AELE -Mercosur : un nouveau coup bas porté au climat, aux droits des peuples et à la souveraineté alimentaire

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photo: jai Mansson’s photography / CC BY-SA 2.0

GRAIN | 5 mai 2021

AELE -Mercosur : un nouveau coup bas porté au climat, aux droits des peuples et à la souveraineté alimentaire

  • Les émissions provenant de l’augmentation des échanges bilatéraux de 10 produits agricoles clés devraient augmenter de 15 %, si l’accord de libre-échange entre l’Association européenne de libre-échange (AELE) et le Mercosur est mis en œuvre.
  • Les exportations de viande de bœuf, de maïs et soja du Mercosur constitueront la principale source des nouvelles émissions (47 %), suivie par les exportations de fromage depuis l’AELE (15 %).
  • L’empreinte climatique du Mercosur issue de ces nouvelles exportations pourrait augmenter de 13 % et celle de l’AELE de près de 1 400 %.

Un tout premier accord commercial bilatéral entre l’Association européenne de libre-échange (Suisse, Lichtenstein, Norvège et Islande) et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) a été signé en août 2019. Bien que l’accord n’ait pas encore été publié ni ratifié, suffisamment d’informations ont déjà été publiées par divers gouvernements pour évaluer certains de ses impacts potentiels.1

L’accord de l’AELE avec le Mercosur a été négocié pour répondre à l’accord commercial Union européenne-Mercosur. L’une des principales controverses autour de l’accord de l’UE portait, et porte toujours, sur ses impacts sur le changement climatique. Des études indiquent qu’il entraînera davantage d’émissions de gaz à effet de serre, en particulier par le biais d’une augmentation des exportations de viande, de soja, de maïs et d’éthanol depuis le Brésil et l’Argentine en raison de nouveaux quotas, provenant en grande partie de grandes exploitations industrielles souvent associées à la déforestation et à l’accaparement des terres.2

L’accord de l’AELE avec le Mercosur, ainsi qu’un accord similaire avec l’Indonésie qui vient juste d’être approuvé par un récent référendum en Suisse, est présenté par les Européens comme un pacte commercial d’une « ère nouvelle », orienté par les préoccupations relatives au changement climatique, aux droits de l’homme et aux questions environnementales. Mais il n’est pas très différent de l’accord de l’UE en ce qui concerne les émissions provenant de l’alimentation et de l’agriculture.

Certes, l’accord AELE-Mercosur représente une entente commerciale beaucoup plus limitée. Mais s’il est mis en œuvre et que les quotas sont remplis, nous calculons qu’il augmentera les émissions de gaz à effet de serre provenant du commerce agricole d’au moins 75 500 tonnes par an, en considérant les dix produits qui ont l’impact le plus important sur le climat. Plus de 70 % de ces nouvelles émissions proviendront des exportations du Mercosur à destination de l’AELE. Mais 15 % proviendront des seules exportations de fromages de l’AELE.

Ce rapport présente ces impacts climatiques et sera suivi de plusieurs considérations plus générales.

L’impact climatique de l’accord AELE-Mercosur lié à l’alimentation et à l’agriculture

L’accord commercial AELE-Mercosur a été élaboré parallèlement à l’accord avec l’UE, mais il est rarement évoqué. Pour le bloc de l’AELE, qui compte seulement 13,6 millions d’habitants, il s’agit de l’un des plus grands accords de libre-échange jamais conclus. Ces pays espèrent profiter principalement de la libéralisation des services, notamment le transport maritime. Pour le bloc du Mercosur, avec ses 284 millions d’habitants, c’est un accord de moindre portée. Ses membres escomptent que l’accord conduira à une augmentation des investissements des entreprises de l’AELE ainsi qu’à l’ouverture des marchés agricoles bien protégés de l’Association. L’agriculture représente actuellement 12 % des exportations du Mercosur vers les États de l’AELE.3

