Sous pression, Trump envisage de rejoindre le traité de libre-échange transpacifique

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Le Monde | 13 avril 2018

Sous pression, Trump envisage de rejoindre le traité de libre-échange transpacifique

Par Arnaud Leparmentier

L’annonce n’est pas officielle, mais c’est tout comme, Donald Trump ayant évoqué le sujet avec des élus à la Maison Blanche. Un an seulement après avoir désengagé les Etats-Unis du traité de libre-échange transpacifique (TPP), le président américain a expliqué avoir demandé à ses collaborateurs, le représentant au commerce Robert Lighthizer et son nouveau conseiller économique Larry Kudlow, d’examiner s’il était possible de rejoindre le TPP. « A nos conditions, bien sûr », aurait précisé M. Trump.

Cet accord, négocié sous Barack Obama, n’avait pas pu être ratifié par le Congrès faute de majorité. La candidate démocrate Hillary Clinton s’était déclarée contre. Donald Trump, qui avait accusé dans sa campagne ce traité d’être « poussé par des intérêts particuliers qui veulent violer notre pays » avait fait de sa suppression un de ses premiers actes politiques, le 23 janvier 2017.

Promesse de campagne qui se heurte aujourd’hui à la stratégie de Donald Trump. Vis-à-vis de la Chine d’abord. Le texte, signé en février 2016, rassemblait douze pays du pourtour pacifique (Etats-Unis, Canada, Mexique, Chili, Pérou, Australie, Nouvelle-Zélande, Japon, Singapour, Brunei, Malaisie, Vietnam). Il incarnait le pivot asiatique de Barack Obama et visait à encercler Pékin. Depuis, M. Trump s’est lancé depuis dans une attaque tous azimuts contre la Chine, accusée de violer la propriété intellectuelle américaine, mais il est seul dans son offensive, même si les griefs contre Pékin sont largement partagés chez les Occidentaux.

Isolement

Face à cet isolement, un retour dans le TPP constitue un retour à la stratégie de l’encerclement de son prédécesseur. Cité par le Washington Post, le sénateur du Nebraska Ben Sasse a résumé la position des républicains partisans du libre-échange : « La meilleure manière de repousser les tricheries de la Chine serait de prendre la direction des onze autres pays du Pacifique qui croient à l’Etat de droit et au libre-échange », a-t-il jugé, estimant que ces pays « préféreraient être alignés sur les Etats-Unis que la Chine ».

Car le TPP contenait de nombreuses clauses favorables aux Etats-Unis et résolvait même une partie des griefs de l’administration Trump contre l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) avec le Canada et le Mexique, actuellement en cours de renégociation. Il introduisait un début d’exigences sociales pour le Mexique, et réduisait les obstacles à l’industrie automobile.

Les Mexicains et les Canadiens se défendent farouchement face à Donald Trump. Le Canada a attaqué les pratiques commerciales américaines devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en janvier et surtout rejoint le TPP, que l’on croyait moribond mais que le Japon a fait renaître à la surprise des plus grands experts. Deux alliés inconditionnels de Washington ont ainsi décidé de faire sans les Etats-Unis, qui ont découvert qu’ils étaient certes puissants, mais pas tout puissants.

Fermiers exaspérés

Cette stratégie commerciale exaspère les fermiers américains du Midwest, qui ont fait l’élection de Donald Trump. Or ceux-ci sont de grands exportateurs, vers le Canada et le Mexique mais aussi la Chine. Ils sont furieux de la politique commerciale de Trump, à six mois des élections de mi-mandat, d’autant que leur revenu est au plus bas depuis dix ans et devrait baisser de 6,8 % en 2018 selon le ministère de l’agriculture. D’une manière générale, l’offensive sabre au clair de Donald Trump, menée à la fois contre la Chine et tous ses alliés, suscite un tollé dans les milieux d’affaires et une grande partie des élus.

Mais un retour dans le TPP provoquerait un tollé pour les cols-bleus, comme le montre la déclaration du patron du syndicat AFL-CIO Richard Trumka sur Twitter immédiatement après l’annonce de jeudi : « Le TPP a été tué parce qu’il trahissait les travailleurs américains et il devrait rester mort. Il n’y a pas de manière de le faire revivre sans trahir complètement les travailleurs. » Et les ouvriers de la « Rust Belt », les Etats désindustrialisés de la ceinture de la rouille, ont eux aussi plébiscité Donald Trump en 2016.

Faut-il voir dans la réunion de jeudi à la Maison Blanche un changement d’axe politique majeur ? Nul ne le sait. Donald Trump avait déjà lancé quelques perches sur le TPP par le passé : « Nous pourrions envisager de négocier [avec les pays du TPP] soit individuellement ou peut-être en groupe si c’est l’intérêt de tous », avait-il dit au Forum économique de Davos en janvier. A côté du premier ministre australien Malcolm Turnbull, en février, il avait estimé qu’« il y a une possibilité que nous y allions », si les Etats-Unis se voyaient offrir de meilleures conditions. La moitié des sénateurs républicains lui avaient envoyé une lettre cet hiver lui demandant de rejoindre le TPP.

Contraint d’adoucir le ton

En réalité, entre les négociations multilatérales dans le cadre de l’OMC et des négociations bilatérales, M. Trump préférerait la seconde option. Mais il n’a pas la puissance qui lui permettrait de s’imposer seul face à la Chine. Il cherche à former une coalition de volontaires, comme celles constituées par George W. Bush pour la guerre en Afghanistan puis en Irak. Le problème, c’est que M. Trump n’a cessé de maltraiter ses alliés potentiels. Il est donc contraint d’adoucir un peu le ton.

Les négociations d’accords régionaux sont des plus compliquées. La rumeur avait couru qu’une annonce de préaccord serait faite sur l’Alena lors de la visite de M. Trump au Pérou la semaine prochaine. Mais il n’y aura pas de voyage, guerre en Syrie oblige, et visiblement pas d’accord immédiat. Si la renégociation de l’Alena était enfin scellée, elle servirait de référence aux souhaits des Etats-Unis dans un TPP renouvelé, croit savoir le Wall Street Journal. Les progrès enregistrés avec le Canada et le Mexique pourraient ouvrir la voie à un accord plus large.

Le sénateur Républicain de l’Arizona, Jeff Flake, très critique de Donald Trump, a trouvé le mot de la fin (provisoire) : « Si cela tient jusqu’à cet après-midi, c’est un bon changement. »

source : Le Monde

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