Le principe de précaution menacé par les accords TTIP et CETA

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EurActiv | 30 juin 2016

Le principe de précaution menacé par les accords TTIP et CETA

Par Cécile Barbière

Le principe de précaution pourrait passer à la trappe dans les accords de l’UE avec le Canada et les États-Unis. Et remettre en cause les interdictions du bœuf aux hormones ou des OGM, selon l’ONG Foodwatch.

Les accords commerciaux que l’UE négocie avec les États-Unis et a conclus avec le Canada pourraient bien signer la fin du principe de précaution, s’inquiètent des spécialistes en droit communautaire.

Dans une étude juridique, des spécialistes du droit européen allemand, belge et néerlandais ont souligné que ni l’accord entre l’UE et le Canada (Ceta) ni le projet d’accord avec les États-Unis (TTIP) ne mentionnaient cette notion juridique fondamentale en Europe.

Une absence qui met l’UE dans une situation fragile. « Dans quelle mesure d’UE va-t-elle pouvoir justifier certaines mesures de protection des consommateurs ou de l’environnement consacrées par le principe de précaution dans ce nouvel environnement bilatéral » s’est interrogé Nicolas de Sadeleer, professeur à l’université Saint-Louis à Bruxelles, lors d’un séminaire à l’Assemblée nationale le 27 juin.

Un principe non partagé

En effet, ce principe permet aux autorités publiques d’adopter des mesures de restrictions pour anticiper des éventuels risques notamment environnementaux et dans le domaine de la santé. Ce principe, largement utilisé en Europe, a notamment permis d’interdire le bœuf aux hormones ou encore les OGM sur le continent, sans preuve scientifique irréfutable d’une quelconque dangerosité.

À l’inverse, le principe de précaution, n’est pas reconnu de l’autre côté de l’Atlantique, « où il a toujours été considéré que cela relevait d’une barrière au commerce » souligne Karine Jacquemart, de Foodwatch. Au Canada et aux États-Unis, seule la preuve scientifique définitive compte, ce qui laisse un large champ pour autoriser des produits controversés.

« Nous ne critiquons pas les Américains pour vouloir supprimera le principe de précaution, ils l’ont toujours voulu, car ils le voient comme une barrière au commerce » a expliqué Karine Jacquemart de Foodwatch. « Ce qui nous inquiète, c’est que personne au sein de l’Union européenne ne semble tenter de sauver ce principe ».

Des normes évolutives

Le traité UE/Canada ainsi que le traité avec les États-Unis, qui est toujours en cours de négociation pourraient enfin avoir un impact sur l’élaboration des normes futures de l’UE, comme celle sur les perturbateurs endocriniens ou des nanotechnologies.

« Ce sont des traités de deuxième génération, des traités vivants, car les négociations vont se poursuivre au-delà de leur adoption au travers de la coopération réglementaire » a prévenu la représentante de Foodwatch.

En effet, le traité avec le Canada prévoit une consultation continue sur l’élaboration des normes entre les deux partenaires commerciaux. « Les deux parties doivent s’informer mutuellement, des projets réglementaires » a poursuivi, Karine Jacquemart.

Plus grave, certaines normes existantes pourraient se trouver juridiquement affaiblies par l’accord, se sont inquiétés les auteurs de l’étude.

« Nous sommes juristes, il ne s’agit pas d’un point de vue militant, notre analyse des textes met en exergue la carence d’un principe juridique constitutionnel qui pourrait se retourner contre l’UE ou ses membres », a ajouté M. de Sadeleer.

L’UE a déjà conclu d’autres accords commerciaux bilatéraux où le principe de précaution n’est pas mentionné, par exemple avec la Corée du Sud, ou avec le Pérou et la Colombie. « Mais dans ces cas, l’Union européenne exporte ses normes et pas l’inverse » nuance Peter-Tobias Stoll, un des auteurs de l’étude. Un rapport de force que l’UE ne retrouvera pas face aux pays d’Amérique du Nord.

Autre problématique, même dans le cadre des relations commerciales multilatérales, le principe de précaution n’est pas protégé. « Les Etats-Unis et le Canada ont déjà attaqué l’UE devant l’Organisation mondiale du commerce sur l’application du principe de précaution, et l’UE n’a pas gagné » prévient le professeur de Sadeleer.

source : EurActiv

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