En termes de commerce agricole, l’accord devrait maintenir ou développer les exportations de bœuf, de volaille et d’aliments pour animaux (soja, maïs, blé et riz) du Mercosur. Mais les quantités échangées sont très faibles et il est donc possible que le principal impact concerne la volaille (exportée vers la Suisse) et le bœuf, le porc et l’agneau (exportés vers la Norvège) pour lesquels de nouveaux quotas ont été proposés. Pour l’AELE, l’accord devrait stimuler leurs propres exportations de fromage (de Norvège et de Suisse) et de poisson (de Norvège et d’Islande), seul le fromage faisant l’objet d’un quota contraignant.

L’accord AELE-Mercosur prévoit des quotas pour toute une série de produits agricoles, dont 10 génèrent d’importantes émissions de gaz à effet de serre. Il n’y a pas de quotas pour le commerce du poisson et des engrais, qui ont également une empreinte climatique importante, de sorte que toute augmentation du commerce causée par l’accord pour ces produits n’entre pas dans nos calculs. Le tableau 1 présente un résumé des résultats. La méthodologie est expliquée à l’annexe 1 tandis que les calculs complets sont disponibles à l’Annexe 2. Les chiffres des émissions sont annuels, tout comme les quotas correspondants.

Nos calculs montrent qu’après les exportations de viande de bœuf et de maïs d’Amérique latine, les exportations de fromage de Suisse et de Norvège arrivent au second rang pour l’augmentation des émissions climatiques du secteur agricole. Si l’on prend en compte tous les quotas agricoles et que l’on suppose qu’ils seront remplis, les émissions du Mercosur augmenteront de 13 % et celles des États de l’AELE de 1400 %.4 Bien que le tonnage ne soit pas considérable, ce sont des résultats prévisibles malgré les engagements pris par les huit gouvernements dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat. Il est clair que l’on ne peut pas augmenter le commerce et réduire les émissions en même temps. La compensation ne compte pas, comme cela est de plus en plus couramment admis.5

Pour la pêche, il n’y a pas de quotas que nous puissions mesurer, mais les réductions des droits de douane auront un impact important. Actuellement, les producteurs de fruits de mer de l’AELE ont une faible part de marché dans le Mercosur : 1 % en Argentine et en Uruguay, et 10 % au Brésil.6 La Norvège, quatrième producteur mondial de fruits de mer, exporter du saumon en franchise de droits grâce à l’accord, ce qui pourrait peut-être perturber le marché brésilien. Un total de 60 % du poisson que les Brésiliens consomment est importé. Le saumon représente 24 % de ces importations, le Chili étant le principal fournisseur.7 Le saumon norvégien est soumis à des taxes de 10 % qui disparaîtront si l’accord entre en vigueur, ce qui pourrait évincer les concurrents chiliens. Ce serait un succès majeur pour l’industrie norvégienne, en particulier pour Mowi, le premier producteur mondial de saumon, qui détient 20 % du marché mondial.8

Mowi est également le premier responsable des pertes de poisson et des autres impacts associés à la salmoniculture.9 Les émissions de gaz à effet de serre font partie de ces impacts. Selon une analyse, l’empreinte climatique des pêcheries et de l’aquaculture norvégiennes est estimée à 9,3 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an.10 Les trois quarts de cette ces émissions proviennent de la production de l’alimentation destinée à l’aquaculture (farine et huile de poisson), elle-même souvent liée à la surpêche de groupes comme Mowi dans les eaux des pays du Sud.Mowi s’est engagé à réduire ses émissions de 10 %, principalement grâce à des substituts alimentaires. Cela est clairement insuffisant, compte tenu notamment de la croissance actuelle du marché dans le secteur du saumon et du type d’accélération attendue des nouveaux accords commerciaux de l’AELE.

