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APE : Un marché de dupes

LeFaso.net

APE : Un marché de dupes

mardi 18 mars 2008.

Les Accords de partenariat économique (APE) ne finissent toujours pas de faire parler d’eux. L’écrit ci-dessous en est la preuve.

Les dirigeants africains ont intérêt à écouter leurs peuples (société civile, intellectuels, journalistes, agriculteurs, industriels, penseurs, populations rurales...) qui crient leur colère face au scandale qui se profile à l’horizon concernant les Accords de partenariat économique (APE). L’Afrique va être une fois de plus le dindon de la farce. Personne ne peut accepter cette mort programmée de notre continent. Que peuvent faire les industries africaines face à la vague déferlante des industries européennes ?

Les Européens ont commencé la construction de l’Europe il y a 50 ans ; pendant toutes ces années leur protectionnisme était pur et dur pour protéger leurs industries détruites durant la deuxième guerre mondiale et consolider leur développement ; c’est quand ils ont su qu’ils ont toutes les cartes en main qu’ils veulent que les Africains ouvrent leurs frontières sans aucune retenue.

Il en est de même des Américains. Il n’y a pas de pays plus protectionniste que les Etats-Unis d’Amérique.

L’Amérique latine a des dirigeants assez courageux pour oser défier les puissances occidentales qui veulent les transformer à leur image. Ils refusent de se soumettre même si cela se fait de façon brouillonne (tentative de création d’une banque du sud pour faire contre-poids à la Banque mondiale de regroupement économique. . .).

L’Afrique est le seul marché vierge où l’Europe veut écouler ses bricoles sans aucune barrière douanière, ni tarifaire, mondialisation oblige.

Si les dirigeants africains jouent ce jeu, qu’ils sachent qu’ils seront désavoués par leurs peuples. S’ils veulent ils peuvent signer ces accords qui sont pires que ceux imposés à nos ancêtres au moment de la colonisation et des travaux forcés. Jamais les peuples africains n’accepteront cette seconde colonisation qui ne dit pas son nom.

Qu’ont-ils à avoir peur des Occidentaux ?

Mais qui est-ce qui peut conduire les dirigeants africains à être si couards devant les dirigeants occidentaux ?

 La peur de perdre le pouvoir comme la plupart sont des antidémocrates qui ne respectent pas les règles constitutionnelles. Ils préfèrent brader les intérêts des peuples pour conserver leur fauteuil.
 Les longs règnes à vie qui débouchent toujours sur des impasses. Ou bien c’est leur propre prise en otage par des systèmes qu’ils ont fabriqués et qu’ils croyaient contrôler, mais qui leur échappent à l’image du monstre du Docteur Frankenstein.
 Les APE sont l’aboutissement logique des PAS (Programmes d’ajustement structurel) des débuts des années 80 qui ont démantelé et détruit le tissu industriel africain. Tous les dictateurs aux petits pieds de la Françafrique : AOF (Afrique occidentale française) et AEF (Afrique équatoriale française) sont tous des bons élèves du FMI/Banque mondiale. Toutes tendances confondues, aucun d’eux n’a osé refuser les PAS et proposer un autre modèle de développement pour l’Afrique.

L’Afrique reste arrimée au système capitaliste dont il n’a ni le contrôle, ni la maîtrise, donc la situation est très difficile pour elle et ses habitants.

Les idées, les positions défendues par tous ceux qui s’opposent à ces APE sont justes, mais il s’agit du système capitaliste qui est régi par des rapports de force. Il n’y a pas de pitié pour les canards boîteux. Les pauvres Africains font penser à l’histoire du loup et de l’agneau dans laquelle l’agneau sera mangé par le loup malgré ses beaux arguments pour sa défense, la raison du plus fort étant toujours la meilleure comme disait La Fontaine.

Les dégâts causés par la mondialisation sont tellement dramatiques à travers le monde que les observateurs avisés se demandent combien de temps encore l’humanité acceptera cette injustice inqualifiable et si le système ne portait pas en lui même les germes de sa propre destruction ?

Limites et laideur du libéralisme

Le système libéral a montré ses propres limites et sa laideur et le grand débat qui se pose aujourd’hui n’est plus de décrire ses méfaits mais que faire pour que l’humanité fasse un progrès qui profite à la majorité abandonnée au bord de la route par la mondialisation ? « Tandis que, contre l’horreur économique, le discours critique qu’on appela un temps alter mondialiste s’embrouille et devient soudain inaudible, un nouveau capitalisme s’installe, encore plus brutal et conquérant. C’est celui d’une catégorie nouvelle de fonds vautours, les private equities, des fonds d’investissement à l’appétit d’ogre disposant de capitaux colossaux". [1]

"Certains pensaient qu’avec la globalisation le capitalisme était enfin repu. On voit maintenant que sa voracité semble sans limite. Jusqu’à quand ?" [2]

"Milton Friedman et l’école de Chicago sont l’exemple type de la politique "essentiellement délibérée et expérimentale".

Le basculement complet se produit avec la théorie de "la fin de l’histoire". Francis Fukuyama annonce et appelle de ses vœux les "nouvelles découvertes scientifiques" qui, par leur essence même, aboliront l’humanité en tant que telle (...) Alors commencera une nouvelle histoire au-delà de l’humain". [3]

Mais qui sera témoin de cette histoire au-delà de l’humain ? L’histoire de l’humanité est ainsi faite qu’il y a des moments où il faut penser la liberté en temps de détresse.

Et comme disait le professeur Joseph Ki Zerbo quand on choisit d’être un wagon, on sera toujours tiré par une locomotive.

Hamadou DEM

L’émergence des idées libérales", Monde diplomatique, janvier 2008.

Footnotes:

[1Lire "Voracité", Monde diplomatique, novembre 2007.

[2Lire "Voracité", Monde diplomatique, novembre 2007.

[3Lire "Une longue construction historique."


 source: leFaso.net