Commerce : tensions ravivées entre Bruxelles et Washington avant la reprise des pourparlers

Le Monde | 6 mars 2019

Commerce : tensions ravivées entre Bruxelles et Washington avant la reprise des pourparlers

Par Sophie Petitjean

La Commission européenne a de plus en plus de mal à conserver son optimisme vis-à-vis des Etats-Unis. Donald Trump a laissé entendre qu’il pourrait imposer de nouveaux tarifs douaniers sur les importations de voitures européennes. Et ce, contrairement aux engagements pris à l’été 2018 et alors que de nouvelles négociations commerciales doivent commencer prochainement. La réunion entre les deux équipes diplomatiques, prévue du 6 au 8 mars à Washington, devrait se dérouler sous haute tension. « Il faut être conscient qu’on est un peu sur un volcan qui risque d’exploser à tout moment », explique Pierre Vimont, chercheur à Carnegie Europe.

La pression était pourtant retombée, après la visite du président de la Commission, Jean-Claude Juncker, à Washington, durant l’été 2018. Cette rencontre avait abouti à une déclaration conjointe pour un « agenda positif ». Le document, qui faisait référence aux « liens d’amitié étroits » entre les deux parties, visait à mettre sur pause l’escalade commerciale provoquée par l’introduction de nouveaux droits de douane par les Etats Unis sur l’acier et l’aluminium et les mesures de rétorsion adoptées, dans la foulée, par l’Union européenne (UE).

Depuis, chacun a travaillé sur un accord. Côté européen, la Commission a publié, mi-janvier, un projet de mandat de négociation visant à faciliter les examens de conformité des produits et un autre destiné à réduire, puis supprimer, les droits de douane sur les produits industriels, y compris l’automobile. Les produits de la pêche seraient partiellement inclus, tandis que l’agriculture serait, elle, exclue du champ des discussions. L’idée est d’éviter les écueils rencontrés lors du traité de libre-échange transatlantique (TTIP) que Bruxelles et l’administration de Barack Obama avaient commencé à discuter entre 2013 et 2017, et qui avait suscité de très fortes mobilisations citoyennes.

Les Etats-Unis en position de force

Mais les négociations s’annoncent difficiles, dans la mesure où les Etats-Unis ont choisi d’y inclure l’agriculture. D’autant que Donald Trump est plutôt en position de force : il a, le 17 février, reçu un rapport de son département du commerce, qui semble conclure que les importations de voitures aux Etats-Unis représentent une menace pour la sécurité nationale américaine. Selon les rumeurs, le document, toujours confidentiel, recommande de rehausser les taxes à l’importation, actuellement fixées à 2,5 %, pour soit les porter à 25 %, soit à 10 %, soit, encore, prévoir des taxes spécifiques sur certains véhicules ou certaines pièces automobiles. Les constructeurs japonais et européens, en particulier allemands, seraient en première ligne. Le président américain devrait prendre sa décision d’ici au 17 mai, sachant que les Européens ont déjà annoncé qu’ils riposteraient en taxant à leur tour une liste de produits américains à hauteur de 20 milliards d’euros.

Pour Eric Maurice, responsable du bureau de Bruxelles au think tank Fondation Robert-Schuman, il ne fait aucun doute que les Etats-Unis, qui se disent aussi proches d’un accord avec la Chine, ont l’avantage : « Ce rapport donne à Donald Trump un moyen de pression supplémentaire pour obtenir des concessions européennes, y compris sur l’agriculture. »

La Commission tente de rester positive. « Le fait que les gens se rencontrent parle de lui-même et montre que l’accord de juillet 2018 tient toujours. Et, maintenant, il s’agit de le mettre en place », a déclaré le porte-parole de la commissaire au commerce, Cécilia Malmström, à la veille des premières rencontres. Plusieurs sessions sont prévues. L’idée sera de mettre l’accent sur ce qui fonctionne, même si les négociateurs ne pourront faire l’économie d’une discussion sur les sujets qui fâchent. On ne parle de rien avec un fusil sur la tempe, ont plusieurs fois répété les dirigeants européens. « Jusqu’à présent, aucune des parties n’a tiré la première : cela pourrait démarrer du côté américain », conclut Pierre Vimont.

source : Le Monde

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