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Libre-échange : un front commun pour la réciprocité des normes

La France Agricole | 3 novembre 2023

Libre-échange : un front commun pour la réciprocité des normes

par Benoît Devault

La Maison de la chimie à Paris était bien remplie, dans l’assistance comme sur l’estrade ce 31 octobre 2023. L’institut Veblen, la Fondation pour la Nature et l’Homme et Interbev avaient organisé une matinée conférence sur le thème des politiques commerciales de l’Union européenne. ONG, personnalités politiques ou encore syndicats de filières animales ou végétales se sont succédé pour lister leurs griefs contre les accords commerciaux internationaux et réclamer plus de réciprocité dans les normes sanitaires et environnementales.

Avant la prise de parole des différents intervenants, le ministre Marc Fesneau s’est d’abord fendu d’un autosatisfecit. « S’il n’y a pas encore d’accord avec le Mercosur et l’Australie, c’est que la France s’est opposée, il faut le dire », explique-t-il. Mais la France n’est pas seule dans l’Union européenne à décider du sort de ces accords. « Nous avons un travail de persuasion », admet-il. Car cette conférence sans débat, avait surtout pour objectif de peser sur la grande échéance électorale de 2024 : les élections européennes.

Consensus dans les filières

Aux premières loges, l’ancien président des Jeunes Agriculteurs et désormais député européen Jérémy Decerle aimerait voir du renfort au Parlement européen. « On doit faire un pacte pour pousser vers la réciprocité. On ne peut pas signer le Green Deal d’une main et le Mercosur de l’autre, estime-t-il. Mais ce n’est pas toujours facile de marcher dans les couloirs du Parlement européen en étant anti-Mercosur. »

Pour convaincre, les arguments ne manquent pas. Filières animales (Anvol, Interbev, Fédérations nationales ovine et bovine) ou végétales (Intercéréales, Terres Univia, AIBS, AGPM) ont ainsi pu faire l’inventaire des problématiques posées par ces accords internationaux.

En bovin à viande, Patrick Benezit, président de la FNB, dénonce une situation de concurrence déloyale dont les filières françaises souffrent déjà. « Tout ce qui est interdit chez nous est autorisé ailleurs. » Citant pêle-mêle les activateurs de croissance, antibiotiques systématiques ou encore les farines animales. Et pointe la menace. « En 10 ans, l’Argentine et le Brésil ont mis l’équivalent du cheptel total français en plus. Quand on perd des vaches chez nous, ils en mettent davantage chez eux », s’alarme-t-il.

De son côté, Jean-Michel Schaeffer, président de l’interprofession de la volaille de chair Anvol, ne veut pas aggraver une situation déjà compliquée avec les importations venues de l’Ukraine et du Brésil. « On a un problème de traçabilité de ce qu’on importe. Une fois que ça arrive dans l’Union européenne on ne sait plus. Dès l’arrivée au port de Rotterdam, il suffit de quelques micro-étapes de conditionnement et on a la norme CE », se lamente-t-il. Rajouter des contingents d’importation amplifierait par ailleurs un phénomène déjà existant. « L’augmentation de la consommation de volailles en France, se fait par de l’importation », regrette-t-il.

Un avertissement pour les élus

Les filières végétales ne sont pas en reste. Franck Laborde, le président de l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM), a fustigé les conditions de production, notamment au Brésil. « 78 % des produits phytosanitaires qu’ils utilisent sont interdits en France. Nous sommes en flagrant délit d’importation d’une agriculture qu’on ne veut pas », dénonce-t-il. Sur cette problématique, Stéphanie Kpenou de l’institut Veblen pointe l’inefficacité de l’approche par les LMR (limite maximale de résidus) à l’importation. « Ça ne garantit pas l’absence d’utilisation pendant la production, seulement une absence de traces dans le produit fini. Il faut donc aller plus loin pour les produits les plus dangereux et interdire leur utilisation par la mise en place de filières dédiées », plaide-t-elle.

Emmanuel Bernard, éleveur de bovins et président de la section bovine d’Interbev, a lui esquissé un avertissement pour les élus actuels et futurs qui pourraient voter en faveur de ces accords commerciaux. « C’est un risque pour les politiques. On ira chercher des poux dans la tête de ceux qui ont ratifié ces accords dans les scandales alimentaires à venir. Nous sommes dans une société qui ne laissera plus passer », anticipe-t-il.

Une feuille de route entérinée

Pour guider le prochain mandat européen des élus français, les organisateurs ont clôturé l’évènement en présentant leur feuille de route. En premier lieu, un moratoire sur les accords de libre-échange est exigé pour évaluer leur « compatibilité avec les ambitions affichées par l’Union européenne en matière de souveraineté alimentaire et de transition écologique ». L’impact global des volumes d’importation concédés dans les différents accords devra aussi être analysé. La deuxième demande concerne le Mercosur. Pour les cosignataires, il faut afficher une fin de non-recevoir et de pas ratifier l’accord si les clauses miroirs en sont absentes.

Sur les clauses miroirs toujours, le collectif veut faire appliquer celles déjà adoptées comme sur les antibiotiques activateurs de croissance, d’une part, et l’adoption sur le prochain mandat de nouvelles clauses miroirs, notamment sur la traçabilité et les produits phytosanitaires, d’autre part. Par ailleurs, il est demandé que les contrôles soient mieux organisés, en particulier dans les pays exportateurs, grâce à la mise en place de « filières affectées à l’exportation ». Les entreprises européennes devront également « être mises à contribution et assumer leurs responsabilités » dans l’organisation de ces contrôles. Enfin, le volet de la déforestation devra être approfondi en élargissant les zones à protéger et les produits concernés.


 source: La France Agricole