Les APE peuvent étouffer l’industrie florale en difficulté

Inter Press Service (Johannesburg) | 26 Juillet 2007

Les APE peuvent étouffer l’industrie florale en difficulté

By Alexis Okeowo
Kampala

L’industrie florale de l’Ouganda a besoin de mesures incitatives du gouvernement et de l’accès préférentiel à l’Union européenne (UE) pour prospérer, déclarent des membres du secteur de la floriculture de cette nation de l’Afrique de l’est.

L’Ouganda est le cinquième plus grand exportateur de fleurs de l’Afrique, commercialisant uniquement des roses et des boutures de chrysanthème. L’industrie gagne annuellement plus de 30 millions de dollars de recettes à partir de 7.500 tonnes métriques de fleurs exportées. Quelque 142 hectares de roses et 32 hectares de boutures de chrysanthème sont en train d’être produits.

En 1992, l’Ouganda a rejoint les principaux exportateurs africains comme le Kenya et le Zimbabwe dans le commerce avec les Pays-Bas, le plus grand exportateur mondial des produits frais de la floriculture. Des fleurs cultivées à l’intérieur du pays sont d’abord destinées à l’exportation, étant donné la forte demande et les meilleurs prix offerts dans l’UE que dans les marchés locaux.

A l’instar d’autres pays africains exportateurs de fleurs, l’Ouganda expédie ses produits par bateau aux Pays-Bas, où les fleurs sont ensuite réexportées vers le reste de l’Europe et des Etats-Unis. Les Pays-Bas constituent le centre du commerce floral mondial, représentant 1,3 milliard d’euros.

Les coûts sont naturellement plus élevés en Europe, où des producteurs doivent investir dans des installations coûteuses telles que les serres en verre qui peuvent résister au temps froid. Pour réduire les frais, beaucoup d’industries internationales de floriculture ont ouvert des succursales dans des pays africains. Il existe trois firmes florales hollandaises en Ouganda.

En 1993, seules trois fermes florales étaient inscrites pour des exportations en Ouganda, mais il y a actuellement 19 fermes exportatrices enregistrées. Les exportateurs de fleurs d’Ouganda ont progressé de façon significative depuis le début des années 1990 quand beaucoup de pionniers ont perdu leurs fermes au profit des banques commerciales après qu’ils n’ont pas pu réaliser de profit.

"Les premiers problèmes que nous avions étaient liés aux variétés de fleurs que nous cultivions. Notre climat ne convenait pas au modèle kenyan que nous avons essayé de suivre et qui nous a conduits à des rendements médiocres", déclare Juliet Musoke, directrice exécutive de l’Association ougandaise des exportateurs de fleurs (UFEA).

Après plusieurs essais, des producteurs ont compris que l’Ouganda était plus favorable aux petites roses, qui produisent beaucoup de rendement mais ne donnent pas assez d’argent que les fleurs plus grosses.

L’industrie florale de l’Ouganda est une industrie intensive capitalistique, exigeant des entrepreneurs d’être capables d’investir un minimum d’environ 1,5 million à deux millions de dollars.

Les investisseurs ougandais du secteur floral disent qu’ils ont dû appuyer leurs propres fonds avec des prêts bancaires élevés. Les frais de démarrage sont allés vers l’achat de terres, des équipements industriels, des serres, du matériel d’irrigation et les frais du fret aérien.

Selon Stanley Mulumba, propriétaire de la Ferme Ugarose, les coûts triplent pour un investisseur qui veut que ses fleurs poussent dans des serres préfabriquées par opposition à celles en bois.

Il y a quelques semaines, une joint venture entre le Groupe Madhvani basé en Ouganda et la ’Flower Direct’ basée aux Pays-Bas a annoncé qu’elle débuterait la première ferme de fleurs de chrysanthème du pays. Le Groupe Madhvani a indiqué qu’il espérait gagner 1,4 million d’euros à partir de 13 hectares dans sa première année.

Cette annonce est un développement clé pour l’industrie ougandaise qui a manqué d’attirer de nouveaux investisseurs, mais qui a besoin de doubler sa production pour concurrencer d’autres exportateurs de Afrique de l’est.