L’accord avec le Mercosur est présenté comme le premier accord commercial de l’AELE comportant une disposition spécifique sur « le commerce et les systèmes agricoles et alimentaires durables » dans lequel « les Parties conviennent de promouvoir l’agriculture durable et le commerce associé et de mener un dialogue pour aborder les questions connexes ». Il aurait également une disposition sur le commerce et le changement climatique engageant les parties à « mettre en œuvre efficacement la CCNUCC et l’Accord de Paris ».11 Mais rien ne prouve que l’accord dispose d’outils permettant d’appliquer l’une ou l’autre de ces dispositions.

Préoccupations plus générales

L’accord commercial AELE-Mercosur comporte quantité d’autres risques liés à des problèmes critiques de nos systèmes alimentaires.

Souveraineté alimentaire ?

Le gouvernement norvégien fait valoir qu’il a déployé des efforts considérables pour protéger ses agriculteurs et son modèle agricole dans le cadre de l’accord du Mercosur. Il prétend y être parvenu principalement en prévoyant des exclusions pour des produits spécifiques que le pays produit lui-même, comme le bœuf nourri à l’herbe, afin d’empêcher toute importation concurrentielle de produits similaires en provenance du Mercosur. Il en va de même pour les fruits, dont l’importation ne sera autorisée que pendant certaines périodes de l’année lorsque la production nationale n’est pas disponible. Néanmoins, le syndicat norvégien des coopératives agricoles s’attend à une concurrence des importations agricoles du Mercosur si l’accord commercial entre en vigueur.12

Dans le cas de la Suisse, la Constitution exige que les relations commerciales du pays contribuent au « développement durable de l’agriculture en Suisse et à l’étranger ».13 Cependant, développement durable et agriculture durable ne sont pas synonymes. La fédération suisse des producteurs de lait note que cet accord commercial ouvre la Suisse aux importations de beurre du Mercosur, avec un quota de 100 tonnes par an. C’est une première pour la Suisse, et les agriculteurs disent que cela se traduira par des pertes sur le marché intérieur.14 Il est difficile de comprendre pourquoi la Suisse s’est engagée à importer non seulement du beurre, mais aussi du lait en poudre, des pommes de terre, des oignons et du miel d’outre-Atlantique alors qu’elle produit tout cela en abondance, et comment cela pourrait contribuer à la souveraineté alimentaire.

Indications géographiques

Même si l’Union européenne défend l’utilisation d’accords commerciaux pour étendre l’utilisation des indications géographiques (un monopole légal sur un nom) pour les denrées alimentaires, le lobby laitier de l’UE tente d’empêcher à la fois l’AELE et le Mercosur d’autoriser une indication géographique sur l’emmental dans leur accord commercial. Ils soutiennent que ce terme est générique. En réalité, ils ont peur de perdre leur marché, car de nombreuses entreprises européennes fabriquent ce que les Suisses appellent de « l’emmental bon marché et produit en série ».15 Les mêmes arguments sont avancés dans les négociations commerciales de l’UE avec d’autres pays, où les noms européens sur les produits alimentaires sont utilisés depuis longtemps, notamment en raison du colonialisme, de l’occupation, de l’immigration et de la mondialisation.16 Les agriculteurs suisses, menés par l’Union suisse des paysans, savent bien que des descendants d’émigrants suisses au Mercosur s’y sont installés et produisent des fromages portant des noms comme « gruyère » et « moléson ». Ils sont désormais favorables à ce que les entreprises suisses obtiennent le droit exclusif de vendre ces fromages là-bas si l’accord commercial entre en vigueur.17

Corruption dans les secteurs du poisson et des engrais

Les sociétés norvégiennes et islandaises de produits de la mer font partie d’une industrie mondiale plutôt concentrée, qui a souffert de la pandémie de coronavirus et est à l’affût de nouvelles opportunités de marché. Certaines de leurs entreprises de premier plan, comme l’islandaise Samherji, ont déjà fait l’objet d’enquêtes pénales pour corruption et entente illicite sur les prix en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord.18 Différents problèmes environnementaux sont associés à leurs pratiques, notamment la surpêche, la pollution et le changement climatique.19 Bien que nous n’ayons pas pu consulter le texte de l’accord commercial, il est très peu probable qu’il garantisse la prise en compte de l’un quelconque de ces risques.

