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Agriculteurs – Les conséquences du traité de libre-échange avec le Chili

L’insoumission | 10 février 2024

Agriculteurs – Les conséquences du traité de libre-échange avec le Chili

Agriculteurs. « Nous ne pouvons pas laisser notre agriculture à la merci de la concurrence déloyale », expliquait Prisca Thévenot, porte-parole du gouvernement le 29 janvier 2024. Quelques jours plus tôt, les députés européens macronistes approuvaient dans la plus grande discrétion l’accord de libre-échange avec le Chili, le 24 janvier. Un double discours classique chez les macronistes. La majorité du groupe auquel appartient le RN a fait de même en approuvant ce traité. Au total, ils sont 80% d’eurodéputés à avoir adouber cet accord, un de plus après celui passé avec la Nouvelle Zélande et le Kenya. Seuls les insoumis s’y sont opposés.

Quelles conséquences ? 99,9% de droits de douane supprimés, 100% des agriculteurs pressurisés. Les quotas d’importation sans droits de douane vont augmenter pour le porc (9000 tonnes), le bœuf (2000 tonnes) ou la viande ovine (4 000 tonnes). Celui de la viande de volaille double pour atteindre les 38 000 tonnes. De nouveaux quotas sont créés pour les préparations de fruits (1000 tonnes), l’huile d’olive (11 000 tonnes) ou encore l’éthanol (2000 tonnes). Zéro garantie sur les volets écologiques et sociaux.

L’Union européenne persiste et signe pour l’importation de produits depuis l’autre bout du monde et qui ne respectent pas les normes en vigueur en France. En Europe, des millions d’agriculteurs et de salariés sont entrés en mouvement contre le libre échange pour obtenir des revenus dignes. Un mouvement qui n’a pas dit son dernier mot. Notre brève.

Accord de libre-échange Chili-UE : pourquoi transporter des pommes sur 10 000 kilomètres ?

Alors que dans tous les pays de l’Union européenne, des agriculteurs montent sur leur tracteur, arrêtent de travailler, (au péril de leur production de l’année) pour faire entendre leur colère contre la concurrence déloyale des importations de produits qui ne respectent pas les normes sociales et environnementales en vigueur pour eux, l’accord avec le Chili poursuit cette même logique.

Les droits de douane vont baisser de 99,9%. Les quotas d’importation sans droits de douane vont augmenter pour le porc (9000 tonnes), le bœuf (2000 tonnes) ou la viande ovine (4 000 tonnes). Celui de la viande de volaille double pour atteindre les 38 000 tonnes. De nouveaux quotas sont créés pour les préparations de fruits (1000 tonnes), l’huile d’olive (11 000 tonnes) ou encore l’éthanol (2000 tonnes). Pour les pommes et les kiwis, il n’y aura carrément plus aucune limite. Pour quoi faire ? On ne sait plus produire des pommes en France ?

Qui y gagne ? Les entreprises capables de produire suffisamment peu cher, donc en immense quantité, en ne tenant aucun compte de l’environnement. Qui y perd ? Toutes les personnes qui tentent de pratiquer une agriculture respectueuse de la terre et des êtres vivants qui l’habitent. Ces personnes qui construisent l’agriculture du futur, nourricière, durable seront mis encore plus sauvagement en concurrence avec des méga-fermes à l’autre bout du monde. Car si le volet financier, comptable de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Chili est très précis. Celui sur les garanties sociales et environnementales l’est beaucoup moins.

Dans les coulisses de ces accords de libre-échange dits « nouvelle génération », le chapitre sur les systèmes alimentaires durables, présenté comme une avancée majeure, se révèle être une coquille vide. Tant vanté par la Commission européenne, ce chapitre n’apporte aucune exigence supplémentaire quant au contenu de nos importations. Il se contente de rappeler des accords internationaux déjà en place, comme ceux de l’Organisation internationale du travail (OIT) ou les Accords de Paris.