Selon l’UFEA, l’investissement total actuel dans le secteur est de 50 millions de dollars. Huit fermes appartiennent aux investisseurs étrangers, trois appartiennent conjointement aux Ougandais et aux investisseurs étrangers, et sept à des Ougandais.

L’UFEA veut une grande expansion du secteur à hauteur de 400 hectares en exploitant de nouvelles fermes, en élargissant celles qui existent et en déplaçant la culture des fleurs vers des zones montagneuses plus fraîches dans l’est et l’ouest de l’Ouganda. Mais l’accroissement du volume des exportations et des profits dépendra d’un programme d’incitation à l’investissement offert par le gouvernement, déclare Musoke.

L’Accord de partenariat économique (APE) en suspens avec l’UE menace l’industrie fragile. Les APE exigent que les 77 pays d’Afrique, du Pacifique et des Caraïbes (ACP) offrent un accès au marché réciproque à leurs partenaires commerciaux de l’UE.

"Comment encourager les industries ougandaises à cultiver pour les amener à entrer en concurrence avec des sociétés commerciales multinationales de l’UE?", demande Musoke. "Vous ne pouvez pas avoir des gens ayant des niveaux de développement différents dans un même marché", ajoute-t-elle.

Jabber Abdul, propriétaire de la ferme ’Mairye Estates’, déclare : "Nous ne pouvons pas encore faire concurrence librement parce que nous ne sommes pas encore prêts à nous passer des incitations commerciales". ’Mairye Estates’ existe depuis 1952, mais a été, seulement récemment, certifié par les normes hollandaises, lesquelles comportent l’assurance du bien-être des travailleurs et une adhésion aux normes environnementales.

La plupart des fermes emploient un minimum de 300 travailleurs. Le secteur emploie 6.000 Ougandais, dont 80 pour cent sont des femmes. Des travailleurs des fermes de fleurs supportent souvent des conditions dures venant des pratiques comme la pulvérisation chimique.

"Comparativement, des travailleurs ougandais sont dans des conditions acceptables sur les fermes. Ils reçoivent des vêtements de sécurité, il y a des cliniques sur les fermes, des formations et des informations sont données sur comment se protéger et certains ont des allocations de logement", indique Musoke. Elle ajoute que chaque ferme doit respecter un code de sécurité d’usage pour le secteur de la floriculture.

Les frais du fret aérien ont soumis les fermes à une contrainte financière lourde ces derniers mois. "L’un des principaux défis attendant l’industrie est le coût du fret aérien, qui est actuellement de 2,40 dollars par kilogramme", affirme Musoke. Ce taux est particulièrement élevé pour des exportateurs ougandais. Les producteurs kenyans payent 1,70 dollar par kg et les Ethiopiens, 1,50 dollar par kg.

La raison est que l’Ouganda est un pays enclavé qui dépend des compagnies aériennes des Etats voisins, étant donné qu’il n’a aucune compagnie aérienne nationale. Des producteurs payent des taux élevés pour les compagnies aériennes étrangères.

De plus, le marché floral ougandais est encore petit en termes de quantité de cargaisons en provenance de et en partance pour, ce qui n’encourage pas plus de compagnies aériennes à entrer dans ce marché. Le gouvernement ougandais a aggravé le problème en n’octroyant pas des subventions au secteur, ajoute Musoke.

"Il appartient au gouvernement ougandais de donner une subvention sur le carburant ou sur les frais de manutention. Les fermes s’en sortent avec peu de profit", souligne Musoke.

Peter Mwangi, gérant des Fermes Rosebud est du même avis. "Nous endurons beaucoup de difficultés avec les frais du fret aérien", déclare Mwangi, ajoutant que le problème de pénurie d’énergie du pays a rendu les affaires peu fiables. Souvent, on n’arrive pas à prévoir de façon exacte des coûts de gestion d’un projet pour l’année.

Le budget de l’Ouganda pour le prochain exercice budgétaire, publié récemment, comprend des subventions pour le secteur de la floriculture. Des mesures incitatives telles qu’une exonération d’impôts sur les sociétés peut finalement encourager de nouveaux investissements et la croissance dans cette industrie en difficulté.

source : IPS

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