Paris et Bruxelles au secours de l’accord d’investissement entre l’Union et la Chine

Les Echos | 19 janvier 2021

Paris et Bruxelles au secours de l’accord d’investissement entre l’Union et la Chine

Par Richard Hiault

Ce n’est qu’une étape, une pierre apportée à l’édifice des relations économique entre l’Union européenne et la Chine. L’accord politique intervenu, le 30 décembre , au sujet des investissements entre les deux blocs est loin de tout régler. A la différence des accords conclus avec le Canada , le Japon et la Corée du Sud , ce n’est pas un accord commercial. « Les Etats membres n’étaient pas prêts politiquement à s’engager sur cette voie », indique-t-on à Bruxelles.

Le texte, qui devrait être rendu public dans les tout prochains jours, comprend, au final, trois volets sur les quatre envisagés. Les discussions relatives à la protection des investissements et à la mise en place d’un organe de règlement des différends entre un Etat et un investisseur vont encore s’étaler pendant deux ans.

Pour l’heure, les litiges seront régis par les traités bilatéraux en vigueur entre la Chine et les Etats membres quitte à recourir, si besoin, à un tribunal d’arbitrage de la Banque mondiale ou des Nations unies.

Les services en premier lieu

L’accord s’attache d’abord à ouvrir aux entreprises européennes l’accès aux marchés de services. « Nous comblons de ce fait une asymétrie puisque les accords du GATT, signés par les deux parties, ne couvrent que le domaine des marchés manufacturiers », explique-t-on à Bruxelles. Services de « cloud » dans le domaine numérique, de santé privée, en particulier les cliniques, services auxiliaires de transport aérien, de réservation de billets par Internet… la Chine s’ouvre un peu plus aux intérêts européens et s’engage à lever les pratiques discriminatoires imposant, par exemple, la constitution de joint-ventures, la nomination de dirigeants chinois ou encore le transfert forcé de technologie . Cet engagement n’est pas seulement valable pour les entreprises européennes mais également pour les autres au titre de la clause de la nation la plus favorisée de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Transparence sur les subventions

Le texte comprend, dans un deuxième temps, tout un corpus de règles concernant l’aspect concurrentiel des marchés. « Nous aurons une transparence totale en matière de subventions publiques accordées aux entreprises de services. Là encore, nous comblons une autre asymétrie par rapport à l’accord du GATT », assure l’Elysée qui défend le texte. « Un mécanisme supplémentaire a été créé à cet effet. » Non seulement l’accord couvre les subventions nationales mais également régionales et provinciales, assure-t-on à Bruxelles. Mieux, si les Etats-Unis font part d’un soupçon sur une entreprise spécifique, l’Union européenne pourra demander des informations.

Ces entreprises qui attaquent les Etats

Troisième volet : le développement durable. Que ce soit sur le climat, la biodiversité, l’environnement ou les droits de l’homme. Cet accord ne réglera pas la question du travail forcé des Ouïghours dans la région du Xinjiang , reconnaît l’Elysée. La Chine s’est seulement engagée à ratifier quatre autres conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT), en particulier sur le travail forcé et la liberté d’association. Ces engagements seront « vérifiés très scrupuleusement », assure l’Elysée. Pour « éradiquer le travail forcé », il faut « que tous les Etats », pas seulement les Vingt-Sept, et « toutes les entreprises avancent ensemble » dans un « cadre multilatéral » de renforcement des normes internationales, affirme l’Elysée. Reste que l’accord du 30 décembre « est une brique importante » qui « engage » Pékin.

Prudence sur l’énergie

Face aux demandes pressantes de la Chine sur l’énergie, l’Union européenne revendique une approche prudente sur la base de la réciprocité. « En matière d’énergie renouvelable, si les entreprises européennes disposent d’une part de marché de 1,8 % en Chine, les entreprises chinoises pourront détenir la même part de marché en Europe. Un seuil maximum de 5 % a toutefois été instauré », explique un proche du dossier à la Commission européenne tout en insistant sur le fait que, pour la première fois, la Chine a accepté tout un volet développement durable dans un accord qu’elle signe.

Le texte est cependant loin d’entrer en vigueur. Après un toilettage juridique et sa traduction dans les différentes langues européennes, il va devoir passer sous les fourches caudines du Parlement européen pour ratification et être endossé formellement par le Conseil des ministres européen. Au mieux, ce ne sera pas avant fin 2021 ou début 2022. Au moment où la France assurera la présidence tournante de l’Union, au premier semestre 2022, un point d’étape est prévu pour s’assurer que Pékin s’est engagé sur la bonne voie.

source : Les Echos

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