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Ceta : Un bilan « clairement négatif pour l’environnement »

La France Agricole | 18 janvier 2024

Ceta : Un bilan « clairement négatif pour l’environnement »

Par Johanne Mâlin

Six ans après sa signature, l’accord entre l’Union européenne et le Canada, appelé Ceta ou AECG, aurait un tableau « mitigé pour le commerce mais clairement négatif pour l’environnement ». Un constat dressé par l’Institut Veblen, un cercle de réflexion qui a publié le 11 janvier 2024 son bilan de l’accord.

Mis en œuvre depuis 2017, le Ceta visait l’augmentation des échanges commerciaux entre l’Union européenne (UE) et le Canada. Il a été ratifié par l’Assemblée nationale, mais toujours pas par le Sénat, critique envers l’accord commercial. La Commission européenne dresse un bilan positif de la hausse des échanges, avec une augmentation des exportations de biens européens vers le Canada de 26 %. De son côté, le think-thank remet en cause un pourcentage basé en « valeur monétaire entre 2016 et 2020, sans prise en compte de l’inflation » qui deviendrait bien plus faible en termes de volume, de l’ordre de 8 %, estime l’institut Veblen.

En plus d’observer un bilan mitigé sur le volet commercial, l’institut dénonce un tableau « clairement négatif pour l’environnement ». En cause ? Des échanges accrus dans des « secteurs intensifs en émissions de gaz à effet de serre ». Les produits les plus concernés par la hausse des échanges sont les voitures, les réacteurs nucléaires, les produits pharmaceutiques, les boissons, spiritueux et vinaigres vers le Canada et les engrais, les combustibles minéraux et le nickel vers l’Union européenne.

Concernant le domaine agricole, le Ceta a permis la hausse de l’exportation de boissons, spiritueux et vinaigres et des préparations à base de céréales vers le Canada, et l’importation vers l’UE de poissons et crustacés, de céréales et d’engrais. Mais les échanges ne se font pas sans peine, avec des risques de distorsion de concurrence qui étaient déjà craints par la France au moment de l’adoption de l’accord. Le rapport Schubert en 2017 soulignait l’absence de clauses miroirs sur l’alimentation animale, les médicaments vétérinaires et le bien-être des animaux. Il s’inquiétait plus généralement du risque de recul des normes agricoles.

Pressions contre les normes environnementales

Effectivement, des « pressions accrues » du Canada dans les comités de dialogue sur la question agricole depuis l’adoption du Ceta sont constatées par l’institut. Avec l’objectif de verdissement de l’agriculture européenne (réduction de l’usage des produits phytosanitaires et des antibiotiques pour l’élevage, hausse de la SAU en agriculture biologique…), le Canada craint de ne pouvoir vendre ses produits sur le territoire européen.

« Le Canada fait ainsi pression sur l’UE afin de contrer le renforcement des réglementations dans le domaine agricole, par divers moyens et dans diverses enceintes », observe les autrices du rapport. Par exemple, le renouvellement de l’autorisation du glyphosate dans l’UE pour dix ans par la Commission européenne en novembre 2023 a été accueilli favorablement par le Canada.

« Cet élément est très important pour l’agriculture canadienne », soulève le rapport conjoint du comité mixte de gestion des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) de l’AECG du 3-5 octobre 2023 à Bruxelles. Un herbicide « intensivement utilisé dans les cultures canadiennes » en particulier pour les lentilles, dont le tiers de celles présentes sur le territoire européen est issu du Canada.

Clause miroir contestée

De même, le pays d’Amérique du Nord s’est plaint à l’OMC en mars 2023 de freins au libre-échange des produits agricoles par l’UE. L’organisation avait adopté la première mesure miroir environnementale pour interdire l’importation des produits agricoles contenant des traces de deux néonicotinoïdes interdits dans l’UE. Une législation « injustifiée » pouvant constituer une « restriction non nécessaire au commerce », avait alors défendu le Canada au comité des obstacles techniques au commerce de l’OMC.

Les clauses miroirs sont au cœur des demandes des agriculteurs français pour les accords internationaux afin d’éviter des distorsions de concurrence. Le mardi 16 janvier 2024, le Sénat a porté la voix des préoccupations agricoles en adoptant à l’unanimité une résolution contre l’accord commercial européen avec le Mercosur.


 source: La France Agricole