En ce qui concerne les engrais, une source importante d’émissions de gaz à effet de serre, le Mercosur est un marché important pour la Norvège, le pays de Yara, l’une des principales entreprises d’engrais au monde.20 Le Brésil est actuellement le troisième importateur d’engrais norvégiens, tandis que l’Argentine arrive à la dixième place.21 Avec le Paraguay, ces trois pays du Mercosur représentaient 10 % en valeur des exportations norvégiennes d’engrais en 2019. Ces exportations alimentent principalement des exploitations agro-industrielles de très grande taille dans les pays du Mercosur, un secteur gravement impliqué dans l’accaparement des terres, les violations des droits de l’homme et la déforestation, sans parler des impacts climatiques. Ce qui est inquiétant, c’est que la Norvège ne représente actuellement que 2 % des importations d’engrais du Mercosur.22 Il est donc très possible que cet accord commercial augmente les importations du Mercosur en provenance de Norvège en raison de la baisse des tarifs douaniers.23 Et Yara a une présence significative au Brésil pour tirer profit de cette situation.24 Il est important de noter que Yara, bien que détenue pour un tiers par le gouvernement norvégien, a fréquemment utilisé la corruption pour gagner des parts de marché. Dans les années 2010, son ancien PDG et trois autres hauts dirigeants ont fait l’objet d’une enquête pour corruption pour avoir soudoyé des responsables gouvernementaux indiens et libyens, et l’un des cadres de Yara a été condamné pour ce cette infraction criminelle. La société a également admis avoir versé des pots-de-vin en Russie.25

Droits des peuples autochtones

La coalition de la société civile suisse Alliance Sud a élaboré une méthodologie pour mener une étude d’impact sur les droits humains de l’accord AELE-Mercosur, en particulier en ce qui concerne les peuples autochtones.26 Alliance Sud affirme que de telles évaluations devraient être effectuées à la fois avant et après la mise en œuvre de l’accord, et qu’elles devraient être fondées sur des consultations directes avec les communautés affectées. Dans le cas du Mercosur, on craint que, l’agriculture étant un secteur d’exportation clé, la libéralisation du commerce n’entraîne un renforcement de la déforestation et de l’expropriation de communautés autochtones pour développer des mégafermes industrielles. Mais jusqu’à présent, le gouvernement suisse n’a pas tenu compte de cet avis.27

Protection des investisseurs

Il semblerait que l’accord ne contienne aucun mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, mais il fixe des règles sur la « facilitation des investissements », incluant un dialogue institutionnel entre les États et le secteur privé des deux parties. C’est la première fois que les membres du Mercosur acceptent de telles règles dans un accord commercial avec des partenaires extérieurs à la région. Ils comptent sur le fait que cela encouragerait les investissements directs étrangers des entreprises de l’AELE, mais, historiquement, il n’y a pas de relation de cause à effet de ce type.28

Conclusion

Les États de l’AELE s’apprêtent à conclure une série de nouveaux accords commerciaux qui présentent des enjeux importants. Pour les grandes entreprises, ces accords peuvent être considérés comme d’importants leviers de croissance dans une situation de crise mondiale de santé publique sans précédent. Pour le reste d’entre nous, les impacts probables en termes de climat, de droits humains et de souveraineté alimentaire sont plus que jamais clairs et visibles. De nombreux mouvements sociaux estiment qu’il ne suffit pas d’intégrer quelques paragraphes d’allégeance à l’accord de Paris sur le climat ou des concepts de durabilité inapplicables pour faire accepter cet accord. Les besoins réels d’assurer la souveraineté alimentaire, le respect des droits humains et des peuples autochtones et la réduction drastique de nos émissions exigent une approche différente. L’accroissement du commerce mondial – aussi vert soit-il – n’est tout simplement pas compatible avec ces impératifs.

