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La France très divisée sur le CETA à une semaine du vote au Parlement

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Euractiv | 13 mars 2024

La France très divisée sur le CETA à une semaine du vote au Parlement

Par : Hugo Struna

L’accord commercial entre l’UE et le Canada, qui sera soumis au Parlement français dans un peu plus d’une semaine, provoque de vifs débats alors que le sujet du libre-échange est au cœur des revendications des agriculteurs.

Alors que l’accord commercial entre l’UE et le Canada est appliqué de façon provisoire depuis 2017, seule l’Assemblée nationale a voté ce texte en 2019.

« Après 5 longues années, ça suffit. La démocratie n’est pas à géométrie variable », a affirmé le député communiste Fabien Gay sur X, dont le parti a mis le vote du CETA à l’ordre du jour du Sénat le 21 mars.

L’accord commercial entre l’UE et le Canada, ou « accord économique et commercial global », arrive donc au Parlement à un moment délicat. Durant les manifestations d’agriculteurs ces dernières semaines, les accords de libre-échange ont fait l’objet de critiques très vives, principalement en France.

Cet accord commercial entre l’Union européenne et le Canada, signé le 30 octobre 2016 et en application temporaire depuis 2017, supprime la plupart des droits de douane. En tant qu’accord de « nouvelle génération », il renforce également la coopération entre le Canada et l’UE en termes de normes et de régulation.

Pour être pleinement ratifié, il doit encore être voté par les parlements nationaux. À l’heure actuelle, 17 États membres ont ratifié le CETA, dont l’Allemagne, et 10 autres n’ont pas terminé les procédures, comme la France et l’Italie.

Craintes sur les importations de viande bovine

En France, les principales craintes portent sur les produits agricoles. Les représentants de la filière bovine craignent un afflux de viande soumise à des contraintes normatives plus faibles qu’en UE. Les éleveurs canadiens peuvent en effet avoir recours à des produits interdits dans l’Union, comme les farines animales pour nourrir leurs bêtes, les antibiotiques et certains pesticides.

Pour Interbev, l’interprofession bovine, l’absence de clauses miroirs « menace les standards de qualité et la souveraineté alimentaire européenne », et appelle les élus à ne pas ratifier cet accord.

Du côté du gouvernement français et de la Commission européenne, l’on assure que les normes européennes sont imposées lors des négociations commerciales. Preuve en est, la quasi-absence de viande bovine importée en UE depuis la mise en application de l’accord il y a 7 ans.

Si le Canada privilégie aujourd’hui les exportations vers la Chine, « on sait que rien ne pourra être fait, une fois l’accord ratifié, pour protéger les éleveurs bovins français », notamment le jour où le partenaire « en décidera autrement », soulignent dans une tribune pour le Figaro Anne-Cécile Suzanne, agricultrice et Marine Colli, consultante en politiques publiques agricoles.

Par ailleurs, elles pointent les défaillances lors des contrôles de la marchandise canadienne aux frontières de l’UE. De fait, lors des derniers audits sur la filière viande bovine canadienne, la Commission avait mis en évidence des problèmes de traçabilité concernant le bœuf aux hormones en particulier.

Bénéfices agricoles

Les partisans du CETA mettent en avant les bénéfices économiques de 7 ans de libre-échange à savoir 60 % d’exportations supplémentaires de produits agricoles à haute valeur ajoutée comme le fromage, dont les exportations ont bondi depuis 2017.

Le vice-président exécutif de la Commission européenne Valdis Dombrovskis, en charge de l’économie et fervent défenseur de l’accord, insiste même sur le fait que l’Europe exporte plus de viande bovine qu’elle n’en importe, remettant ainsi en cause les craintes initiales.

« Ceci démontre que nous avons su mettre en place des dispositifs européens efficaces pour protéger nos filières sensibles, que ce soit les quotas, les normes sanitaires de l’UE ou l’inclusion de 143 indications géographiques dans l’accord – dont 30 Françaises », précise le commissaire dans un communiqué le 12 mars.

Et de résumer : « Le CETA est bénéfique pour l’UE, pour la France et pour les agriculteurs français ».

L’UE entend surtout renforcer ses relations avec son partenaire canadien, le plus fiable du continent américain, lequel a permis d’assurer des importations de blé ou d’engrais pendant la crise du covid et d’amorcer un désengagement vis-à-vis de la Russie.

Les États membres

Avec la France, la Pologne, la Belgique ou l’Italie n’ont toujours pas validé l’accord. Alors que le parti de Giorgia Meloni, Fratelli d’Italia (FdI), s’oppose historiquement à la ratification du CETA, le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire italien, Francesco Lollobrigida, avait laissé entendre en 2023, que le pays pourrait malgré tout ratifier le traité.

De son côté l’Allemagne a ratifié l’accord en décembre 2022. Le pays sera l’un des principaux bénéficiaires en exportant davantage de produits de son industrie. Il exhorte à présent les autres États à suivre son exemple. Verena Hubertz, vice-présidente du groupe du principal parti au pouvoir au Bundestag, le SPD, a déclaré qu’elle souhaitait « montrer la voie » aux autres pays membres.

La Commission, par la voix de Valdis Dombrovskis, annonçait l’année dernière sa volonté de « finaliser la ratification de l’accord » rapidement afin de pouvoir procéder à « des mises à jour » et « une modernisation de l’accord ». L’exécutif européen devra tout de même attendre le feu vert des 10 États membres restant qui n’ont aucune contrainte de temps pour effectuer les votes.

Vote incertain

En France, le vote du Sénat le 21 mars prochain est loin d’être gagné. Interpellé sur le sujet depuis plusieurs années, le gouvernement n’a jamais voulu prendre l’initiative d’un second vote, raison pour laquelle les députés communistes, très hostiles au CETA, profitent de leur niche parlementaire pour le soumettre aux sénateurs.

Seul Franck Riester, le ministre délégué chargé du Commerce extérieur est monté au créneau dernièrement, expliquant qu’il s’agissait d’« un bon accord » pour l’économie française et « spécifiquement pour l’agriculture et l’agroalimentaire ».

Alors que la gauche dans son ensemble et la droite LR ont voté contre à l’Assemblée nationale, seule la majorité présidentielle l’avait soutenu. C’était il y a 5 ans, avant la Covid-19, la guerre en Ukraine et les manifestations d’agriculteurs.


 source: Euractiv