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Scandale des forages pétroliers en Gironde : comment Vermilion pourrait faire payer la France

Bon Pote | 10 février 2024

Scandale des forages pétroliers en Gironde : comment Vermilion pourrait faire payer la France

par Yamina Saheb

Etienne Guyot, le préfet du département de la Gironde, va probablement trancher en faveur de la demande d’autorisation de l’entreprise Canadienne VERMILION REP de réaliser huit nouveaux forages pétroliers sur la concession de Cazaux dans la commune de La Teste de Buch.

Selon l’enquête publique, menée sous la direction de Mme Carole Ancla, l’objectif de ces nouveaux forages est « d’atteindre des réserves pétrolières jusque-là non exploitées de la concession, afin de stabiliser la production et de viser à l’atteinte du rendement maximum du gisement imposé par le code minier »

Avoir en 2024 dans le Code minier un objectif de maximiser le rendement des gisements d’hydrocarbures relève tout simplement du suicide collectif. En effet, la NASA vient de confirmer qu’en 2023, la planète Terre s’est réchauffée de l’ordre de 1.4°C par rapport à la fin du 19e siècle, lorsque la tenue des registres modernes de température a commencé.

Et le GIEC nous a rappelé dans ses derniers rapports publiés entre 2021 et 2023 :

  1. qu’« il est sans équivoque que l’influence humaine a réchauffé l’atmosphère, l’océan et les terres »;
  2. que « les augmentations des concentrations de gaz à effet de serre (GES)…résultent, sans équivoque, des activités humaines »;
  3. que « trois-quarts des émissions de GES proviennent de l’exploration, la production et l’utilisation des énergies fossiles ».

Un mandat à l’encontre de nos objectifs climatiques et des promesses du président Macron

L’extension du mandat d’exploitation de la société VERMILION REP, si elle est accordée par l’Etat, serait incohérente avec :

  1. l’objectif de neutralité carbone de la France inscrit dans la loi climat et résilience;
  2. l’annonce du président Macron de faire de la France la première grande nation à sortir des énergies fossile;
  3. l’annonce du président Macron d’un grand chantier national pour la replantation à la suite des incendies de l’été 2022 dans la région;
  4. la protection de la forêt de La Teste, qui s’impose à l’Etat, car classée en site Natura 2000.

En revanche, une décision de l’Etat en faveur de la demande de VERMILION REP serait cohérente avec l’avis favorable de Mme Carole Anca. Cet avis est motivé, selon la commissaire enquêtrice, par le fait que :

  1. « les forages pétroliers… n’ont pas empêché le classement de la forêt de la Teste en site Natura 2000, ni le développement touristique du Bassin d’Arcachon,
  2. le pétrole qui ne serait pas produit en France, serait certainement importé avec un coût environnemental bien plus élevé;
  3. l’arrêt de cette production ne permettrait pas de réduire significativement les émissions de GES liées aux consommations d’énergies fossiles ».

Au-delà de cet avis favorable, qui ignore la réalité du changement climatique, l’Etat pourrait décider en faveur de la demande de la société VERMILION REP en raison de la loi Hulot.

Cette fameuse loi qui devait faire du premier quinquennat du président Macron un quinquennat écologique et qui en a fait, sous la menace de la société VERMILION REP, le quinquennat qui prolonge l’exploitation des hydrocarbures dans les concessions existantes, rendant ainsi caduques l’objectif de la France de devenir neutre en carbone en 2050 et toutes les annonces du président de la République sur la lutte contre le changement climatique et la restauration/protection de la nature.

Comment VERMILION REP pourrait encore une fois faire plier la France

VERMILION REP est la filiale française du groupe canadien VERMILION Energy Inc. Selon sa communication officielle, cette entreprise serait le premier producteur de pétrole en France. En effet, trois-quarts de la production pétrolière française, qui représente 1% de notre consommation, serait produite par VERMILION, qui est titulaire d’au moins 26 concessions d’exploitation d’hydrocarbures.

VERMILION s’est fait connaître en 2018, grâce au travail de l’ONG Les Amis de la Terre, qui avait rendu public le courrier adressé au Conseil d’Etat par le biais du cabinet d’avocats PIWNICA & MOLINIE et dans lequel, VERMILION faisait part de ses observations sur le projet de la loi Hulot relatif à l’interdiction de l’exploitation des hydrocarbures.