De manière aussi importante, l’ère de l’imposition unilatérale des critères de durabilité aux pays du Sud, que l’AELE tente de pratiquer, est révolue. La corruption économique sous forme d’évasion fiscale, de fraude, de blanchiment d’argent et de pots-de-vin est un problème tout aussi critique, en particulier au sein des grandes entreprises qui cherchent à bénéficier de ces accords. Et pourtant, rien n’est fait pour y remédier.

Les impacts climatiques de l’accord commercial AELE-Mercosur, s’il se concrétise, seront importants, même si on se base seulement sur quelques produits agricoles produits industriellement. Cette seule raison justifie que l’accord soit abandonné.

Annexe 1 : Comment nous avons évalué l’impact climatique de l’accord

En 2020, une étude a été réalisée pour le gouvernement suisse sur les impacts climatiques de l’accord AELE-Mercosur.29 Elle estime que pour l’alimentation et l’agriculture dans leur ensemble, les émissions de gaz à effet de serre résultant de l’accord augmenteront de 200 000 tonnes dans la région du Mercosur en 2040, alors qu’il n’y aura pratiquement aucune augmentation en Suisse.30 Selon l’étude, la majeure partie des changements du côté du Mercosur seront le résultat de l’augmentation de la production de bétail, qui conduira à une déforestation accrue (à un niveau « modéré ») et à une augmentation des prix des terres.31 Cette étude était basée sur une modélisation d’équilibre général calculable (MEGC). Bien que la MEGC soit souvent utilisée pour évaluer les incidences économiques des accords commerciaux, elle est vivement critiquée parce qu’elle repose sur des hypothèses irréalistes telles qu’une concurrence parfaite, l’équilibre budgétaire et le plein emploi. En ce qui concerne l’agriculture, l’étude examine le secteur dans son ensemble et n’indique pas comment elle calcule les émissions pour certains produits comme le fromage. En fait, les auteurs eux-mêmes disent que s’ils pouvaient examiner des produits agricoles spécifiques, les changements estimés des émissions de gaz à effet de serre seraient « plus prononcés ».32

Nous avons emprunté une approche différente, celle que nous avons utilisée pour notre évaluation des impacts climatiques de l’accord commercial UE-Mercosur, qui a ensuite été reprise et utilisée par de nombreuses études gouvernementales européennes. Nous nous sommes intéressés aux quotas convenus dans le cadre de l’accord. Les quotas sont des engagements pris par les gouvernements pour permettre l’importation d’une quantité spécifique d’un produit à un taux douanier réduit ou nul. Ils peuvent être remplis ou non. Mais en eux-mêmes, ils représentent une intention et une responsabilité légale. Nous avons mesuré l’impact commercial des quotas agricoles de cet accord par rapport aux volumes commerciaux actuels. Nous avons ensuite évalué l’impact climatique de la modification du commerce à l’aide d’un outil très réputé de la FAO, le modèle GLEAM.

Le chiffre de 75 500 tonnes d’équivalent CO2 par an auquel nous sommes parvenus est inférieur aux 200 000 tonnes estimées par l’étude du gouvernement suisse pour l’année 2040. Comment expliquer cette différence, mis à part le fait que nous avons mesuré des choses différentes à des échéances différentes ? Nous nous sommes renseignés, mais n’avons pas obtenu d’éclaircissements sur la manière dont les Suisses sont arrivés à leur chiffre. Nous savons que le secteur agricole brésilien est la principale source d’émissions de gaz à effet de serre dans la région du Mercosur, principalement sous forme de méthane émis par les vaches. L’étude suisse a révélé une augmentation des émissions de méthane, qu’elle attribue elle-même à une expansion du secteur de l’élevage au Brésil, à la suite de l’accord. Étant donné que les quotas de viande bovine n’entraîneront pas une augmentation significative du commerce de viande bovine avec l’AELE (seule la Norvège doublera ses importations si son quota est rempli), il est possible que le modèle suisse « anticipe » que l’accord entraînera une croissance de quelques points du PIB mondial, ce qui se traduira par une augmentation des revenus, et que cela conduira à une demande plus importante de viande de bœuf et de porc brésilienne en général. Mais c’est une pure hypothèse.

