bilaterals.org logo
bilaterals.org logo
   

Au Sénat, l’accord Mercosur fait l’unanimité contre lui

l’Opinion | 17 janvier 2024

Au Sénat, l’accord Mercosur fait l’unanimité contre lui

par Emmanuelle Ducros

Un groupe de sénateurs LR et Union centriste ont soumis, mardi 6 janvier, une résolution pour appeler le gouvernement à refuser la ratification en l’état de l’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay). Selon eux, « les conditions démocratiques, économiques, environnementales et sociales ne sont pas réunies ». Le texte a été adopté à l’unanimité des sénateurs présents.

Rares sont les sujets qui poussent la classe politique française à réagir comme un seul homme. Il y en a au moins un : le refus de la ratification, en l’état, de l’accord de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne. Les élus, de droite comme de gauche, présents au Sénat le mardi 16 janvier, ont voté à l’unanimité le texte soumis par plus de 200 parlementaires de droite, LR et centristes essentiellement.

Leur souhait ? « Que le gouvernement refuse, en l’état, la ratification du Mercosur, résume Sophie Primas, vice-présidente du Sénat, à l’origine du texte. Et qu’il exige des pays sud américains ce que l’on appelle des "mesures miroirs" avant d’envisager de développer le commerce avec l’Union européenne. » » L’expression, popularisée par l’ancien ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, signfie que, pour entrer dans l’UE à des conditions préférentielles, les productions extraeuropéennes doivent respecter les standards sanitaires et environnementaux en vigueur dans l’Union. Le but est d’éviter de ruiner, par les exportations moins-disantes, les efforts domestiques de protection de l’environnement, en concurrençant, en plus, les produits locaux. « Les filières agricoles ont trop souvent, parle passé, été la monnaie d’échange dans les négociations commerciales. Cela ne peut plus durer, sous peine de mettre en péril notre souveraineté alimentaire », expliquent les sénateurs.

Rouleau compresseur. Or, avec le Mercosur, on risque d’être servi. L’accord prévoit des quotas pour 99 000 tonnes de boeuf, 180000 tonnes de sucre, un million de tonnes de maïs, 650000 tonnes d’éthanol et 180000 tonnes de volaille. Des volumes massifs, mal perçus des agriculteurs et des populations européennes. La contestation de l’accord est, par exemple, mise en avant par les agriculteurs allemands actuellement dans la rue, et par leurs homologues français, qui dééilaient mardi à Toulouse.

Quand, en plus, les animaux sud-américains sont traités avec des antibiotiques interdits dans l’UE, les cultures avec des pesticides depuis longtemps bannis de nos champs et que les élevages gigantesques de boeuf encouragent la déforestation Pour les sénateurs, même libéraux, c’est non. Les 40 à 45 milliards d’euros d’échanges que laisse entrevoir l’accord ne valent pas les dégâts environnementaux qu’ils occasionneraient.

L’accord avec le Mercosur, surnommé « voitures contre vaches » apparaît comme d’un autre temps. « Accord dinosaure du monde d’avant, d’avant la Covid, la guerre en Ukraine, la chute de la biodiversité », a, par exemple, dénoncé, à la tribune, le sénateur EELV Yannick Jadot. Il a rappelé qu’au cours des 25 ans écoulés depuis le début des négociations avec les Etats sud-américains (Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay), l’équivalent en forêt de la Péninsule ibérique a disparu en Amazonie. La mise en oeuvre de l’accord renforcerait, selon lui, « un modèle de développement agro-exportateur basé sur un cycle soja-boeuf complètement déséquilibré, au détriment du développement de l’industrie, des services et des cultures vivrières. » » Les réticences françaises ne sont pas un cas isolé en Europe. L’accord est aussi assez largement rejeté, tel qu’il est, par les autres Etats. Plusieurs d’entre eux ont signalé leur opposition à l’accord en l’état, notamment les Pays-Bas, l’Autriche, l’Allemagne, l’Irlande. D’autres gouvernements, qui n’y sont pas directement opposés, ont toutefois émis des réserves sur l’accord. C’est le cas de la Slovaquie, de la Bulgarie, de la Lituanie, du Luxembourg et de la Roumanie. Ce qui explique que, depuis cinq ans, il soit perdu dans les limbes du processus de ratfication européen et que des voix s’élèvent pour exiger un processus de ratification qui implique les parlements nationaux. C’est aussi ce que demandent les sénateurs français. Mais le statu quo ne pourra pas durer.

Au second semestre 2023, la présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne a remis l’accord en selle. Madrid en avait fait une priorité pour des raisons géopolitiques et d’aff’ainités culturelles.

Depuis la visite du président Lula en France, en juin dernier, des déclarations souhaitant une ratification rapide se multiplient. Ainsi, Olivier Becht, l’(ex?) ministre du Commerce extérieur, l’avait-il défendu devant l’Assemblée nationale en juin dernier, alors que celle-ci s’apprêtait à voter une résolution similaire à celle du Sénat. Le texte, déposé par un groupe de députés couvrant un large spectre politique, de l’extrême gauche à la droite, avait été confortablement adopté Seuls les députés LFI, à l’exception de François Ruffin qui portait le texte, avaient voté contre.


 source: l’Opinion