Guerre commerciale: États-Unis et Europe en désaccord sur l’agriculture

Le Figaro | 30/07/2018

Guerre commerciale: États-Unis et Europe en désaccord sur l’agriculture

Par Hayat Gazzane

Bruxelles assure que l’accord scellé la semaine dernière pour éviter une guerre commerciale ne prévoit pas d’ouvrir plus largement l’accès au marché agricole européen. Mais l’administration Trump prétend le contraire. La France demande des clarifications.

Les produits agricoles «made in USA» vont-ils pouvoir franchir les frontières européennes plus facilement dans les mois qui viennent? La réponse est oui pour les Américains…et non pour les Européens. Alors que les deux camps ont accepté de négocier pour éviter une surenchère dans la guerre commerciale, en évoquant notamment une réduction des barrières douanières et une hausse des échanges dans certains secteurs, la lecture des termes de cet accord semble différer de part et d’autre de l’Atlantique. Hier, dans un entretien à la chaîne Fox News, le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, a entretenu la confusion en assurant que les questions agricoles entraient bien dans le cadre de l’accord signé entre Donald Trump et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Ce dernier affirme pourtant le contraire.

«J’étais dans la pièce et nous avons eu des conversations spécifiques sur l’agriculture et sur la nécessité d’abattre les barrières sur l’agriculture et de donner davantage d’opportunités à nos agriculteurs», a affirmé Steven Mnuchin. «Nous avons plus précisément parlé de soja, mais nous sommes tombés d’accord pour examiner les autres marchés (…) Ce sera une part importante de tout accord auquel nous parviendrons», a-t-il ajouté. La semaine dernière, Donald Trump avait expliqué que l’Europe acceptait d’importer de façon imminente de grandes quantités de soja. Dans la foulée, il était parti à la rencontre de fermiers -l’une des bases de son électorat- pour leur dire: «Nous venons d’ouvrir l’Europe pour vous, agriculteurs».

European Union representatives told me that they would start buying soybeans from our great farmers immediately. Also, they will be buying vast amounts of LNG!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 26 juillet 2018

Mais Jean-Claude Juncker n’est pas du même avis. «L’agriculture est en dehors (du deal), sinon le deal aurait presque échoué», a-t-il assuré vendredi dernier, lors d’une interview à la chaîne allemande ARD. «Si vous lisez la déclaration commune (...) vous verrez qu’il n’y a pas de mention de l’agriculture en tant que telle, vous verrez qu’il y a une mention de fermiers et une mention de soja, qui font partie des discussions et nous allons suivre cela», avait également indiqué une porte-parole de la Commission européenne, Mina Andreeva, lors d’un point presse à Bruxelles. «Jean-Claude Juncker a été très clair (...) nous ne négocions pas sur les produits agricoles, c’est hors du champ de discussion», avait-elle poursuivi.

Difficile, donc, d’y voir clair. Le sujet est pourtant électrique, comme en témoigne la tension qui a entouré les négociations sur le volet agricole du Tafta ou TTIP. Cet accord de libre-échange entre l’UE et les États-Unis, aujourd’hui enterré, risquait selon ses opposants de mettre à mal les barrières sanitaires existantes en Europe (OGM, traçabilité, hygiène…). L’arrivée prochaine de soja américain suscite déjà des crispations car 94% du soja planté aux États-Unis est génétiquement modifié pour résister aux désherbants. Sur ce point, Jean-Claude Juncker s’est voulu rassurant, affirmant que l’importation de soja transgénique ne faisait «pas partie de l’accord».

La France a déjà mis en garde la Commission européenne sur la possibilité de rouvrir des négociations plus vastes dans le domaine agricole. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a ainsi exigé que l’agriculture «reste en dehors du champ des discussions» car «nous avons des normes sanitaires, alimentaires et environnementales élevées et des règles de production auxquelles nous sommes attachés parce qu’elles garantissent la protection et la sécurité de nos consommateurs». Des propos appuyés par Emmanuel Macron qui, lors de son déplacement en Espagne, a demandé des clarifications. «Je ne suis pas favorable à ce que nous nous lancions dans la négociation d’un vaste accord commercial, à la manière du TTIP, parce que le contexte ne le permet pas», a-t-il prévenu. «Je considère qu’aucun standard européen ne doit être supprimé ou abaissé en matière environnementale, sanitaire ou alimentaire par exemple», a-t-il ajouté, rappelant à l’intention de Donald Trump qu’«une bonne discussion commerciale (...) ne peut se faire que sur des bases équilibrées, réciproques et en aucun cas sous la menace».

source : Le Figaro

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