Notes

1 L’accord doit être ratifié par tous les parlements. Dans l’intervalle, il entrera en vigueur bilatéralement une fois qu’il aura été ratifié par un pays de l’AELE et un pays du Mercosur.
2 Voir GRAIN, « L’accord commercial UE-Mercosur va intensifier la crise climatique due à l’agriculture », 25 novembre 2019, https://grain.org/e/6357
3 Si l’on exclut l’or, la principale exportation du Mercosur, l’agriculture représente 22 %. Banque interaméricaine de développement, « Mercosur-European Free Trade Association Agreement », septembre 2019, https://publications.iadb.org/en/mercosur-european-free-trade-association-agreement
4 Voir l’Annexe 2, Tableau 1.3. La forte hausse en Europe est due aux tout nouveaux quotas sur les fromages.
5 Voir GRAIN, « Greenwashing des entreprises : le « zéro net » et les « solutions fondées sur la nature » sont des escroqueries meurtrières », mars 2021, https://grain.org/e/6636.
6 UN Comtrade, https://wits.worldbank.org. Les données portent sur 2019. Les importations de poisson de l’AELE proviennent principalement du Chili, de la Chine et de l’Argentine, membre du Mercosur.
7 Matt Craze, « Chile salmon exporters’ next headache: Brazil market is unravelling », Undercurrent News, 19 mai 2020, https://www.undercurrentnews.com/2020/05/19/chile-salmon-exporters-next-headache-brazil-market-is-unraveling/ ; « Fish import », Brazil for business, https://www.brazil.tm/en/fish-import.
8 Just Economics, « Dead loss: the high cost of poor salmon farming practices », février 2021. https://www.justeconomics.co.uk/health-and-well-being/dead-loss
9 Ibid.
10 SINTEF, « Carbon footprint and energy use of Norwegian seafood products », 2009, https://www.sintef.no/globalassets/upload/fiskeri_og_havbruk/fiskeriteknologi/filer-fra-erik-skontorp-hognes/carbon-footprint-and-energy-use-of-norwegian-seafood-products-final-report-04_12_09.pdf.À en juger par la politique climatique de Mowi de 2019, l’évaluation du SINTEF n’a pas été actualisée. https://mowi.com/wp-content/uploads/2019/04/Mowi-Climate-Change-Policy.pdf https://salmonfacts.com/salmon-and-environment/how-does-farmed-salmon-affect-co2-emissions/
11 Secrétariat de l’ALE, « Conclusion in substance of the EFTA-Mercosur free trade negotiations », 24 août 2019, https://www.efta.int/sites/default/files/documents/legal-texts/free-trade-relations/mercosur/2019-08-24-EFTA-Mercosur-Chapter-Description-of-FTA.pdf
12 Landbruk, « Hvorfor ønsker regjeringen en frihandelsavtale med MERCOSUR? », 27 août 2019, https://www.landbruk.no/internasjonalt/hvorfor-onsker-regjeringen-en-frihandelsavtale-med-mercosur-2/
13 Caroline Dommen, « Blueprint for a human rights impact assessment of the planned comprehensive free trade agreement between EFTA and Mercosur », Alliance Sud, 22 janvier 2020, https://www.alliancesud.ch/de/file/58105/download?token=Jasyd4B-
14 USP, « Rapport annuel 2019 », https://api.swissmilk.ch/wp-content/uploads/2020/04/rapport-annuel-psl-2019-fr.pdf
15 Association européenne du commerce des produits laitiers, « Objection to the protection of ‘Emmentaler’ as a designation of origin in Mercosur », 21 octobre 2019, https://www.eucolait.eu/userfiles/files/Position%20papers/Eucolait%20reservations%20to%20registration%20of%20Emmentaler%20as%20a%20designation%20of%20origin%20in%20Mercosur%20countries%202019_10_21.pdf « Emmental suisse » est une appellation d’origine en Suisse. Voir Swissinfo, « Turning around the Emmental cheese industry », 7 septembre 2012, https://www.swissinfo.ch/eng/sacred-cow_turning-around-the-emmental-cheese-industry/33437572
