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Les Philippines espèrent un accord de libre-échange avec l’UE avant 2028

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Euractiv | 29 juin 2023

Les Philippines espèrent un accord de libre-échange avec l’UE avant 2028

par János Allenbach-Ammann

Alors que les Philippines se rapprochent du statut de pays à revenu intermédiaire supérieur, qui leur ferait perdre le traitement préférentiel dans le cadre de la politique commerciale de l’UE, elles tentent de conclure un accord de libre-échange avec l’Union, a déclaré le secrétaire philippin au Commerce et à l’Industrie lors d’un entretien avec EURACTIV et Borderlex.

« Nous sommes optimistes et pensons que dans l’année, il y aura une reprise », a déclaré le secrétaire au Commerce et à l’Industrie des Philippines, Alfredo Pascual, à propos des négociations de l’accord de libre-échange (ALE) entre Bruxelles et Manille, qui ont été interrompues en 2017.

M. Pascual était en tournée en Europe cette semaine pour promouvoir son pays en tant que partenaire commercial. Il s’est notamment arrêté à Bruxelles pour rencontrer et s’entretenir avec le vice-président exécutif et commissaire européen au Commerce, Valdis Dombrovskis.

Au centre de ses préoccupations : le système de préférences généralisées plus (SPG+), par lequel l’UE accorde un accès préférentiel au marché à certains pays en développement et dont les Philippines bénéficient actuellement.

Toutefois, cet accès préférentiel est à présent menacé.

Par les discussions internes de l’UE…

D’une part, le règlement SPG de l’UE arrive à échéance fin 2023 et la proposition législative de la Commission visant à le prolonger pour 2024-2033 n’a pas encore été approuvée, le Parlement européen et les États membres s’opposant quant au fait de lier ou non l’accès au système à la migration.

En effet, alors que les États membres représentés au Conseil de l’UE souhaiteraient conditionner l’accès au SPG à la réadmission par les pays de leurs propres ressortissants ayant migré illégalement dans l’UE, les négociateurs du Parlement veulent garder les deux questions séparées.

Les discussions entre le Conseil et le Parlement étant dans l’impasse, un scénario catastrophe pourrait se produire 2024.

Selon un porte-parole de la Commission, l’exécutif a commencé à travailler, parallèlement au blocage des négociations, pour prolonger les règles actuelles du SPG et éviter le scénario catastrophe, mais cette prolongation devrait également être approuvée par le Conseil et le Parlement.

M. Pascual espère que les choses seront bientôt éclaircies. « Nous sommes ici pour que l’Union européenne nous donne une bonne indication de la manière dont elle formule les nouvelles règles du SPG+ », a-t-il déclaré.

« Nous voulons savoir s’ils nous considèrent comme éligibles [au système]. Si c’est le cas, nous présenterons une nouvelle demande. »

… et en raison de la croissance des Philippines

Cependant, même si l’UE parvient à prolonger le SPG dans les années à venir, il est peu probable que les Philippines puissent en bénéficier encore longtemps. En effet, les États membres n’accordent l’accès au SPG qu’aux pays considérés comme étant en dessous du seuil des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure.

Grâce à la forte croissance économique enregistrée ces dernières années, le pays est sur le point de franchir le seuil du PIB qui en ferait un pays à revenu intermédiaire supérieur, selon la définition de la Banque mondiale.

Selon M. Pascual, ce seuil devrait être atteint en 2025. Pour être finalement considérées comme un pays à revenu intermédiaire supérieur, les Philippines devront rester au-dessus du seuil pendant trois ans, ce qui signifie que l’accès au SPG+ pourrait être perdu d’ici 2028.

Pour éviter le retour des droits de douane, le ministre philippin du Commerce souhaite conclure un accord de libre-échange avec l’UE au plus tard à cette date.

Relancer les négociations de l’ALE

« Afin de ne pas perturber les industries nationales aux Philippines, nous aimerions pouvoir passer sans décalage à un ALE entre les Philippines et l’UE », a indiqué M. Pascual à EURACTIV, espérant que les négociations débutent avant la fin de l’année 2023.

Un porte-parole de la Commission européenne a confirmé à EURACTIV que MM. Dombrovskis et Pascual avaient « discuté de la manière de réactiver l’agenda commercial UE-Philippines, tant au niveau bilatéral que multilatéral ».

« À ce stade, il est encore prématuré de dire si et quand nous reprendrons les négociations de l’ALE », selon le porte-parole.

Les Philippines et l’UE négociaient déjà un accord commercial au cours de la dernière décennie, mais les pourparlers ont été interrompus en 2017 lorsque l’UE s’est inquiétée des problèmes de droits humains dans le pays sous l’administration de Rodrigo Duterte, qui a été président jusqu’à l’été 2022.

La tournée de M. Pascual en Europe a également pour but de rassurer et convaincre les Européens que la situation a changé dans le pays, bien que son message soit entaché par le fait que le nouveau président des Philippines, Bongbong Marcos, est le fils de l’ancien dictateur du pays, Ferdinand Marcos.

« Nous sommes plus ouverts aux engagements internationaux avec l’administration actuelle », a déclaré M. Pascual, arguant de la nécessité de collaborer sur les questions des droits humains, des droits des travailleurs et de l’environnement.

Un partenaire dans la réduction des risques liés à la Chine

M. Pascual souhaite positionner son pays comme un partenaire à la fois de la transition écologique et des efforts déployés par les États-Unis, l’Union européenne et d’autres aux vues similaires pour diversifier leurs relations commerciales en s’éloignant de la Chine.

« Pour les observateurs, [la durabilité] peut sembler être un problème parce qu’ils peuvent penser que les pays en développement sont moins préoccupés par l’environnement, mais ce n’est pas le cas aux Philippines », a déclaré M. Pascual, en soulignant l’objectif de 35 % d’énergies renouvelables que le pays s’est fixé pour 2030.

« Nous faisons partie des cinq pays les plus vulnérables à l’impact négatif du changement climatique » et c’est pourquoi « les gens sont conscients de la situation », explique-t-il.

Plus précisément, le ministre du Commerce a affirmé que les gisements de nickel du pays pourraient être utilisés pour mettre en place une chaîne d’approvisionnement en batteries aux Philippines.

« Nous exportons 90 % de nos minerais de nickel vers la Chine », a-t-il déclaré, estimant qu’une part essentielle de la plus-value serait ainsi perdue pour Manille.

Toutefois, avec l’aide d’entreprises européennes ou américaines, cette situation pourrait changer, offrant à son pays un moyen de réduire sa dépendance à l’égard de la Chine tout en fournissant aux nouveaux alliés un meilleur accès à des matières premières essentielles.

« Nous pouvons traiter nos minerais en utilisant de l’énergie propre », a déclaré M. Pascual, qui considère l’ensemble du discours sur la réduction des risques comme une opportunité pour les Philippines.

« La réduction des risques liés à la Chine implique de passer à d’autres sources d’approvisionnement, et c’est là que nous pourrons tirer parti de cette évolution. »


 source: Euractiv