Maurice : Les APE devraient être soumis à un test électoral

Inter Press Service (Johannesburg) | 8 Mai 2007

Les APE devraient être soumis à un test électoral

By Nasseem Ackbarally
Port Louis

"Voici un accord de libre-échange entre pays riches et pauvres dans lequel les premiers essaient d’imposer un système d’échanges commerciaux réciproque aux seconds, avec d’énormes conséquences pour des populations pauvres".

C’est la vraie image des Accords de partenariat économique (APE), selon Résistance et Alternative, un petit parti politique mauricien. Les APE sont négociés actuellement entre l’Union européenne (UE) et des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) pour remplacer les accords commerciaux préférentiels existants.

Résistance et Alternative a demandé aux députés de mettre fin aux négociations parce que, comme l’a déclaré son porte-parole Ashok Subron, "C’est aux populations de décider d’un tel accord à travers un référendum. Elles seront les premières à être affectées".

Subron croit que les APE seront préjudiciables au développement économique et social, à la paix et à la sécurité, à la démocratie et à l’intégration régionale entre les pays ACP.

Expliquant les conséquences pour la population, en particulier pour les pauvres, il a indiqué que la consommation passerait des productions locales aux importations de l’UE lorsque les APE seront entièrement mis en oeuvre.

Subron a cité la recherche qui a prédit que la production locale pour le marché intérieur chutera de 24 pour cent après l’instauration de l’APE. Ceci conduira à la suppression de 12 pour cent d’emplois, en particulier dans le secteur industriel, affectant principalement les femmes. Les recettes douanières diminueront de 54 pour cent.

Eric Mangar du Mouvement Autosuffisance Alimentaire (MAA), une organisation non gouvernementale travaillant avec des fermiers locaux, est du même avis que Subron. L’UE profitera au maximum des APE, a-t-il dit à IPS.

"J’ai quelques questions, mais je ne sais pas qui va y répondre. Par exemple, Maurice est actuellement autosuffisante dans la production de poulets. Que se passera-t-il si les poulets de l’UE sont importés ici? Cela n’affectera-t-il pas la sécurité alimentaire de l’île? Que se passera-t-il si nous ne signons pas les APE? Nous devrions le savoir", a-t-il souligné.

Subron comme Mangar soutenaient que Maurice serait un grand perdant si l’APE était signé et mis en oeuvre.

Toutefois, le gouvernement mauricien ne voit pas les APE de cette manière.

Le gouvernement compte sur les arrangements des APE pour soutenir son nouvel itinéraire économique et son programme de réformes qui mettront l’île sur la voie d’un développement durable et de la compétitivité globale.

"Maurice est attachée à l’APE et aux réformes économiques. Mais nous devons nous assurer qu’il y a un équilibre entre ce qui est donné et ce qui est reçu", a souligné Madan Dulloo, le ministre du Commerce extérieur et international de Maurice.

Il a proposé que des flexibilités adéquates et des mesures de sauvegarde soient insérées dans l’APE pour Maurice, en vertu du principe de traitement spécial et différentiel. Dans le système de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), un traitement spécial et différentiel est applicable aux Etats pauvres en reconnaissance de leur statut de développement plus bas par rapport aux Etats industrialisés.

L’Etat insulaire veut maintenir le protocole ACP-UE sur le sucre, qui lui accorde un accès préférentiel au marché de l’UE. Il demande également des règles d’origine plus flexibles.

Les règles d’origine dans les accords commerciaux déterminent le lieu de provenance des produits à l’entrée. Parfois, ces mesures sont si restrictives que des Etats en développement sont incapables d’utiliser l’accès préférentiel aux marchés de l’UE ou des Etats-Unis.

En négociant l’APE, Maurice veut également le financement nécessaire pour développer l’infrastructure liée au commerce et renforcer sa capacité d’approvisionnement.

Les tarifs de préférence non réciproques actuels dont jouit Maurice en vertu de l’Accord de Cotonou seront maintenus jusqu’au 31 décembre 2007. L’APE commencera au début de 2008.

L’UE est en train de proposer de retirer progressivement le régime de droits de douanes et de quotas sur le sucre en provenance des pays ACP d’ici à 2015. Jusqu’à 2015, des garanties basées sur le volume seront appliquées aux plus gros pays producteurs de sucre des ACP. Par ailleurs, sa proposition inclut également l’assujettissement de l’accès du sucre des ACP au marché de l’UE à une garantie protectrice après 2015.

Sur cette question, le Premier ministre mauricien, Navin Ramgoolam, a prévenu que Maurice ne pourra pas rivaliser avec des pays comme le Swaziland, le Soudan et le Brésil lorsque l’UE réduira les prix du sucre des 36 pour cent prévus d’ici à 2009.

C’est la raison pour laquelle l’Etat insulaire, le plus gros exportateur de sucre des pays ACP, veut que ce produit soit inclus sur la liste des produits sensibles. "Le lobbying continue sur cette question", a déclaré à IPS, le ministre de l’Agro-Industrie, Arvin Boolell.

Mais ceci promet d’être une tâche difficile pour les négociateurs mauriciens après l’annonce de l’UE selon laquelle le protocole ACP-UE sur le sucre prendra fin en septembre 2009.

"Ceci montre qu’il n’y a pas de droit acquis dans ce monde", a commenté Ramgoolam, ajoutant que Maurice n’a pas pu élaborer une stratégie pour faire face à la transition d’une économie protégée à une économie libéralisée.

Plus tôt ce mois à Washington, le ministre des Finances, Rama Sithanen, a affirmé : "En plus de la perte des recettes fiscales, nous avons également les coûts sociaux douloureux de l’ajustement". Dans l’industrie du textile et des vêtements, 30 pour cent de personnes ont perdu leurs emplois ces dernières années, dont 85 pour cent sont des femmes. Des milliers d’autres subissent le même sort dans l’industrie du sucre.

source : AllAfrica.com

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