16 Au cours des pourparlers sur l’accord de libre-échange UE-Mercosur, une grande bataille a eu lieu sur le droit des producteurs du Mercosur de continuer à utiliser des noms de produits alimentaires européens tels que « fontina » ou « quezo azul » ou « charolais », qui avaient été introduits en Amérique latine par la conquête et l’expansion économique. Finalement, l’UE a accepté d’offrir un délai de grâce pendant lequel certains noms (comme le gruyère, le gorgonzola, le parmigiano reggiano ou encore le champagne) pourraient continuer à être utilisés par les producteurs locaux pendant quelques années, mais réservés ensuite aux Européens.
17 Ram Etwareea, « La fronde s’étend contre l’accord avec le Mercosur », Le Temps, 30 août 2019, https://www.letemps.ch/suisse/fronde-setend-contre-laccord-mercosur
18 Undercurrent News, « World’s 100 largest seafood companies », 2020, https://www.undercurrentnews.com/report/worlds-100-largest-seafood-companies-2020/
19 Fiona Harvey, op cit.
20 Yara affirme être le premier producteur mondial de nitrates et d’engrais NPK dans le monde et le deuxième producteur d’ammoniac dans le monde. « Annual report 2019 », https://www.yara.com/siteassets/investors/057-reports-and-presentations/annual-reports/2019/yara-annual-report-2019-web.pdf/
21 Les données proviennent de la base de données Comtrade de l’ONU pour 2018.
22 Les données proviennent de la base de données Comtrade de l’ONU pour 2019. La majeure partie provient de pays comme la Russie, les États-Unis, la Chine, le Canada et le Maroc.
23 Le texte de l’accord n’étant pas public, nous ne savons pas ce qu’il dit à propos des engrais. Mais le gouvernement norvégien considère que les engrais sont sa principale exportation vers le Mercosur et se vante que, grâce à l’accord, 99,3 % de ses exportations vers cette région seront exonérées de droits de douane d’ici 15 ans. Voir « Fakta om frihandelsavtalen med Mercosur », 23 octobre 2020, https://www.regjeringen.no/no/aktuelt/dep/nfd/nyheter/nyheter-2019/fakta-om-frihandelsavtalen-med-mercosur/id2666463/.
24 Yara, op cit.
25 Richard Cassin, « Norway jails four ex Yara execs for India, Libya bribes », FCPA blog, 8 juillet 2015, https://fcpablog.com/2015/07/08/norway-jails-four-ex-yara-execs-for-india-libya-bribes/.
26 Caroline Dommen, op cit.
27 Isolda Agazzi, « Des études d’impact fragmentées et partielles – Lignes d’horizon », Le Temps, 12 décembre 2020, https://blogs.letemps.ch/isolda-agazzi/2020/12/12/mercosur-des-etudes-dimpact-fragmentees-et-partielles/
28 IADB, op cit.
29 « Assessment of the potential environmental impacts and risks in Switzerland and the Mercosur States resulting from a Free Trade Agreement between the EFTA States and Mercosur », SECO, juin 2020, https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/61957.pdf.
30 Ibid, Tableau 8. Nous faisons référence aux émissions « par activité ».
31 Ibid, pages 47 à 60.
32 Ibid, p 44.

source : GRAIN

Printed from: https://www.bilaterals.org/./?aele-mercosur-un-nouveau-coup-bas