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Accord de libre-échange UE-Etats-Unis: crispations autour de l’exclusion de l’audiovisuel

L’Expansion.com avec AFP - publié le 23/04/2013

Accord de libre-échange UE-Etats-Unis: crispations autour de l’exclusion de l’audiovisuel

La France reste inflexible et considère que la défense de l’exception culturelle passe par l’exclusion de l’audiovisuel des négociations sur l’accord de libre-échange entre la France et les Etats-Unis. Une position "non négociable", et défendue par une pétition signée par près de 80 cinéastes européens.

L’exception culturelle ne fera pas partie des négociations de libre-échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis, a annoncé lundi la Commission européenne, répondant aux objections de la France qui menace de bloquer le projet de partenariat transatlantique. "L’exception culturelle ne sera pas négociée", a souligné dans un communiqué le Commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht. Les pays européens qui le souhaitent "resteront libres de maintenir les mesures existantes, et la France en particulier restera parfaitement libre de maintenir ses mécanismes de subventions et de quotas", promet-il.

L’exception culturelle hors négociations, mais pas l’audiovisuel...

"L’Europe ne mettra pas en péril l’exception culturelle par une négociation commerciale. Rien dans l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis ne pourra porter préjudice, ni même risquer de porter préjudice, à la diversité culturelle", assure encore le commissaire européen. "Les négociations prendront en compte les différentes sensibilités et spécificités sectorielles de l’Union européenne. Le secteur audiovisuel en fait évidemment partie", ajoute-t-il.

Pour autant, cela ne signifie pas que l’audiovisuel sera exclu des négociations, a assuré à l’AFP le porte-parole de M. De Gucht, John Clancy. "Il s’agit d’ouvrir des possibilités à l’avenir, on répète ce qu’on avait écrit dès le début", a expliqué M. Clancy, rappelant qu’on "ne peut pas toucher" à l’exception culturelle parce qu’elle est inscrite "dans les traités" européens.

La ministre française du Commerce extérieur, Nicole Bricq, a réagi lundi auprès de l’AFP en soulignant "l’ambiguïté" de la position de la Commission. "Nous attendons de voir le projet de mandat écrit que la Commission doit nous envoyer d’ici le 3 mai pour vérifier si cette ambiguïté demeure".

Elle avait averti la semaine dernière que la France refuserait le projet d’accord si l’audiovisuel n’était pas exclu du mandat de négociations. Mme Bricq doit rencontrer mardi à Washington notamment des membres du Congrès américain et un conseiller du président Obama, pour "comprendre ce qu’ils veulent", a-t-elle expliqué, soulignant que les Etats-Unis paraissaient "plus soucieux de la piraterie sur internet que de l’exception culturelle".

L’exclusion de l’audiovisuel "non négociable" pour le gouvernement

"Il faut que la Commission européenne entende ce message: l’exception culturelle, nous y tenons et je ne suis pas seule à la défendre", a-t-elle insisté. Dans un communiqué commun avec la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, elle a rappelé ce mardi que " la France a posé une condition sine qua non à son accord pour des négociations sur un accord de partenariat transatlantique avec les Etats-Unis : le plein respect de l’exception culturelle, et en particulier l’exclusion pure et simple de l’audiovisuel. Le mandat de négociations doit donc être modifié pour sortir de l’ambigüité dans laquelle reste le Commissaire européen au Commerce. Aucune autre solution n’est acceptable. Nous y veillerons lors de la présentation par la Présidence irlandaise de sa proposition de modification du projet de mandat." "La France ne transigera pas. L’exclusion des services audiovisuels n’est pas négociable. Une déclaration de principe ne suffit pas", ajoute le communiqué.

Nicole Brick a par ailleurs salué l’initiative de près de 80 réalisateurs européens. Ceux-ci, emmenés par les frères belges Luc et Jean-Pierre Dardenne, ont signé une pétition pour exiger à leur tour des chefs d’Etat et de gouvernement européens l’exclusion du secteur de l’audiovisuel du projet de libre-échange transatlantique. Parmi eux, l’Autrichien oscarisé Michael Haneke, le Danois Thomas Vinterberg, les Français Michel Hazanavicius ("The Artist"), Eric Toledano et Olivier Nakache ("Intouchables"), ainsi que l’Espagnol Pedro Almodovar, les Britanniques Ken Loach, Mike Leigh et Stephen Frears, ainsi que l’Américain David Lynch.

Barroso espère un début des négociations avant l’été

Quant au commissaire européen chargé du Marché intérieur, Michel Barnier, il a souligné lundi auprès de l’AFP qu’il fallait "faire très attention à la diversité culturelle", comme "la Commission s’y est engagée". "La culture n’est pas une marchandise", a-t-il insisté.

Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, s’est montré optimiste lundi sur le lancement des négociations en vue d’un accord de libre échange transatlantique à l’occasion d’une rencontre avec le secrétaire d’Etat américain John Kerry à Bruxelles. Il a dit espérer qu’elles puissent être lancées "avant l’été". "J’ai informé le secrétaire d’Etat de ma conviction que nous pouvons obtenir un mandat de nos Etats membres avant l’été, maintenir la dynamique et obtenir dès que possible cet accord historique", a-t-il poursuivi.

"Double langage", "mensonges" et "cynisme" clame la SACD

La Commission européenne avait donné en mars son feu vert au lancement de négociations de libre-échange avec les Etats-Unis, en incluant le secteur audiovisuel dans le mandat de négociations, qui doit encore être approuvé par les 27. Théoriquement, un tel feu vert des Etats ne nécessite pas l’unanimité des 27, mais aucune négociation de libre-échange n’a jusqu’ici été lancée sans que celle-ci soit obtenue, a rappelé la Commission à l’AFP.

La SACD, qui représente une partie des ayants droit de l’audiovisuel en France, a de son côté dénoncé dans un communiqué "les contrevérités et mensonges" ainsi que le "cynisme" du commissaire européen au Commerce, Karel de Gucht.

"Pourquoi inclure dans le champ de la négociation un secteur si l’on entend le préserver de toute discussion pouvant l’affecter ? L’intention est claire : la Commission a déjà secrètement négocié un gel des réglementations qui ne pourront plus s’adapter aux évolutions technologiques et qui seront donc amenées à se réduire progressivement avant de disparaître. Pour les nouveaux services audiovisuels, elle organisera la suppression pure et simple de l’acquis communautaire qui garantissait des règles minimales de soutien à la création audiovisuelle et cinématographique dans tous les pays européens", affirme la société de gestion collective.

"Tout dans le communiqué de M. De Gucht tient du double langage, de l’approximation, de la plaidoirie", affirme la SACD, qui appelle José Manuel Barroso "à recevoir dans les délais les plus brefs une délégation des cinéastes européens initiateurs et signataires de la pétition".


 source: L’Expansion