L’accord UE-Chili, censé favoriser la coopération pour rendre nos systèmes alimentaires plus durables, demeure flou et peu concret. Il évoque pêle-mêle la réduction du gaspillage alimentaire, la lutte contre les fraudes dans la chaîne alimentaire, ou encore l’amélioration du bien-être animal. Toutefois, loin de fixer des normes claires, le texte se contente de promouvoir la création de groupes de travail sur ces sujets. Une approche évasive qui laisse entrevoir des exigences légères et non contraignantes. De plus, il omet toute mention de sanctions en cas de non-respect de ces prétendus engagements.

Au Parlement européen, une seule opposition au libre-échange : les insoumis et leurs alliés

Alors que toute l’Union européenne est secouée par la colère des agriculteurs, un seul groupe politique s’oppose fermement à ces accords de libre-échange. Celui de la Gauche, conduite par Manon Aubry.

Comme le montre ce tableau, toutes les autres familles politiques oscillent entre une vague et molle contestation (les Verts) à un franc soutien (tous les autres).

Dans tous ces accords de libre-échange « l’agriculture est toujours la première sacrifiée, dénonce Nicolas Roux socio-anthropologue spécialisé en économie et membre d’Attac.. La dynamique est la même : tous les agriculteurs, petits surtout, sont mis en compétition. C’est la même logique que pour les délocalisations ». Un seul gagnant, selon Maxime Combes, économiste à l’Association internationale de techniciens, experts et chercheurs (Aitec) : l’agrobusiness. « Il est très heureux de ces accords de libre-échange », au détriment des paysans en Europe et dans le reste du monde.

Adopter le protectionnisme écologique pour sortir du libre-échangisme : avec les insoumis, un autre commerce mondiale est possible

Le 30 novembre dernier, à l’Assemblée nationale, la France insoumise (LFI) a porté par la voix de Manuel Bompard et Aurélie Trouvé une proposition de loi visant à établir des prix rémunérateurs garantis pour les agriculteurs, leur assurant ainsi de pouvoir vivre de leur travail. Mais cette mesure a été balayée par les députés macronistes, épaulés par les Républicains (LR). À une courte marge de six voix près, la proposition incluant ces prix garantis a été rejetée.

Un acte manqué pour un métier souvent ignoré, sauf durant les quelques jours du salon de l’Agriculture. Une telle initiative aurait répondu à l’angoisse des agriculteurs qui sont aujourd’hui forcés de vendre en dessous de leur coût de production pour résister à la concurrence déloyale des importations.

Les insoumis proposent une solution à long terme : abandonner le libre-échangisme pour instaurer le protectionnisme écologique. L’objectif est double : protéger les agriculteurs et rapatrier une part importante de la production agricole afin de ne plus dépendre de matières premières issues de conditions sociales et écologiques dégradées. « Nous demandons au gouvernement de cesser de négocier des traités de libre-échange. Nous demandons d’ailleurs un moratoire sur les accords de libre-échange, [ils] font pression sur les prix payés aux producteurs agricoles », soulignait Aurélie Trouvé lors d’une conférence de presse du groupe insoumis le 23 janvier 2024.

Libre-échange globalisé ou protectionnisme écologique ? Au rythme actuel, les petites exploitations agricoles disparaîtront au profit des fermes-usines les plus polluantes. Les agriculteurs qui tentent de produire dans le respect de l’environnement, ne pourront pas survivre et continueront à mettre fin à leurs jours. Le taux de suicide est déjà alarmant aujourd’hui. Un tous les jours. Un tous les trois jours. Suivant les années. Les géants absorbent les petits. L’agriculture française est en danger de mort. Mais il est encore temps de la sauver.

Cela passe ni par de nouveaux accords de libre-échange ni par l’adhésion de nouveaux pays à l’Union européenne, comme l’Ukraine, ce qui nuirait considérablement aux agriculteurs français, et pas seulement.

Alors que le changement climatique s’accélère et que nos matières premières deviennent de plus en plus rares, la France doit être capable de se nourrir de manière autonome, sans dépendre de produits venant de l’autre bout du monde, créés dans des conditions socialement et écologiquement dommageables. Il est urgent de mettre un terme au grand déménagement du monde. La planification écologique et le protectionnisme écologique doivent devenir la boussole humaniste du 21ème siècle.


 source: L’insoumission