaine des droits humains (AMDH) dénoncent une nouvelle fois les conséquences de l’accord commercial en cours de finalisation entre l’Union européenne et l’Inde. Malgré les alertes répétées de la société civile, le texte de l’accord en négociation contient toujours des mesures dangereuses, en particulier pour l’accès aux médicaments, en Inde, ainsi que dans l’ensemble des pays en développement qui bénéficient aujourd’hui massivement de médicaments génériques à bas prix produits en Inde. Amorcées depuis plusieurs années, les négociations devraient s’achever en début de semaine prochaine à Bruxelles. Dans le cadre de la semaine mondiale d’action organisée par des groupes de personnes vivant avec le VIH/sida et d’ONG du monde entier, ITPC-MENA demande à la commission européenne et à l’Inde de supprimer de cet accord toutes les clauses dangereuses pour l’accès aux médicaments.

Cet accord commercial bilatéral « de libre-échange » négocié entre l’Inde et l’Union Européenne au cours des 6 dernières années revêt une importance toute particulière dans la mesure où l’Inde est considérée comme la « pharmacie des pays en développement », produisant entre autres plus de 80% des médicaments génériques utilisés contre le VIH/sida dans les pays en développement. Récemment, l’exemple de l’anticancéreux Glivec et la victoire des malades du cancer et du gouvernement indien dans le procès l’opposant à Novartis en a été la parfaite illustration. Alors que le médicament était vendu $2400 par personne par mois par Novartis sous le nom de marque Glivec, le même médicament était vendu pour $200 par personne par mois par ses concurrents génériques indiens. Au delà des médicaments antirétroviraux et anticancéreux, l’Inde produit de nombreux médicaments essentiels à moindre coût. La concurrence par et entre les producteurs de génériques est l’un des principaux facteurs ayant permis la mise sous traitements de millions de malades dans les pays en développement depuis le début de la pandémie de VIH/sida.

« Si l’on coupe le robinet indien que constitue son industrie du médicament générique, on met en danger des millions de personnes dans les pays en développement » déclare Hakima Himmich, présidente de l’ALCS-Maroc. « Nous savons que ces accords commerciaux auront des conséquences dramatiques pour la santé publique. L’industrie du médicament générique est essentielle pour les malades dans les pays en développement ».

Si certaines mesures dangereuses ont particulièrement attiré l’attention dans les négociations de cet accord de « libre-échange » comme l’augmentation de la durée des brevets ou l’exclusivité des données, d’autres mesures restent inquiétantes. Selon Khadija Ryadi de l’AMDH : « Bien que les textes en négociation ne soient jamais rendus publiques ce qui pose un réel problème démocratique et de transparence de la commission européenne et des pays négociateurs vis à vis de leur parlement national et de la société civile, nous savons que certaines mesures inquiétantes sont toujours bien présentes dans l’accord en négociation ».

En particulier, des dispositions « de mise en œuvre de la propriété intellectuelle » qui empêcheraient l’exportation de médicaments génériques à bas prix et auraient des conséquences sur l’ensemble de la production et de l’approvisionnement en génériques, sur la simple allégation de non respect du brevet ou d’une marque déposée. Ainsi, les producteurs de génériques pourraient se voir entraînés dans d’interminables et coûteux conflits juridiques, dans lesquels l’EU souhaiterait par exemple que les tribunaux indiens émettent des injonctions à geler les comptes bancaires des producteurs de génériques et même à saisir leurs biens. De telles actions pourraient dissuader des producteurs locaux de continuer leur production de médicaments à bas prix. Le chapitre de l’accord consacré à l’investissement proposé par l’UE donnerait la possibilité à des multinationales privées d’attaquer en justice le gouvernement indien si son bureau des brevets ou les tribunaux décidaient par exemple de rejeter un brevet demandé pour un nouvel usage ou une nouvelle présentation d’un ancien médicament. Cette disposition pourrait également affecter les prix des médicaments. Ces conflits seraient réglés en dehors des juridictions nationales , dans un cadre privé.

Mais cet accord est l’arbre qui cache la forêt parmi la longue liste de négociations commerciales à travers lesquelles l’UE cherche à imposer des dispositions renforçant la propriété intellectuelle dans les pays en développement, au profit de son industrie du médicament et au dépend des enjeux de santé publique. La commission européenne est actuellement engagée dans des négociations d’accords de libre-échange avec l’Inde, la région ASEAN, la Malaisie, l’Ukraine et la Thaïlande, et planifie d’autres accords avec le Maroc, la Tunisie et l’Égypte, pour ne citer que quelques exemples.

« La commission européenne est très claire sur ce point » déclare Othman Mellouk responsable du plaidoyer à ITPC MENA, « lorsqu’elle propose un texte de négociations, qu’il s’agisse de l’Inde ou de la Malaisie, et bientôt du Maroc ou de l’Egypte, elle propose toujours le même modèle d’accord ». Ce modèle d’accords comprend des dispositions d’investissement, de mise en œuvre de la propriété intellectuelle, d’augmentation de la durée des brevets au delà des vingt ans et une clause d’exclusivité des données. La clause d’exclusivité des données oblige les producteurs de médicaments voulant produire un médicament qui n’est plus protégé par un brevet, à refaire tous les essais cliniques, ce qui n’est pas éthique et qui retarde la mise sur le marché de nouveaux médicaments génériques. « C’est ce qui attend le Maroc, la Tunisie et l’Egypte d’ici peu » ajoute M. Mellouk. « Si nous voulons développer et protéger notre industrie locale, nous devons d’ores et déjà nous mobiliser contre ces accords ».

« L’Afrique du Nord et le Moyen-Orient est la région du monde où le taux de personnes vivant avec le VIH mises sous traitement est le plus faible au monde, et une des plus touchée par les hépatites virales. Pour répondre aux enjeux de santé publique, importer ou produire des copies génériques à bas prix, est crucial pour des millions de personnes. » conclut Nadia Rafif, coordinatrice de CSAT MENA.

source : ITPC Mena

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