APE : Bruxelles fait monter la pression sur les pays d’Afrique de l’Ouest

Jeune Afrique | 27 juillet 2016

APE : Bruxelles fait monter la pression sur les pays d’Afrique de l’Ouest

Par Benjamin Polle

Si l’Accord de partenariat économique (APE) avec les pays de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) n’est pas ratifié avant le 1er octobre 2016, la Côte d’Ivoire et le Ghana perdront les préférences douanières dont ils bénéficient, selon une décision de la Commission européenne, consultée par "Jeune Afrique". Seule alternative : signer à temps les APE ou rétablir, en ordre dispersé, les accords bilatéraux antérieurs.

L’Union européenne semble bien décidée à voir entrer en vigueur les Accords de partenariats économiques (APE) conclus avec les pays africains.

Seule option, selon Bruxelles, pour mettre ses relations commerciales avec plusieurs pays africains en conformité avec les règles commerciales internationales de l’OMC et pour s’éviter d’éventuelles litiges avec des pays tiers — États-Unis et Chine en tête — qui pourraient contester des régimes d’exception qu’ils considèrent injustes.

Signe de cette détermination, la Commission européenne a approuvé la sortie à partir du 1er octobre 2016 du Botswana, du Ghana, de la Côte d’Ivoire, du Kenya, de la Namibie et du Swaziland du système de préférences douanières favorables prévu par le Règlement d’accès au marché (RAM).

Cette décision, en date du 08 juillet et que Jeune Afrique a pu consulter, doit encore être approuvée par les députés européens et le Conseil des ministres européens, dans un délai de deux mois.

Un régime temporaire

Entré en vigueur en 2008, le RAM a instauré un régime qui garantit de façon temporaire l’accès de plusieurs pays africains au marché européen sans droits de douanes ni quotas. Un tel accès est déjà garanti par défaut aux 48 Pays les moins avancés — dont une trentaine sont africains* (0 % sur toutes les lignes de produits à l’exception des armes), dans le cadre de l’initiative Tout sauf les armes, approuvée par l’Union européenne en 2000.

Le RAM a été mis en place dans l’attente du bouclage des longues et laborieuses négociations des APE, entreprises avec les 79 pays de la zone Afrique Caraïbes Pacifique (ACP), comme le prévoyait l’accord conclu à Cotonou au Bénin en 2000.

Si les APE ont été approuvés, ils n’ont pas encore tous été ratifiés par les législations et les exécutifs des pays africains concernés. Et ne peuvent donc pas entrer en vigueur, pour l’instant.

Retour à un système de préférences moins avantageux pour les pays africains

Or le régime du RAM ne peut pas être maintenu indéfiniment, puisqu’il est jugé très faible juridiquement par les juristes bruxellois. D’où le coup de pression supplémentaire décidé par la Commission européenne le 08 juillet dernier.

Les échanges commerciaux entre l’UE et l’Afrique de l’Ouest ont atteint 56,4 milliards d’euros en 2015.

Si à la date limite du 1er octobre, les APE ne sont pas définitivement ratifiés, tous les pays africains qui ne sont pas PMA et ne sont pas couverts par un accord bilatéral spécifique à cette date, tomberont dans une catégorie moins avantageuse, celle du Système généralisé de préférences qui prévoit des réductions de droits de douanes sur environ 66 % des exportations des pays en développement.

Dans le cas du Botswana, de la Namibie et du Swaziland, les services européens disent avoir déjà l’assurance d’une ratification avant l’échéance d’octobre. Mais en Afrique de l’Ouest, si la plupart des pays ont signé l’APE régional, le Nigeria, la Mauritanie et la Gambie ne l’ont pas encore fait.

Malgré les assurances d’Aisha Abubakar, la ministre nigériane de l’Industrie, du Commerce et des Investissements, qui s’est rendue à Bruxelles en mars, les autorités européennes prennent pour acquis que l’APE ouest-africain ne sera pas ratifié au 1er octobre.

Or les enjeux sont importants : les échanges commerciaux entre l’UE et l’Afrique de l’Ouest ont atteint 56,4 milliards d’euros en 2015, dont 29 milliard d’euros d’exportations européennes.

Pour parer aux conséquences de leur sortie du RMA, certains pays de la région, la Côte d’Ivoire et le Ghana notamment, se prépareraient déjà à revenir à des accords bilatéraux antérieurs, conclus avec l’Europe en 2007. Un choix qui est toutefois lourd de conséquences pour la cohésion régionale.

Les accords bilatéraux créent le risque d’un retour des droits de douane entre les pays de l’Uemoa.

Un risque sur l’intégration régionale ouest-africaine

« Ces pays sont libres de revenir aux accords bilatéraux. Mais la conséquence immédiate serait un recul grave de l’intégration régionale », avertit Cheikh Tidiane Dieye, directeur exécutif du Centre africain pour le commerce, l’intégration et le développement, basé à Ouagadougou.

« La Côte d’Ivoire est dans l’Union douanière de l’Uemoa et n’a donc plus droits de douanes avec ses voisins. La Cedeao vient pour sa part de mettre en œuvre un tarif extérieur commun qui la fait évoluer vers une union douanière », rappelle l’analyste, pour qui un retour en ordre dispersé aux accords bilatéraux fait courir le risque d’un rétablissement des droits de douane entre les pays d’Afrique de l’Ouest.

L’Afrique de l’Ouest n’est pas la seule région actuellement sous pression pour la ratification à temps des APE.

La signature de l’APE par les pays d’Afrique de l’Est (dont le Kenya) était prévue le 18 juillet dernier à Nairobi en marge de la 14e session de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Cnuced). Elle a été annulée, la Tanzanie ayant choisi de s’en dissocier dans la foulée du vote pour le Brexit.

Les trois APE régionaux en cours de négociation entre l’UE et la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et la Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADC)

source : Jeune Afrique

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