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La Belgique sur le point de ratifier un accord de libre-échange contesté entre l’UE et 3 des pays andins

Humundi | 12 décembre 2023

La Belgique sur le point de ratifier un accord de libre-échange contesté entre l’ue et 3 des pays andins

Le Parlement bruxellois s’apprête à ratifier l’accord de libre-échange entre l’UE et trois des pays andins (Colombie, Pérou et Équateur). Cet accord, fortement contesté par des organisations de la société civile andines et européennes, a été l’objet d’une campagne de Humundi en 2020 . A cette époque, en collaboration avec notre partenaire péruvien Conveagro, nous avons activement plaidé contre sa ratification, suite à la publication d‘un rapport mettant en évidence ses effets dévastateurs au Pérou sur l’agriculture familiale, la souveraineté alimentaire et l’environnement.

Signé en 2012 et en application provisoire depuis 2013, l’accord attend toujours sa ratification par les entités fédérées belges (Région de Bruxelles-Capitale et la Fédération Wallonie-Bruxelles) pour une mise en œuvre totale et définitive.

Depuis une décennie, les organisations de la société civile européennes et latino-américaines expriment leur opposition à cet accord en l’état. Elles dénoncent les menaces que l’accord fait peser sur les droits humains, la sécurité alimentaire, le travail décent et l’environnement dans les trois pays concernés depuis l’entrée en application provisoire du traité, insistant sur le respect et l’application des dispositions du chapitre sur le développement durable. Les organisations plaident activement en faveur d’une révision substantielle et pour la mise en place de mesures contraignantes permettant de vérifier les progrès réalisés sur les sujets abordés (droits humains, travail décent, environnement) . En 2017, une plainte a même été déposée par les organisations de la société civile péruvienne auprès de la Commission européenne. Elle visait l’État péruvien pour son non-respect des engagements pris en vertu de l’accord.

De plus, en 2020, une étude menée par Humundi et son partenaire péruvien Conveagro, a révélé les conséquences préoccupantes de la mise en œuvre provisoire de cet accord. Selon cette étude, 95% des agriculteurs et agricultrices locaux font face à une concurrence déloyale de produits alimentaires européens (poudre de lait, fromages ou frites surgelées) vendus à des prix avec lesquels ils ne peuvent pas rivaliser. L’exemple des frites est particulièrement poignant, le Pérou étant historiquement le pays d’origine de la pomme de terre. Elle représente de plus une culture vitale pour de nombreux agriculteurs·ice·s.

À l’époque, Climaco Cardenas, Président de la plateforme paysanne Conveagro, soulignait l’impact dévastateur des traités de libre-échange :

« Nous sommes plus de 2,2 millions de petit·e·s producteur·ice·s et nous avons vu comment ces traités de libre-échange ont dévasté la sécurité alimentaire dans notre pays. Mais plus important encore, ils ont dévasté toute l’économie des petits agriculteurs familiaux ».

UN ACCORD BENEFICIANT À L’AGROBUSINESS

Les principaux bénéficiaires de cet accord sont in fine les grands producteurs agroalimentaires européens et péruviens axés sur les exportations, promouvant une uniformisation de nos modèles alimentaires et un mode de production industrielle préjudiciable à l’environnement et aux ressources naturelles.

En mars 2021, une pétition portant plus de 5000 signatures, que nous avions remise au ministre bruxellois Rudi Vervoort, exprimait clairement l’opposition publique et appelait à la non-ratification de l’accord sans révision substantielle préalable.

Qu’à cela ne tienne, ce jeudi, après des années de discussions, le dossier est présenté pour vote au Parlement bruxellois, et ce, malgré un contexte tendu au Pérou avec des atteintes graves portées à la démocratie depuis l’éviction du président Pédro Castillo fin 2022 ou avec la libération récente de prison de l’ancien président Fujimori, condamné pour crimes contre l’humanité. Ces évènements laissent planer le spectre d’un recul des droits humains et doivent interpeller nos élu·e·s bruxellois·e·s à l’heure de la signature d’un tel accord.

Bien que plaidant pour une révision de l’accord, les oppositions politiques sur ce dossier ne remettent pas fondamentalement en cause sa signature par la Région bruxelloise. En soutien à nos partenaires péruviens, nous maintenons notre opposition ferme à la signature d’un tel accord en l’état et appelons à sa révision préalable. Le commerce international doit être mis au service du bien-être des populations, il ne doit pas leur porter atteinte.

Nous demeurons résolus à défendre une approche du commerce international plus juste, plus respectueuse des droits humains et de l’environnement. La décision cruciale se jouera ce jeudi lors du vote au Parlement bruxellois laissant entrevoir des tensions entre les intérêts économiques et le respect des droits fondamentaux.

[1] Frédéric Loore et Roger Job, « Champ d’horreur Comment les pesticides interdits en Belgique sont exportés au Pérou », 2023.


 source: Humundi