"Le boeuf américain va faire chuter les revenus de nos producteurs et détruira des emplois"

Marianne | 6 août 2019

"Le boeuf américain va faire chuter les revenus de nos producteurs et détruira des emplois"

Propos recueillis par Franck Dedieu

Denis Perreau est secrétaire national au pôle élevage de la Confédération paysanne, il décrit les dégâts que vont causer tout à la fois le nouvel accord sur l’importation de boeuf américain, le CETA et le Mercosur sur le marché du bœuf français.

L’Union Européenne vient d’autoriser les Etats-Unis à augmenter les importations de bœuf. Un nouveau coup dur pour la filière bovine française, après l’accord dit CETA de libre-échange avec le Canada, un autre concurrent nord-américain de poids.

Marianne : Quelles conséquences concrètes redoutez-vous de l’augmentation des quotas au bénéfice du bœuf américain ?

Denis Perreau : L’accord porte sur de la viande bovine dite de « haute qualité », donc garantie sans hormones. Reste que tout de même, le modèle productiviste américain du « Feed-lot » (élevage intensif) ne correspond pas du tout au schéma français fait de bétail plus modeste et proche de la nature. Cette arrivée de viande va donc tirer les prix vers le bas. Or, la France se trouve en situation quasi excédentaire en viande bovine.

Les « pro-libre échange » veulent nous rassurer en disant que cette ouverture des quotas américains pénalisera surtout les exportations de viande brésilienne. Mais là encore, avec l’accord de libre-échange sud-américain dit « Mercosur », un surplus de viande s’apprête à débarquer. On nous porte un triple coup en quelques semaines : hier le vote du CETA, aujourd’hui l’ouverture au bœuf américain, demain le Mercosur.

Selon une étude de l’institut de l’élevage, la mise en œuvre combinée de ces accords fera baisser de 10% le prix payé au producteur en France et entraînera la disparition de 50 000 emplois dans la filière. L’opinion publique semble s’en émouvoir, pas les politiques à Paris comme à Bruxelles.

Justement, pour vous faire entendre, quels moyens d’action envisagez-vous ?

On ne va pas dégrader les permanences parlementaires des députés favorables au CETA ou plus généralement au libre-échange agricole. Nous appelons en revanche tous nos adhérents à rencontrer et à convaincre les députés de la majorité qui se sont abstenus. Si les sénateurs de droite et de gauche votent contre, le texte pourrait revenir à l’Assemblée. De toute façon, sur le sujet du libre-échange, il y a désormais une certaine unité syndicale.

Tous les éleveurs ont l’impression d’être pris au piège de la concurrence exacerbée : nous avons réalisé des investissements très importants chiffrés en centaines de milliers d’euros par exploitation pour améliorer la qualité à travers notamment l’augmentation des surfaces minimales par animal ou la couverture des fumiers pour éviter la pollution. Et à l’arrivée : pas d’augmentation des prix de vente, ni des volumes pour compenser les dépenses engagées mais au contraire un marché ouvert à tous les vents de la concurrence mondiale.

Marianne : La sécheresse n’arrange pas la situation…

Les pâturages ressemblent à des paillassons. Les exploitants trouvent des solutions herbagères au prix d’heures de marche et de présences supplémentaires. Au stress commercial, s’ajoutent un souci climatique et désormais des tensions sociétales avec la montée des courants antispécistes ou véganes qui donnent aux éleveurs l’impression d’être en rupture avec l’air du temps. Un vrai sentiment d’abandon.

source : Marianne

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