Dans ce courrier, VERMILION a pointé du doigt des incohérences dans le projet de la loi Hulot comme la proposition de prolonger les permis exclusifs de recherche et d’octroi de nouvelles concessions, alors que l’exploration dans les concessions existantes, comme celle de Cazaux dans la commune de La Teste de Buch, ne serait plus prolongée dès que la loi Hulot serait promulguée.

VERMILON a précisé dans son courrier que cette proposition de loi, qu’elle considère litigieuse, est contraire :

  1. au Code minier, cité par Mme Carole Ancla dans son rapport;
  2. à la directive 94/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 1994, sur les conditions d’octroi et d’exercice des autorisations de prospecter, d’exploiter et d’extraire des hydrocarbures;
  3. aux principes constitutionnels, notamment au droit à la propriété et à la liberté d’entreprendre;
  4. aux engagements internationaux de la France en tant que membre du traité sur la Charte de l’énergie.

La sortie boiteuse de la France du Traité sur la Charte de l’énergie (TCE)

Peu connu du grand public, le traité sur la Charte de l’énergie est un accord multilatéral de 1994, ratifié par la France en 1999, qui permet aux investisseurs étrangers d’exiger jusqu’à plusieurs milliards d’euros des Etats en compensation de l’impact négatif que les changements dans la législation liée au secteur de l’énergie pourraient avoir sur les investissements faits et sur les bénéfices escomptés par les investisseurs étrangers.

En 2022, un groupement d’investisseurs composé de l’Allemand ENCAVIS AG et d’autres compagnies a introduit une plainte contre la France pour modification des incitations pour la production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables. Tout se passe dans le plus grand secret. Ni les motifs du litige, ni les sommes demandées, ni le cabinet d’avocats qui représente la France ne sont rendus publics. Pourtant, c’est le citoyen français qui paiera si ce groupement d’investisseurs gagne au tribunal d’arbitrage privé imposé à la France.

En octobre 2022, le Président Macron a finalement pris la sage décision de mettre fin à la participation de la France à ce traité écocide qui met la souveraineté énergétique nationale dans les mains des investisseurs étrangers.

Depuis l’annonce de la sortie de la France, une dizaine de pays membres de l’Union européenne ont également annoncé leur sortie. Toutefois, ces annonces n’ont été suivies d’effet que dans trois pays à savoir la France, l’Allemagne et la Pologne.

Les possibles menaces de VERMILION

Pour que la France retrouve toute sa souveraineté sur ses politiques énergétiques, elle doit faire annuler au plus vite la clause de survie qui prolonge de 20 ans la protection des investissements faits avant de quitter le TCE. Typiquement, les investissements faits par VERMILION, jusqu’en décembre 2023, dans la concession de Cazaux dans la commune de La Teste de Buch, restent protégés par le TCE jusqu’en 2043 grâce à cette clause de survie.

Et comme la demande de VERMILION REP porte sur une concession existante, il est facile de faire passer les investissements, à faire si l’Etat approuve la demande en cours, pour des investissements faits avant décembre 2023. Dans la pratique, VERMILION pourrait demander à constituer un tribunal d’arbitrage pour déposer une plainte contre la France. Plainte qui se chiffrerait à plusieurs millions, voire milliards d’Euros que le contribuable français devra payer.

L’autre option pour VERMILION est de procéder comme en 2018. Il lui suffit d’envoyer un courrier au préfet de Gironde lui rappelant l’obligation pour la France de respecter la clause de «traitement juste et équitable » du Traité de la Charte de l’énergie pour que la France abdique à nouveau.

La solution est entre les mains du président de la République

Comme signalé dès 2019, la sortie du TCE des États membres de l’Union européenne doit obligatoirement être accompagnée de la sortie de l’Union européenne pour permettre l’annulation de cette clause de survie qui prolonge de 20 ans la protection des investissements faits avant d’en sortir.

Le président de la République a le pouvoir, et au nom des générations futures je dirais le devoir, de regagner notre souveraineté sur nos politiques énergétiques et de nous éviter les menaces d’investisseurs dans le crime climatique.

Il suffirait d’une alliance avec l’Allemagne et la Pologne pour mettre à l’ordre du jour de la prochaine réunion du Conseil de l’Union et de faire adopter la sortie de l’Union européenne du TCE et l’annulation de la clause de survie entre les Etats membres.


 source: Bon Pote