Accord de libre-échange USA/UE: la sécurité des aliments en effet boomerang

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La décontamination chimique avec de l’acide lactique a récemment fait son entrée en Europe.

Journal de l’Environnement | 26 juin 2013

Accord de libre-échange USA/UE: la sécurité des aliments en effet boomerang

par Romain Loury

Les professionnels français de la viande se montent inquiets des négociations sur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis, quitte à agiter (un peu vite) le chiffon rouge du risque sanitaire. Le 14 juin, les ministres européens du commerce ont donné leur feu vert à la Commission, lui accordant le mandat de mener les négociations sur ce futur accord transatlantique de libre-échange. Outre l’«exception culturelle», il est un sujet qui inquiète la France, celui de l’avenir de la viande française, notamment celle de bœuf.

«Le mandat de négociation de cet accord prévoirait en effet une ouverture massive du marché européen à la viande bovine issue des Etats-Unis, dont les normes de production en matière environnementale, sanitaire et de bien-être animal sont en inadéquation complète avec les exigences du consommateur français», craint l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev) dans un communiqué.

Cette «distorsion de concurrence» pourrait «peser très lourd» sur la filière française, ajoute-t-elle. Interrogé par le JDSA, le directeur général d’Interbev, Yves Berger, craint que la viande française ne serve de «variable d’ajustement» -par exemple en échange d’exportations accrues de fromage français. Et ce au risque que le marché français soit submergé par une viande nord-américaine moins chère, provenant de «feed-lots» comptant plusieurs dizaines de milliers de bovins.

Du côté de l’Etat, le ministère en charge de l’agriculture, Stéphane Le Foll, assure pourtant dans un communiqué avoir «fait inscrire dans le mandat de négociation des garanties pour nos lignes rouges agricoles et alimentaires», aussi bien en matière d’OGM, de promoteurs de croissance, de décontamination chimique des viandes que de clonage animal.

Largement utilisée aux Etats-Unis, la décontamination chimique de la viande, procédé utilisé à l’abattoir, a récemment fait son entrée en Europe, avec l’autorisation début février de l’acide lactique pour les carcasses de bœuf. Très polémique, ce sujet a divisé les Etats membres de l’UE, certains y voyant un risque pour la sécurité des aliments, d’autres un plus [JDLE].

Si la France fait partie des pays à s’y être opposés, les professionnels de la viande s’étaient réjouis de l’arrivée d’un nouvel «outil» pour la sécurité des aliments. Pour eux, il s’agissait d’utiliser l’acide lactique «en complément» de la stratégie actuelle de prévention des risques microbiologiques, celle prévue par la méthode HACCP, et non «en remplacement de» –comme ils reprochent aux abattoirs américains de le faire.

Or, ironie du sort, c’est le département américain à l’agriculture (USDA) qui avait déposé la demande d’autorisation auprès de la Commission européenne en décembre 2010, estimant que l’interdiction de ce traitement constituait une mesure de protectionnisme à l’égard des Etats-Unis. Désormais, plus rien n’interdit qu’une telle viande puisse être exportée en Europe.

«Du moment que vous autorisez des techniques, il devient difficile d’expliquer au consommateur la différence entre deux produits traités de cette manière», l’un aux Etats-Unis, l’autre en Europe, reconnaît Yves Berger. Au vu des négociations qui débutent, «les positions [de la filière française] sur l’acide lactique seraient peut-être moins favorables aujourd’hui», admet-il.

En soutenant l’autorisation européenne de l’acide lactique, la filière bovine se serait-elle tiré une balle dans le pied? A la Fédération nationale bovine (FNB), on l’évoque à mi-mots: «La filière aval était ouverte à cette technique, mais nous, en tant qu’éleveurs, on trouvait déjà que cela ouvrait des portes aux exportations américaines», déplore son directeur général Thierry Rapin.

Contactée par le JDSA, la Fédération nationale de l’industrie et du commerce en gros des viandes (FNICGV), qui s’était montrée particulièrement favorable à l’acide lactique, n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien.

source : JDLE

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