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L’enjeu des droits de l’homme s’invite dans les accords commerciaux

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EurActiv | 16 mars 2016

L’enjeu des droits de l’homme s’invite dans les accords commerciaux

Un nouvel environnement juridique émerge autour de la politique commerciale de l’UE. La compatibilité des accords commerciaux avec la question des droits de l’Homme est de plus en plus examinée par la médiatrice et la Cour de Justice.

Début mars, la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, s’est rendue au Maroc pour limiter les dégâts de l’incident diplomatique déclenché en décembre 2015 par un jugement de la Cour de justice de l’UE, qui annulait partiellement un accord commercial de 2012 entre Bruxelles et Rabat.

Fin février, le Maroc avait riposté en suspendant toutes les relations formelles avec les institutions européennes.

À la même période, la médiatrice européenne a clos l’affaire portée par la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), et a accusé l’accord de libre-échange (ALE) UE-Vietnam, en attente de ratification, de « mauvaise gestion ».

Emily O’Reilly a reproché à la Commission d’avoir refusé de réaliser une étude d’impact ex ante sur les conséquences de l’ALE sur les droits de l’Homme. La question a été discutée à la commission sur les droits de l’Homme (DROI) du Parlement européen début mars. La commission devrait encourager l’inclusion d’une évaluation d’impact de l’accord UE-Vietnam sur les droits de l’Homme, bien que l’accord ait formellement été conclu en décembre 2015.

La FIDH considère que le texte de l’accord de libre-échange entre l’UE et le Vietnam doit être modifié pour inclure des provisions juridiquement contraignantes et exécutoires. « Pour nous, il y a un problème de légalité », a déclaré Gaëlle Du Sépulchre, représentante de la FIDH à Bruxelles.

L’accord UE-Maroc a quant à lui libéralisé de manière significative le commerce des produits agricoles et des produits de la pêche. Une plainte a été déposée auprès de la Cour de justice de l’UE par le Front polisario, qui revendique depuis plus de quarante ans l’indépendance de son territoire du Sahara occidental vis-à-vis du Maroc. Depuis longtemps, Rabat bloque en effet un référendum d’auto-détermination que voudrait organiser le mouvement sous les auspices des Nations-Unies.

La CJUE a rendu son verdict en expliquant que l’UE n’avait pas réalisé d’étude d’impact sur les retombées négatives que pourrait avoir l’accord sur la population du territoire occupé par le Maroc, mais revendiqué par le Front polisario et non reconnu par la communauté internationale.

La Cour a jugé l’affaire recevable, alors qu’elle concernait un accord international. Comme la Cour n’a aucune compétence en matière d’accords internationaux, elle s’est penchée sur la décision du Conseil prise après l’accord, ce qui est presque toujours le cas lorsqu’un accord commercial entre en vigueur dans l’EU.

Le Conseil, mené par des pays comme la France et soutenu par la Commission européenne, a introduit un recours contre le verdict, estimant que le Maroc est un partenaire stratégique clé et un havre de stabilité digne du soutien de l’UE dans une région africaine hautement instable. Aucun État membre ne veut donc compromettre cette relation.

Une procédure de recours devant la Cour prend au moins neuf mois. Pendant ce temps, l’accord restera en suspens.

Après sa réunion avec Salaheddine Mezouar, le ministre marocain des Affaires étrangères, Federica Mogherini a déclaré aux journalistes que l’accord sur les produits agricoles restait en vigueur.

Pour le Maroc, le verdict de la Cour est politique. « Ce n’est pas qu’une affaire juridique, mais un sujet éminemment stratégique, un élément fondamental pour la poursuite de notre partenariat », a déclaré Salaheddine Mezouar.

Le sort de l’accord UE-Vietnam est encore incertain. Les représentants de la commission commerce du Parlement européen soutiennent globalement l’ALE tel qu’il a été conclu, car il inclut un long chapitre sur le travail et l’environnement et est intégré à un accord de partenariat et de coopération plus large qui comporte des dispositions sur les droits de l’Homme.

Le fait que l’UE ait pu modifier considérablement l’accord UE-Canada (CETA) en février 2016 pour y inclure un tribunal pour les investissements pourrait encourager les groupes de pression qui exigent des changements. Pour Gaëlle Du Sépulchre, de la FIDH, le CETA est en effet la preuve que des changements peuvent être apportés à un texte déjà ratifié.


 source: EurActiv