Des accords commerciaux qui crispent

France Agricole | 31 décembre 2019

Des accords commerciaux qui crispent

par Bertille Quantinet

Les traités de libre-échange avec le Canada et les pays du Mercosur ont miné le moral de la profession, inquiète de subir une concurrence déloyale.

De la colère et le sentiment d’être face à des discours contradictoires. Si la loi agriculture et alimentation, promulguée le 1er novembre 2018, ambitionne une montée en gamme de l’agriculture française, la profession est déconcertée par la volonté politique de conclure des accords de libre-échange avec des pays aux standards de production différents.

Divisions et pression

Malgré une forte division au sein des parlementaires et la pression de nombreuses organisations agricoles et non agricoles, l’accord avec le Canada (Ceta), entré en vigueur provisoirement le 21 septembre 2017, a été ratifié par l’Assemblée nationale le 23 juillet 2019. À la clé, la possibilité pour le Canada d’exporter 65 000 tec [1] de viande bovine, sans droits de douane. Les importations restent timides, mais Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine, assure que les Canadiens « adaptent leurs modes de production et se structurent pour répondre aux exigences européennes ».


Potentiel considérable

Autre dossier brûlant auquel la filière a dû faire face en 2019 : l’accord politique du 28 juin dernier sur un vaste traité de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay). Le texte prévoit la mise en place sur six ans d’un contingent de 99 000 tec de bœuf.

Le secteur de la volaille paie également un lourd tribut, avec 180 000 tec à droits de douane nuls accordés aux pays d’Amérique latine. Le Brésil, au potentiel de production considérable, devrait surtout exporter des pièces à haute valeur ajoutée.

Les filières sucre et éthanol risquent aussi de pâtir de ce traité, dont les contingents accordés représentent l’équivalent de 1,5 million de tonnes de sucre.

Farines animales, activateurs de croissance, OGM, pesticides interdits dans l’Union européenne… La profession pointe du doigt la concurrence déloyale à laquelle elle pourrait faire face et l’impossibilité de certifier des contrôles sanitaires efficaces. Comment s’assurer que des produits ne respectant pas les normes communautaires n’entreront pas sur le territoire ?

Ces accords commerciaux, dont l’agriculture sert souvent de variable d’ajustement, ont donné lieu à des manifestations en France, mais également chez nos voisins. Le gouvernement français a assuré que l’accord avec le Mercosur ne serait pas ratifié.

Si la Commission européenne résiste aux appels insistants de Donald Trump de renégocier des avantages tarifaires sur les échanges de produits agricoles avec les États-Unis, elle poursuit des négociations avec les pays du Pacifique.

Vers un accord avec l’Océanie en 2020 ?

La Commission européenne a ouvert des pourparlers en juin 2018 avec l’Océanie, en vue de conclure un accord de libre-échange qui supprimerait des droits de douane sur de nombreux produits. La filière européenne de bœuf pourrait être chahutée par l’Australie, notamment sur les pièces nobles. Les productions ovine et laitière néo-zélandaises pourraient procéder à des envois « opportunistes » de leurs marchandises pour écouler les surplus de stock. Autant de risques qui ne seraient pas compensés du côté européen, en raison d’une faible demande intérieure océanienne. Le sixième cycle des négociations doit avoir lieu en février 2020, en Australie.

Voir aussi:

Footnotes

[1Tonne-équivalent carcasse.

source : France Agricole

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